CHAPITRE TROIS
« Je bois mon café en silence et j'essaie de donner un sens à tout cela, aux dix mille questions qui fourmillent dans ma tête. »
* * *
Une semaine après la rentrée, Nathan m'appelle. Il souhaite me voir en ville. Il m'annonce qu'il va prendre un car à Centralia.
On s'est donné rendez-vous dans un McDonald's, près de la gare routière. Nathan est complètement fauché — ses parents sont beaucoup trop "occupés" pour lui payer une cure.
Alors il essaie de décrocher tout seul. Il assiste aux réunions des Alcooliques Anonymes à Centralia tous les jours, matin et soir. Cela fait dix-neuf jours qu'il n'a rien touché.
— Comment tu te sens ? Je lui demande, le regard baissé.
— Pas terrible. Je suis vraiment désole pour l'autre jour.
— Ça arrive de rechuter. Ma psychologue le répétait tout le temps.
Je regarde par la fenêtre pendant qu'on sirote nos cafés. Pas de chocolats chaud pour nous aujourd'hui.
— Ça fait quoi ? De recommencer à se pinter ?
Il soupire.
— Au début, c'était génial. Pendant un moment, j'ai eu l'impression de ressusciter. Mon cerveau criait : « Oh, merci ! »
— Et après ?
— Après, c'est parti en vrille.
Je hoche la tête, portant mon regard sur ma tasse.
— À propos... dit-il. Cette nuit-là, qu'est-ce qui sets passé sur le parking ? Il y avait d'autres personnes. Des gars. Ils t'ont emmerdée ?
J'avale ma salive. Je parviens à répondre :
— Je n'ai pas compris ce qu'ils voulaient.
Nathan fixe sa tasse.
— Redland... quelle drôle de ville ! Tu verrais le nombre de bouseux accros à la meth. C'était n'importe quoi.
— Tu n'étais pas très beau à voir, toi non plus, déclarais-je en levant les yeux vers lui.
C'est la première fois que je le regarde depuis tout ce temps. Je ne sais pas ce que je ressens, ni ce que je dois ressentir. De la honte ? De la peur ? De la tristesse ? Je ne sais pas. Je ne sais plus.
— Ouais. Je sais. (Il réfléchit pendant quelques secondes en buvant.) Merci pour ce que tu as fait. Venir là-bas, en pleine nuit, c'était cool. Je suis sincère. Je sais que tu avais tes examens et tout.
C'était cool...
J'inspire un grand coup et je reporte mon regard sur ma boisson chaude.
— Ouais, répondais-je sans enthousiasme avant de boire.
J'ai prévu un petit speech ces derniers jours, dans le style : « Tu sais, je crois qu'on devrait faire un break... » — je suis sur le point de me lancer quand une question importante surgit dans ma tête :
— Et tes études ? Tes cours d'été ? Tu en es où ?
— Je... il soupire longuement et hausse les épaules. Je sais pas, Kaylee. Je sais pas.
— Comment ça... tu... ne sais pas ?
— Bah je sais pas.
— Mais Nathan-
— Je te dis que j'en sais rien, ok ? Se défend-il, agacé.
Je regarde sans rien dire l'homme assis en face de moi. Je ne réagis pas. Je suis même incapable de faire le moindre geste — je bois mon café en silence et j'essaie de donner un sens à tout cela, aux dix mille questions qui fourmillent dans ma tête.
Je le raccompagne à la gare routière, une heure plus tard. On attend son car assis sur des chaises en plastique et puis, quand il arrive, on file se cacher dans un hangar.
Nathan m'embrasse la joue. On s'enlace. Peut-être que la situation se passe de mots, en fin de compte. Nathan a dû comprendre qu'il valait mieux qu'on soit seulement amis pendant quelques temps.
— Je sais que j'ai l'air de perdre les pédales, me dit-il par-dessus les ronflements des moteurs. Mais je vais réussir. Je te le jure. Cette fois, je vais rester clean.
Je suis incapable de soutenir son regard. Alors je le serre contre moi. Il me presse contre lui à son tour et dépose un baiser sur mon crâne.
Puis je le laisse partir. Je retourne à ma voiture. Et je m'en vais.
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Addiction | réécriture [TERMINÉE]
Подростковая литература« Je voudrais que chaque seconde dure une éternité. » À presque 17 ans, Kaylee est déjà en cure de désintoxication au centre de Spring Meadow. Elle y apprend à vaincre ses addictions, à faire confiance, et se trouve même une amie. Dès sa sortie, Kay...