Addiction | réécriture [TERMINÉE]

trois

CHAPITRE TROIS

« Pas étonnant que Vern se soûle tous les ans. »

* * *

   Toute la première semaine se déroule ainsi — on vient me voir, on me pose des questions polies, et on me fuit comme la peste. C'est de la torture.

   Le vendredi soir, ma mère me conduit à la réunion d'un groupe d'entraide dirigé par le docteur Bernstein sur les « ados à risque ». Nous sommes huit environ à se promener dans la pièce en discutant de nos « problèmes ». Il y a surtout des filles riches de mon quartier. Ce n'est pas qu'elles n'ont pas vraiment de problèmes, mais la façon dont elles en parlent est tellement ennuyeuse. Elles n'utilisent que du jargon de psy — « mes désirs », « mes problèmes », « mes besoins », moi, moi, moi...

   Au moins, les gens de désintox étaient marrants. Vern avait toujours de bonnes blagues salaces à raconter. À la moitié de la séance, je n'en peux plus et je sors m'asseoir dehors dans le froid, sur les marche en ciment. L'assistante sociale me rejoint pour tenter de me convaincre de rentrer. Je lui réponds d'un air désolé :

— Non, ça va. Vraiment. C'est juste que j'ai beaucoup de choses à gérer en ce moment...

   Alors elle retourne à l'intérieur tandis que je pose mon menton sur mes genoux en priant Dieu de m'achever tout de suite, par pitié. Parce que je ne tiendrais pas le coup. Je ne supporterais pas cette existence-là. Rien que le lycée, ça me paraît insurmontable. J'ai l'équivalent d'un semestre de devoir à rattraper. Je n'ai pas d'amis. Rien à faire, nulle part où aller, personne à qui me confier.

   Pas étonnant que Vern se soûle tous les ans.