dix-neuf

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CHAPITRE DIX-NEUF

« Je me suis loupée dans les grandes largeurs au début, et j'essaie de réparer les dégâts. »

* * *

Je suis en train de résoudre des problèmes de maths lorsque ma mère toque à la porte de ma chambre.

— Kaylee, tu as de la visite. Il y a un jeune homme pour toi en bas.

— Martin ? Tu peux lui dire-

— Ce n'est pas Martin.

Je reste figée l'espace d'une seconde. Puis je bondis de ma chaise, je cours à la fenêtre et je regarde dehors. Une camionnette sale est garée dans notre allée.

Je fonce jusqu'à mon armoire, j'ôte mes tongs d'un coup de pied, je change de t-shirt et j'ébouriffe mes cheveux dans la glace. Je manque d'écraser ma mère en remontant dans le couloir ventre à terre... puis je me ressaisis avant de descendre l'escalier.

C'est lui. Il est ici. Nathan est dans ma maison. Il discute avec mon père.

— Salut ! Me lance-t-il lorsqu'il m'aperçoit.

Papa s'éloigne poliment.

— Salut ! Qu'est-ce que tu fais ici ?

— Je profite de ma journée de congé pour passer, sourit-il.

— Ta journée de congé ?

— Oui, je travaille pour mon père maintenant.

Je le prends par le bras et je l'emmène dans le jardin. Tout bronzé, il porte un pantalon de travail plein de poche et un t-shirt blanc. Il a l'air en bonne santé. En pleine forme, même.

— Comment m'as-tu trouvée ?

— Google Maps. (Il me décoche son fameux sourire à la Nathan.) Ça ne te dérange pas ?

— Bien sûr que non.

Je lui serre la main.

— Si on allait faire un tour ? Propose-t-il.

— Avec plaisir !

On visite mon quartier dans sa camionnette. Je suis un peu embarrassée par l'étalage de luxe dans les rues, mais il ne semble pas le remarquer. Il est absorbé par son récit.

— Donc, je descends là-bas, je rencontre mon père et il a trop changé ! Il est vraiment sympa ! Plus qu'avant ! Du genre tranquille, moins gueulard. C'est juste formidable ! On a une belle vie !

— Ouaaaah, Nate, c'est génial !

— Carrément ! Il est devenu maître charpentier. J'étais à peine arrivé qu'il me mettait déjà au boulot. C'est l'homme le plus occupé de Redland !

Nathan n'est jamais apparu aussi excité.

— Si tu voyais la vie que je mène, tu n'en croirais pas tes yeux ! On est debut à six heures du matin tous les jours, le soleil commence juste à se lever, l'herbe est couverte de rosée, on entend même le coq chanter ! On va au travail, on construit des superbes porches, des escaliers, ou on installe des jacuzzis en fonction de ce que les clients réclament. La nuit, je suis tellement fatigué qu'à la seconde où je pose la tête sur l'oreiller, je m'endors ! En un clin d'oeil ! Ce n'est pas une vie saine, ça ?!

— Si, ça fait envie !

— Tu sais, je crois que tu devrais venir t'installer avec nous.

— J'adorerais.

— Alors fais-le ! Je suis sérieux ! Rejoins-moi cet été ! Ou n'importe quand ! Je nous fabriquerais un lit. J'ai une cabane à côté du bungalow de mon père. Il y a un petit poêle à bois, un évier, et tout.

— Sincèrement, j'adorerais. Mais je... je vais être obligée de m'inscrire aux cours d'été.

— Aux cours d'été ? Pour quoi faire ?

— Pour passer mon bac.

Nathan me regarde d'un drôle d'air.

— Kaylee, on pourrait être ensemble ! Dormir côte à côte toutes les nuits ! Tu pourrais nous aider à construire des porches sans problème. Tu peux planter des clous ?

— Je ne sais pas. Je n'ai jamais essayé.

— Franchement, Kaylee, c'est le paradis là-bas. Je suis allé pêcher avec mon pre. On est monté très haut dans la montagne, on a attrapé du poisson et on l'a fait cuire sur un petit feu. Juste à côté de la rivière. Et pendant tout ce temps-là, je me disais : « Si seulement elle était là ! » Je t'imagine sans arrêt à côté de moi. J'ai envie de t'emmener visiter des jolis coins, de te montrer des trucs.

Son offre est vraiment alléchante. À l'entendre parler, c'est l'expérience du siècle. Mais je ne peux pas — est-ce qu'il en a conscience ?

— Peut-être près les cours d'été ? Je pourrais rester une semaine au mois d'août ?

— Pourquoi tu ne partirais pas dès maintenant ?

— Parce qu'il faut que je termine l'année scolaire. Je me suis loupée dans les grandes largeurs au début, et j'essaie de réparer les dégâts.

— Mais si tu vivais à Redland, ça n'aurait aucune importance. Je croyais que c'était ce que tu voulais ? Qu'on soit ensemble ?

— Nate, tu as pris la décision d'aller là-bas tout seul. Tu ne m'as pas demandé mon avis.

— Tu as rencontré quelqu'un d'autre ?

— Non ! Bien sûr que non ! Mais je veux juste achever ce que j'ai commencé. Je suis toujours au lycée. Je n'ai même pas dix-huit ans.

Nathan détourne les yeux.

— Je pense à toi tout le temps.

— Je sais. Moi aussi. Seulement...

— Quoi ?

J'inspire profondément et je me lance :

— Pour l'instant, je crois qu'on a tous les deux certaines choses à régler, chacun de notre côté.

Un long silence brise la conversation.

— Je suis désolé, dit-il. C'était débile de ma part de me figurer que tu pouvais quitter tes parents... ta jolie maison...

— Ce n'est pas la question. Je te répète que j'ai vraiment envie de bien faire au lycée. Je ne veux pas me retrouver coincée plus tard. J'aimerais pouvoir aller à l'université. Trouver un boulot quand je serais adulte.

— Dans ce cas, fais comme ça te chante.

— J'ai toujours envie de te voir. Tu me manques. Si je m'écoutais, je déménagerais à Redland dès ce soir. Je dois juste finir mon année scolaire d'abord.

Une heure plus tard, débout dans l'allée, je l'embrasse une dernière fois par la fenêtre de sa camionnette avant de reculer et de le regarder s'éloigner en marche arrière.

Sitôt qu'il est hors de vue, je retourne à l'intérieur. Mes parents m'attendent.

— Euh... c'était Nathan.

— Il a l'air gentil, dit poliment ma mère. Que voulait-il ? Prendre des nouvelles ?

— Il voulait que je déménage à Redland et que je m'installe avec lui dans une cabane sur la montagne.

Mes parents me dévisagent avec une expression ahurie.

— Je sais. C'est ce que je lui ai répondu.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant