neuf

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CHAPITRE NEUF

« Et un jour, Emily rassemble ses affaires. »

* * *

Et un jour, Emily rassemble ses affaires. Elle est allée au bout des vingt-huis semaines dans le pavillon de réadaptation. Elle rentre chez elle.

Je ne sais pas pourquoi j'avais refusé de la considérer comme une amie jusqu'à maintenant. Mais à l'instant où je prends conscience qu'elle s'en va, je panique au point d'en avoir la nausée.

Assise sur son lit, je la regarde plier et fourrer ses vêtements dans sa valise. Elle s'inquiète au sujet de ses cigarettes parce qu'elle a dit à ses parents qu'elle avait arrêté, alors que c'est faux. Elle tente de les cacher à plusieurs endroits, se demande si elle ne devrait pas en profiter pour arrêter et sort en griller une en réfléchissant à la question. Je ne parle pas. Après le départ d'Emily, il ne restera plus qu'une jeune dans le pavillon à part moi : Kylie. Je ne peux pas devenir amie avec elle. Impossible. Elle est horrible. Une bête sauvage.

Emily me laisse le maquillage qu'on a acheté au Rite Aid, ainsi que les barrettes et le gloss pour les lèvres. Elle veut me donner des trucs, parce que c'est ce que font les gens quand ils se disent au revoir. Moi aussi, je voudrais lui offrir un souvenir. Mais on n'a rien, en dehors de quelques fringues moches, de nos joggings et des bricoles qu'ils nous autorisent à garder ici : romans pourris, barres chocolatées, chewing-gums...

Elle me refile un jeu de cartes dont elle avait oublié l'existence et qui n'a jamais été ouvert. Je le lui échange contre un porte-clé en plastique qui n'a aucune signification particulière.

— Je vais vraiment essayer de décrocher, cette fois, me confie-t-elle à voix basse. J'ai renoncé trop facilement, jusqu'à maintenant. Là, je vais faire du yoga, de la méditation, aller aux Alcooliques Anonymes, et tout.

Je hoche la tête, pleine d'espoir.

Je l'aide à porter ses affaires jusqu'au perron. Puis, on s'assoit. Sa mère ne devrait pas tarder. Les yeux rivés sur le bras de mon fauteuil, je pense à tous ceux qui se sont installés à cette place en attendant qu'on vienne les chercher, en attendant de commencer une nouvelle vie. En réalité, très peu ont la chance d'obtenir un nouveau départ. La plupart retournent droit à leurs anciennes habitudes. Ashley n'arrête pas de le répéter. Les statistiques ne sont pas belles à voir.

Un Cadillac Escalade noir surgit sur la route et se gare devant le pavillon. Je découvre la mère d'Emily. Elle lui ressemble beaucoup. C'est une sorte de version plus âgée de sa fille. Elle a des cheveux blonds platines, un look très femme d'affaires et a l'air stricte. Sa mère traverse prudemment la cour boueuse afin de protéger ses escarpins. Arrivée devant nous, elle prend Emily dan ses bras. Elle semble épuisée nerveusement. Inquiète et aussi aimante. Puis, Emily fait les présentation.

Ça me tue. Sérieusement. Ça me fend le coeur.

Lorsque je m'avance pour lui serrer la main, elle me dit :

— Emily m'a beaucoup parlé de toi. Il parait que tu as été une très bonne amie pour elle.

— Je n'ai rien fait d'extraordinaire, je marmonne.

— Merci, insiste-t-elle en me donnant une poignée de main chaleureuse. Merci beaucoup.

Nous traînons les bagages jusqu'à la voiture. Emily s'installe sur le siège du passager. Je reste plantée à côté de la portière tandis que le moteur démarre. Mon amie baisse sa vitre.

— Tu m'appelleras ? Me demande-t-elle.

J'acquiesce d'un signe de la tête.

Le SUV s'éloigne. Je le regarde disparaître au bout de la rue avec l'impression qu'on m'arrache le coeur.

C'est si étranger d'être sobre. On est sans défense face aux évènements pénibles. On est obligé de tout ressentir. Pas le choix.

Addiction | réécriture [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant