Chapitre 11

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Elle se savait observée. Cette caméra, qu'elle prenait soin de ne jamais regarder, pesait sur elle comme une enclume. Elle faisait en sorte de garder une neutralité extérieure, ne laissant paraître aucun sentiment. Si elle montrait sa rage et sa colère bouillonnante, elle aurait l'air coupable. Si elle montrait son désarroi et sa peur, ils feraient pression sur elle, ils la penseraient faible et malléable. Alors, elle adoptait un visage égal, elle ne bougeait pas. Mais à l'intérieur, elle était pétrifiée. Les paroles de l'homme au casque rouge résonnaient en boucle : "vu ce qu'on a trouvé sur toi ma belle, t'es pas près de quitter cette pièce !". De quoi pouvait-il bien parler ? Que savaient-ils sur elle ? Sur son passé ? Allait-elle finalement payer le prix d'un avant qu'elle tentait de fuir et d'oublier depuis si longtemps ? Allaient-ils la torturer, pensant qu'elle avait des informations sur ces hommes ? Ils n'auraient pas tort... Elle savait certaines choses, mais rien de pertinent, ici, à Gotham.

Cela faisait maintenant plusieurs heures qu'elle était là. Elle refusait de manger leur plateau repas, aussi appétissant qu'il paraisse. Elle avait vu trop de gens se faire avoir avec des substances létales ou hallucinogènes mélangées à de la nourriture. Mais elle avait mangé ce jour-là et avait appris à se contenter de peu de repas. Son seul problème était sa vessie. Elle se rappelait de plus en plus régulièrement à son esprit. Elle avait une folle envie d'aller uriner, mais hors de question de bouger ou de se mettre à moitié nue pour faire pipi alors qu'ils l'observaient. Elle serra ses abdominaux, espérant tenir assez longtemps pour être libérée et faire ses petites affaires à l'abri des regards. Mais rien ne vint pendant encore une bonne heure, quand finalement, la porte s'ouvrit sur une tignasse verte. Beastboy était missionné pour récupérer le plateau repas du matin et déposer celui du déjeuner. Comme elle connaissait déjà son visage, Bruce n'avait pas vu d'objection à ce qu'il vienne sans masque, mais il avait insisté pour l'accompagner. Il voulait voir de ses propres yeux sa réaction, son attitude et évaluer la menace qu'elle représentait (ou non).

Si un léger soulagement s'empara de la jeune femme quand la tête de Gar passa par l'ouverture de la porte, un sourire gêné aux lèvres, son estomac se serra à la vue de l'autre silhouette. Batman. Dans l'encadrement de la porte se détachait une imposante masse sombre. Le masque du héros emblématique de la ville durcissait ses traits et lui donnait un air des plus menaçants. Alors qu'il se tenait là, stoïque, elle pouvait sentir son regard peser sur elle. Elle refusait de le regarder dans les yeux, car elle connaissait ses limites en matière de torture psychologique. Si elle croisait son regard, elle se mettrait certainement à trembler, voire à pleurer. Alors elle se contenta de fixer le sol, tentant de maintenir sa respiration à un rythme constant. Mais la chauve-souris n'était pas dupe. Il comprit rapidement qu'elle était terrorisée et qu'elle le craignait. C'était une bonne et une mauvaise chose à son sens. Si elle était coupable, elle finirait par craquer. Mais dans le cas contraire, elle pourrait leur donner de fausses informations pour obtenir sa liberté, pensant que c'est la seule option. Il leva légèrement le menton et la vit tressaillir contre sa volonté. Dans un long soupir, et sans dire un mot, il se retourna et quitta le couloir.

Garfield avait ressenti toute cette scène des plus oppressantes sans oser regarder. Il s'était contenté d'être hors de la ligne de mire de Bruce, à côté de la porte, et de se faire discret. Mais maintenant qu'il était parti, il se racla la gorge pour attirer l'attention d'Andréa. Mais cette dernière ne réagit pas. Elle tentait de rassembler ce qui lui restait de force mentale pour s'en tenir à son plan initial : la neutralité. Elle entendit le tintement de la vaisselle des deux plateaux alors qu'il faisait l'échange. Il prit alors le verre d'eau et s'approcha de la jeune femme prostrée dans un coin de la pièce.

– Salut Andréa. Je suis désolé que ça se passe comme ça, mais c'est une simple précaution, tu comprends ?

Mais elle ne répondit pas.

Why did you bring a shotgun to the party? [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant