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CHAPITRE DEUX

« Je le ramasse et je le fixe en silence. »

*  *  *

Je veux me brosser les dents mais je ne trouve plus mon dentifrice.

Il est neuf heures et demie. Je suis debout dans la salle de bains, en peignoir et sous-vêtements. J'ai purgé mes vingt-huit jours dans le bâtiment principal et je viens d'entamer ma deuxième semaine dans le pavillon de réadaptation.

Ça me soûle. Mais ce serait déjà plus supportable si je pouvais me brosser les dents. Ce qui est impossible puisque je n'arrive pas à mettre la main sur mon dentifrice. Je sais que j'en ai. J'ai acheté un tube il y a deux jours au Rite Aid, l'épicerie du coin.

J'ouvre l'armoire de la salle de bains. Je cherche, je déplace des trucs, j'en sors d'autres. Je suis certaine de l'avoir laissé ici.

Qui a pu me prendre mon dentifrice ?

Je referme l'armoire. Cette pièce est répugnante. Le sol est froid et poisseux sous mes pieds nus. Le miroir est tellement vieux et rayé qu'on voit à peine son reflet dedans. J'examine les tablettes le long du mur. Elles sont pleines de produits beauté abandonnés. Shampooing, après-shampooing, crème pour les mains et le corps... Que des sous-marques.

Je retourne dans la chambre. Ou plutôt notre chambre, avec ses six lits superposés et sa penderie collective. Je me mets à fouiller les étagères en balançant des affaires partout autour de moi.

Et là, je réalise qui a fait le coup : Kylie. La nouvelle. L'hystérique qui a piqué sa crise à propos des corvées de cuisine. Eh oui, la vie est dure, ma pauvre Kylie. On est obligé de se faire la vaisselle la première semaine. C'EST COMME ÇA QUE ÇA MARCHE ! TOUT LE MONDE Y PASSE, FIGURE-TOI !

Ça me rappelle quelque chose. Emily a parlé de son fil dentaire. Elle en avait acheté un et le lendemain, il avait disparu. C'est Kylie la coupable, j'en suis sûre.

Je fonce dans la chambre de Kylie. Comme je ne sais pas sur quel lit elle dort, ni quelle est sa valise, je flanque tout en l'air. Je vide carrément les placards.

Puis je reviens en trombe dans ma chambre. Je suis folle de rage. Je ne tiens plus en place. Je tourne sur moi-même en cherchant quelque chose à casser, à jeter ou à renverser. Si j'avais mon portable, j'appellerais Emily immédiatement. On retrouverait Kylie et on lui botterait son petit cul tout maigre. Mais je n'ai pas de portable à cause de mes débiles de parents qui m'ont enfermée ici et QUI M'ONT CONFISQUÉ MON TÉLÉPHONE COMME SI J'AVAIS SIX ANS !

Je regarde autour de moi. Je voudrais démolir un truc MAIS TOUT EST DÉJÀ DÉGLINGUÉ dans ce PAVILLON DE RÉADAPTATION POURRI, vu qu'il est rempli de VOLEUSES, de CAMÉES et de PROSTITUÉES MINEURES !

J'explose. J'attrape mon matelas et je le secoue, je le cogne contre un mur, si fort qu'un tableau se décroche et se brise par terre. Le cendrier secret de Jessica glisse entre les ressorts de son sommier et répand des cendres et des mégots sur mes draps, juste au-dessous.

Je prends un des tiroirs de la commode et je l'arrache du meuble. Les vêtements volent dans la pièce. C'est à ce moment-là qu'un petit tube blanc glisse de la poche de mon peignoir, tombe et rebondit devant mes pieds.

Mon dentifrice.
Je le ramasse et je le fixe en silence.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant