treize

30 3 0
                                    

CHAPITRE TREIZE

« Il pense que mon problème vient d'un manque de contrôle. »

* * *

Le lendemain, je reçois une visite de mon père. Il débarque dans sa GMC neuve et m'emmène au Carlton.

On déjeune dans le seul restaurant sympa de la ville. Nous voilà assis à table avec nos serviettes sur les genoux. Mon père est bronzé, beau et porte un chouette costume. Les gens du coin le dévisagent, bouche bée. Lui s'en fiche. Les regards admiratifs ne l'ont jamais dérangé, au contraire. Évidemment, il réclame de mes nouvelles, mais il ne peut pas résister à l'envie de me parler de son nouveau projet et de me raconter comment il a réussi à convaincre les japonais — ceux qui ont inventé les petits animaux de compagnies robotisés — de le financer.

Ensuite, il joue au papa. Il prend une mine inquiète et demande comment je vais.

Le truc avec mon père, c'est qu'il était lui-même un gros fêtard dans sa jeunesse. Donc, de son point de vue, je dois simplement apprendre à mieux « gérer », à m'arrêter au bon moment. Il pense que mon problème vient d'un manque de contrôle. Ce qui n'est pas faux. D'une certaine manière.

On avale notre repas. Papa n'en finit pas de vanter son poulet délicieux, il drague la serveuse et lui laisse un gros pourboire.

De retour au pavillon, il se gare dans la rue. Il veut rentrer voir l'intérieur, mais je lui dis qu'il ne vaudrait mieux pas, que c'est déprimant — alors il n'insiste pas.

— Ta mère et moi, nous avons discuté avec ton proviseur à Evergreen, déclare-t-il. Tu pourras y retourner après Noël. Il a parlé des sessions auxquelles tu pourrais t'inscrire pour rattraper ce que tu as manqué cette année. Enfin, tout dépendra de la façon dont les choses évoluent, bien sûr. Et de ce que dira le docteur Bernstein.

Je ne réponds pas. Je n'ai aucune envie de retourner au lycée.

— Je pourrais peut-être suivre un programme par correspondance et passer les examens en candidate libre ? Je finis par demander, après un petit moment de réflexion.

— Pour quoi cela ? Il n'y a aucune raison que tu rates tes derniers mois de lycée.

— À quoi ça va me servir, le lycée ?

— Ça fait partie du parcours normal, c'est une étape importante de la vie. Il te reste encore toute l'année de Terminale à passer.

— Mais qu'est-ce que je vais y faire ? Je n'ai même plus d'amis, là-bas.

— Tu t'en feras des nouveaux. Et puis, il n'y a pas que ça quoi compte au lycée.

— Ah bon ? Quoi d'autre ?

— Travailler. Se préparer aux études supérieures.

Encore un sujet qui promet des discussions houleuses avec mes parents. Ils continuent de se figurer que j'irais à la fac.

— Je ne pense pas que les cours par correspondance soient une bonne solution, dit-il. En y réfléchissant bien, tu changeras sans doute d'avis.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant