SIXIÈME PARTIE

12 1 0
                                    

CHAPITRE UN

« Tu sais, on est passé par les mêmes choses, tous les deux. »

* * *

Le 1er février, Nathan emménage enfin dans son nouvel appartement à Portland. Il m'appelle pour me l'annoncer et me propose de venir l'aider à défaire ses cartons. Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, mais je n'arrive pas à dire non.

Je me pointe un mardi après-midi. Le bâtiment est en piteux état. Sans parler du quartier qui est franchement sinistre. Je me gare et sors de la voiture. Des frissons parcourent mon échine et j'avale ma salive en contemplant d'un peu plus près le bâtiment. Je grimpe les marches et je toque à la porte de l'appartement 305.

Comme elle est entrouverte, je la pousse doucement. J'entre dans un studio minuscule, sale et décrépit. La peinture s'écaille sur un mur et un carreau est fissuré. Ce n'est clairement pas le luxe.

— Salut ! Me lance Nathan en surgissant derrière un placard. Qu'est-ce que tu en penses ?

— Ouah... euh... je... c'est très...

Je grimace.

— Oui, je sais. Mais c'est bon marché, dit-il en posant un carton par terre.

Je fais quelques pas hésitants à l'intérieur.

— Le plancher n'est pas lisse. Tu vas attraper des échardes.

— Moi, je trouve que cet appartement a de la personnalité.

— Il y a des courants d'air. Je les sens.

— On est en février. La température va monter d'ici un ou deux mois.

Je regarde par la fenêtre.

— Tu crois que les rues sont sûres par ici ?

— Sans doute pas. (Il hausse les épaules.) D'un autre côté, je n'ai pas grand chose à me faire voler.

Il n'a pas de meubles. Rien pour s'asseoir. Je l'aide à déplacer des affaires.

— En effet, tu manques un peu de tout.

— Les biens matériels, moi, ça ne m'intéresse pas, plaisante-t-il.

— Ce n'est pas plus mal.

— Tu veux une tasse de thé ?

J'accepte. Nathan déniche une théière dans son bazar et la remplit d'eau. Je l'observe en silence. Il paraît plus vieux et en meilleure santé. Autre différence de taille : il a coupé les pointes de ses cheveux et cessé de les teindre. Il les a laissé au naturel — châtains.

On sirote notre thé. Assise sur un carton, ma tasse à la main, je lui demande :

— Où est Kirsten ? J'ai cru comprendre qu'elle emménageait de suite.

— Elle est partie récupérer un lit chez sa mère.

Je hoche la tête.

— Comment ça va, vous deux ?

— Bien. Elle est super contente qu'on en emménage ensemble.

— C'était... son idée ?

— On n'a pas vraiment le choix. C'est elle qui a signé le bail.

— Oh.

Il reste silencieux pendant quelques instants puis reprend :

— Je suis confiant, ça va bien se passer. (Il se penche au-dessus d'un carton et en sort de la vaisselle dégoûtante.) Je sais que ça doit te faire bizarre. Mais, à mon avis, elle va te plaire. Elle a bon fond.

— Oui... (Ma voix s'éteint. Je contemple le petit studio miteux.) Je vous souhaite bonne chance. Habiter avec quelqu'un, ce n'est pas facile.

Nathan fronce les sourcils.

— Tu dis ça comme si on allait plus se revoir, toi et moi.

— Ça ne dérangera pas Kirsten si on continue de traîner ensemble ?

Il hausse les épaules.

— Non, pourquoi ?

— Ben... parce qu'on a couché ensemble ? Parce que je suis ton ex ?

— Ouais, peut-être.

— Elle est au courant, au moins ?

— Bien sûr. Mais elle a aussi conscience que toi et moi...

— Que toi et moi, quoi ?

— Qu'on comptera toujours l'un pour l'autre, soupire-t-il. Depuis qu'on s'est rencontrés, qu'on a appris à se connaître, on ce lien qui nous unis... tu sais, on est passé par les mêmes choses, tous les deux.

Je bois une gorgée de thé.

— Et j'espère qu'on va le garder, continue-t-il. J'espère qu'on va rester amis.

— Je déteste cette expression, « rester amis ».

— D'accord. Mais reconnais quand même qu'on a une relation un peu à part, non ? On est des camarades. On a « fait la guerre » tous les deux, sourit-il légèrement.

Je ne réponds pas.

Il a raison. Je ne veux pas l'admettre. Mais je sais qu'il a raison.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant