douze

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CHAPITRE DOUZE

« Quand les lumières se rallument, on a tous les deux nos jambes étendues sur les fauteuils de devant. »

* * *

Vern s'en est allé à son tour. Je le découvre le mardi suivant, au cours de la soirée cinéma. Lorsque le van s'arrête devant mon pavillon, il est vide. Vers venait toujours, qu'il vente ou qu'il pleuve. Étonnée, j'interroge le chauffeur :

— Où est Vern ?

— Envolé. Il est retourné à Estacada.

— Il est parti ?

— Il reviendra, affirme le chauffeur. Vern finit toujours par revenir.

Je monte, ferme la portière derrière moi et me laisse tomber sur un siège, sonnée. Plus de Vern ? Plus d'Emily ? Comment je fais survivre moi, ici ?

Je regarde par la vitre, les yeux dans le vague. Il fait froid, il pleut et je n'ai sur moi qu'un horrible survêtement sale qui ne me tient même pas chaud.

— Le ciné n'a pas beaucoup de succès, ce soir, dit le chauffeur en freinant devant le pavillon suivant.

Je scrute à travers le carreau brouillé par la pluie. Personne.

On remonte la Route de la Guérison jusqu'à la dernière maison. Je guette. Ah... oui, cette fois, il y a quelqu'un. Un garçon, je crois, debout sous le porche. Il porte un manteau kaki par-dessus un pull à capuche.

Il a l'air embêté. Il ne sait pas trop quoi faire. Au bout d'un moment, il finit par descendre les marches du perron en sautillant et s'avance vers nous, les yeux plissés.

— C'est pour le ciné ? Demande-t-il au chauffeur.

— Ouaip ! Allez, grimpe.

Il ouvre la porte coulissante et s'aperçoit qu'il n'y a que moi à l'intérieur.

— Ah... lâche-t-il en contemplant l'habitacle vide.

Il s'assoit à l'extrémité de ma banquette.

Il est grand et maigre. Il a les cheveux teint en blond. On dirait une rockstar. Peut-être qu'il était célèbre avant de claquer tout son fric en drogue et prostituées. Il paraît qu'on en croise parfois des gens comme ça, à Spring Meadow.

— D'autres gens vont venir ? Demande-t-il.

— Pas ce soir, répond le chauffeur.

Je ne parle pas. Je regarde par la fenêtre en lui tournant le dos.

Je sais qu'Ashley m'a dit que je dois m'efforcer à être sympa avec les gens, à me faire des mais et à ne pas juger trop rapidement. Mais je n'en ressens pas l'envie.

Le van poursuit son itinéraire. Le garçon reste muet. Il paraît vaguement ahuri, sous le choc. Je connais, je suis passée par là, moi aussi.

On continue de rouler. Au bout d'un moment, il demande au chauffeur quel film on va voir.

— Alors là ! Moi, je conduis, c'est tout !

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant