Chapitre 30 - 2 chevaux pour 2

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Trois jours s'étaient écoulés depuis le bal chez Lady Danbury ; il me restait donc sept jours pour peaufiner mon départ. J'étais repartie chez la modiste pour récupérer mon ticket de sortie, caché soigneusement dans mes sous-vêtements ; je passais le plus clair de mon temps à flâner dans les jardins, refusant d'accompagner mes parents où que ce soit ; je n'avais guère envie de prendre le thé avec Pierre Paul et Jacques tant que je pouvais lire des bouquins avec Agnès au Soleil.

- Appoline, nous avons quelqu'un à te présenter.

Agnès et moi ne firent qu'un en nous retournant au même moment vers père qui se trouvait avec mère et avec.. Mon futur fiancé, le fameux Lord Battenberg que j'avais croisé à la cour quelques fois. Il était grand, pas très âgé, si je me souvenais bien, il approchait de ses 29 ans. Brun, quelques boucles lui retombaient sur le visage, il aurait pu être mignon si le savoir comme mari ne me dégoûtait pas autant.

- Enfin, lèves-toi ! dis sèchement ma mère.

Je m'exécutai sans attendre, me positionnant à côté d'Agnès.

- Le Lord Battenberg était si impatient de rencontrer sa futur épouse qu'il n'a pas pu s'empêcher de venir nous demander ta main directement, dit ma mère, le sourire aux lèvres.

- En effet, Lady Appoline, vous êtes si ravissante, je suis persuadée que vous serez une épouse formidable.

J'étais sans voix ; pourquoi était-il là ? Allait-il me surveiller ? Il me restait sept jours pour partir, allait-il m'en empêcher ? Une multitudes de questions tournoyaient dans ma tête sans trouver réponse.

- Euh.. Oui, oui, je..

- Appoline veut dire qu'elle est très honorée que vous ayez fait le chemin pour elle, continua Agnès à ma place.

- Puis-je ? dit-il en désignant ma main.

- Nous pourrions nous donner nos alliances le jour du mariage ?

- Appoline, dit mon père sévère.

- J'ai peur de les perdre,

- Cela n'est rien, je peux tout aussi bien attendre, dit l'homme voyant que je n'étais pas très à l'aise à l'idée d'avoir ma bague aujourd'hui.

- Nous pourrions tous aller prendre le thé, qu'en dites-vous ?

C'est alors qu'on suivit tout le monde dans le salon pour prendre le thé qui avait déjà été préparé. Devais-je vraiment me résoudre à passer l'après-midi à discuter avec mon futur mari ? Il semblait que je n'avais guère le choix. Assis sur un sofa pendant que mes parents me chaperonnaient, je devais faire semblant d'avoir de la conversation toute l'après-midi alors que nettoyer des boxes de chevaux étaient nettement plus intéressants.

Qui plus est, avoir mes parents en tant que chaperons étaient plus que détestables.

- Appoline, dites-moi, avez-vous déjà eu des enfants ?

Sa question me glaça le sang ; il n'avait pas à la poser, cela ne le regardait pas.

- Vous n'avez pas de bâtards ? continua-t-il voyant mon silence.

- Puis-je vous demander pardon ? dis-je, froide.

- Vous avez bien eu une précédente liaison, n'est-ce pas ?

L'homme était détestable, il se cachait bien sous ses faux sourires.

- J'ai été marié et je vous interdis d'insulter ainsi mon défunt mari.

- Une union avec un roturier ne compte pas Lady Appoline.

- Et pourtant, elle aura plus de valeurs que la nôtre.

- Appoline ! siffla mon père.

Je me levai ; incapable de rester une seconde de plus dans cette pièce.

- Vous pouvez très bien établir un contrat pour me forcer à me marier mais il est hors de question que je fasse la conversation à un homme qui me répugne en tout point. Maintenant, veuillez m'excuser mais je dois prendre l'air et j'interdis à un domestique de me suivre, que vous le vouliez ou non.

Je n'avais jamais été aussi froide depuis mon retour ; exécutant chacun des ordres de mes parents comme une marionnette mais aujourd'hui était la goutte de trop. J'avais passé une grande partie de l'après-midi à répondre aux questions intuitives de l'homme mais parler de mon passé avec Thomas était hors jeu. Je n'allais pas baisser l'échine une énième fois.

Je quittais alors la demeure familiale, montant dans la première calèche attelée devant ; je demandai alors au chauffeur de me conduire chez les Bridgerton et en moins de temps qu'il n'en fallu pour le dire, j'étais arrivée chez eux, attendant patiemment l'arrivée de Violet dans son salon ; les domestiques m'avaient prévenu qu'elle était de sortie et que c'est bien quelques heures que j'aurai pu attendre, je m'en fichais pas mal tant que je n'étais pas chez moi.

Je me dirigeai alors vers les écuries, autant patienter près de mes chevaux. Cela faisait une éternité que je ne les avais pas monté, Marcus était installée sur la chaise à bascule, à l'entrée.

- Appoline, bien l'bonjour,

- Bonjour Marcus,

Il fit alors une petite courbette,

- Que nous vaut le plaisir duchesse ?

- Je viens monter mes chevaux.

- Oh, Arion et Apollon, qu'ils sont beaux.

- Ne pensez-vous pas qu'il serait plus judicieux d'être à deux pour les monter ? A moins que vous ne sachiez vous dédoublez, auquel cas cela serait étonnant.

Anthony sortait des écuries, lui-même revenant sûrement d'une balade.

- Ne serait-il pas déconvenue pour une femme de ma qualité de me promener avec un comte sans chaperon ?

- Pour ma part, je ne dirai rien. Et toi Marcus ?

- Vous savez que les chevaux ne répète pas les bêtises.

- Vous montez Arion, je prends Apollon.

En moins de temps qu'il n'en fallu pour le dire, nous étions partis pour une balade ; je n'étais pas très à l'aise avec l'idée que l'homme monte un de mes chevaux mais je n'aurai sûrement pas eu le temps de monter les deux à tour de rôle ; il m'aidait, d'une certaine façon. On s'éloignait directement dans les bois, à l'abri des regards ; ce n'est qu'une fois hors de portée qu'on ralentis le rythme.

- Vous n'êtes pas seulement venue pour promener vos chevaux, n'est-ce pas ?

- Je n'ai pas envie de parler des raisons de ma venue. Les préparatifs du mariage avancent-ils ?

- Je n'ai pas envie de parler des préparatifs du mariage.

Un point partout, balle au centre.

- Il y a un lac pas très loin, cela vous tenterait-il d'apprendre à nager avant votre départ Miss De Bourbon ?

- Souhaitez-vous vraiment perdre votre temps à m'apprendre à nager ?

- Si cela pourrait éviter de vous voir mourir une deuxième fois, j'y passerai tout l'après-midi.

Appoline - BridgertonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant