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CHAPITRE ONZE

« Je raconte à Nathan mon passé de fêtarde et de droguée sans limites, je lui fais part de mes plus profonds secrets. »

* * *

   Quatre jours plus tard, le soir, je pars pour une longue promenade dans mon quartier, accompagnée de Nathan. Au bout de ma rue, on passe devant le petit square qui prolonge le jardin public. Je raconte à Nathan mon passé de fêtarde et de droguée sans limites, je lui fais part de mes plus profonds secrets.

   Je repense également à tous les garçons qui m'ont plu au fil des ans. Il y a eu Craig Lessing en CM1. Ryan Jones qui vendait du shit derrière le bowling, au collège. Rex Hemple, le gars à qui j'ai donné ma virginité dans un champ. On venait de siffler un cinquième du meilleur whisky de son père. Je me souviens très bien de cette nuit-là- Je titubais dans la rue, toute débraillée, avec la sensation que mon ne m'appartenait plus vraiment. Je ne peux m'empêcher de légèrement sourire en évoquant cette folle soirée.

   D'autres souvenirs de l'époque me remontent à la mémoire. Par exemple, ces nuits où des gars plus vieux que moi me ramenaient chez moi. Les vitres de leurs voitures tremblaient à cause de la musique beaucoup trop forte et les vapeurs de shit enfumaient l'habitacle. Parfois, leurs copines, excédées, les obligeaient à me larguer au pied de la colline. Je me rappelle aussi de toutes ces fois où les agents tellement serviables de la police de West Linn m'ont rendu à mes parents.

   Mais ce soir, le quartier est parfaitement calme.

— Wow, fait Nathan, impressionné.

— Ouais, je sais. C'est à la fois flippant et impressionnant, souriais-je.

   On s'installe sur un banc. Nathan sort un briquet et un paquet de cigarettes de la poche de sa veste. Je l'observe du coin de l'oeil.

— Tu en veux une ? Me propose-t-il en pointant le paquet du doigt.

— Non merci, déclinais-je poliment en tournant la tête vers lui.

   Il porte la cigarette à ses lèvres et l'allume. Je prends le temps de l'étudier pendant qu'il fume. Il a des yeux foncés, le teint pâle, des traits taillés à la serpe avec des pommettes hautes et saillantes. Ses cheveux sont châtains clairs. En toute honnêteté, il est très mignon. Et surtout très beau.

   Je reporte mon attention sur le paysage en face de nous. Du haut du quartier chic dans lequel je vis, nous distinguons le traffic routier encore en plein bouchon et le reste de la ville éclairé par les multiples lampadaires et foyers.

— Des fois, j'ai besoin de fumer pour me sentir bien, déclare Nathan, ce qui me sort de mes pensées.

   Je le regarde en silence.

— C'est la seule chose qui me permet de rester sain d'esprit et de ne pas devenir fou, ça me permet de m'échapper de mon quotidien horrible, se confie-t-il.

— Tu as des problèmes dans la vie ? Demandais-je prudemment.

   Il tourne la tête vers moi et plante ses yeux dans les miens. Son regard est intense, si intense, je peine à ne pas m'y noyer.

— Tu sais avec les parents, le lycée... ce n'est pas facile, dit-il en soufflant un mince filet de fumée.

— Tu as des problèmes avec tes parents ?

   Il pousse un long soupir et fixe un point invisible devant lui.

— Quand tu m'as raconté ton histoire... ce que tu as vécu avant d'aller en cure, je me suis reconnu en toi, Kaylee. Avant de déménager ici, à Portland, avec mes parents, je vivais à Phoenix dans l'Arizona. Et j'étais très, très turbulent. Je pourrais pas te dire d'où c'est venu ni comment c'est venu, mais ça m'est tombé dessus — la drogue, l'alcool, les fêtes. J'étais un ado qui causait pas mal de problèmes, que ce soit à la maison ou au collège et au lycée. Je n'ai jamais réellement su comment m'arrêter, je voulais toujours aller plus loin, encore et encore.

   Je l'écoute en silence.

— Ce qui a été le coup de trop et qui a poussé mes parents à prendre la décision de déménager ici afin de « prendre un nouveau départ », comme ils aiment répéter, c'est lorsque je me suis battu avec un élève de mon lycée et que je l'ai envoyé à l'hôpital. (Il tire une nouvelle taffe sur sa cigarette et recrache aussitôt sa fumée.) J'étais défoncé à la cocaïne ce jour-là et je m'étais dit intérieurement qu'il ne fallait surtout pas venir me chercher, mais ce mec, que je détestais plus que tout, a jugé bon de faire le malin devant ses amis en m'insultant continuellement et en m'humiliant devant le lycée tout entier. Alors je l'ai chopé et je l'ai cogné si fort que mes phalanges ont saigné. Ses amis ont tenté de m'arrêter mais j'étais hors de moi.

   Il tourne à nouveau la tête vers moi et me fixe.

— Je lui ai brisé trois cotes, le nez, et tuméfié la lèvre inférieure.

— Il... il a porté plainte ?

— Par chance, non. Ses parents se sont dit dévastés de le voir sur ce lit d'hôpital, l'air à moitié mort. Ce sont mes parents qui ont réussi à négocier pour qu'ils ne portent pas plainte. Suite à ça, j'ai été expulsé de mon lycée. On m'a envoyé en cure de désintox, et puis on est venus ici.

   Il termine sa cigarette puis jette son mégot au sol, l'écrase avec sa chaussure.

— Et depuis ? Je demande.

   Il hausse les épaules en regardant devant lui.

— Notre relation s'est fortement détériorée depuis. Des engueulades par-ci, des engueulades par-là. Des mauvais résultats scolaires, des sorties tard le soir... et le lycée le jour, termine-t-il en me souriant.

   Je ne réponds rien pendant quelques instants. Je ne sais même pas quoi dire, à vrai dire.

— Tu es parvenu à rester clean ? À ne pas décrocher, depuis ? Parvins-je à demander.

— C'est compliqué. Disons que je n'ai plus touché à l'alcool et aux drogues depuis un certain temps, seules mes cigarettes me tiennent encore compagnie.

   Je me mordille l'intérieur de la lèvre et regarde devant moi.

— Maintenant que je t'ai raconté mon histoire, j'ai l'impression d'être un peu plus connecté à toi, déclare-t-il.

— Un peu plus ?

   Je le regarde. Je suis amusée par sa remarque, il hausse les épaules et son sourire s'élargit légèrement.

— Ouais, j'apprécie ta compagnie, Kaylee. Je trouve qu'on a ce petit lien particulier qui nous unis, tu sais, ce genre de lien qu'entretiennent les personnes qui ont vécu certains évènements similaires.

   Je reste silencieuse, un petit sourire sur les lèvres.

— Tu m'intrigues beaucoup, dit-il.

— J'intrigue beaucoup de personnes, déclarais-je en haussant un sourcil. C'est ce qui fait ma particularité et la raison pour laquelle beaucoup de personnes ne m'apprécient pas.

— Tu as de la chance alors, parce que moi, ce petit côté mystérieux, je trouve qu'il te donne un certain charme. Un charme que je n'ai vu nulle part autre.

   Je baisse les yeux, touchée par sa remarque. Puis, je me lève sous son regard. Je frotte rapidement mes cuisses, me dégourdis les jambes et réajuste ma veste ainsi que ses manches.

— On ferait mieux de rentrer, annonçais-je.

— Je vous raccompagne, chère demoiselle, blague-t-il en se levant.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant