Chapitre 1 : Aveline

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Ramenant l'une de ses mèches en arrière la jeune fille se mit sur la pointe des pieds pour ranger un des nouveaux ouvrages qu'elle venait de recevoir. Elle avait toujours cette même sensation grisante lorsqu'elle tenait une œuvre neuve entre ses mains. Un instant elle savoura ce petit plaisir. Certain aurait décrit sa vie comme un long fleuve ennuyeux à en mourir, aucune jeune fille de son âge n'aurait réellement apprécié de travailler toute la journée dans une bibliothèque où absolument rien ne se passait. Aveline pour sa part ne se plaignait pas, elle se jugeait même chanceuse de pouvoir passer ses journées à entretenir ce lieu, et c'est justement parce que beaucoup le trouvait ennuyeux qu'elle l'aimait. Entre ces murs elle était la maitresse de chacun des ouvrages, de chacune des étagères et de chaque brique, chose que personne ne pouvait lui enlever. Ce qui ne l'empêchait pas de s'incliner devant les nobles qui se présentaient là. Courber l'échine ne le dérangeait pas outre mesure, tant qu'on la laissait en paix. Si au départ beaucoup avait murmuré dans son dos, on ne parlait maintenant plus de cette jeune noble ruinée réduite à vivre comme une paysanne, elle n'était plus à la mode, en somme. Sa seule force était désormais son éducation. Par chance après que son père eut découvert ses coffres vides, elle avait réussie à devenir l'apprentie de l'ancien bibliothécaire. Dire qu'elle en avait voulu à son paternel était un euphémisme, elle l'avait détesté, pas seulement parce qu'il avait perdu toute leur fortune au jeu mais aussi — et surtout — car il s'était par la suite suicidé la laissant seule avec sa grand-mère et sa sœur. Du haut de ses quatorze ans Aveline avait alors prit les choses en main, vendant leurs différents domaines et trouvant un logement dans les entrailles de la capitale. Elle gérait leur argent d'une main de fer, ne cédant que peu à sa grand-mère qui avait été trop habituée aux fastes de la cour. Il ne faut pas croire les contes, tous les jeunes hommes qui lui avait fait assidument la cour de ses douze ans jusqu'à sa ruine, étaient partis en courant, heureux —finalement — de ne pas l'avoir épousée.

Six ans après, la jeune fille ne s'apitoyait pas sur son sort, elle en était même heureuse. Le vieux bibliothécaire était mort deux ans auparavant, lui laissant la charge de cet endroit qu'elle affectionnait tant. Le décès du vieil homme l'avait énormément attristée, il avait été la seule figure parentale raisonnable dans sa vie de noble déchue. Pourtant elle n'avait pas pleuré, pas plus que pour son père. Elle tira un peu sur le col de sa robe, le tissu gris était tout aussi rêche qu'inconfortable. Elle s'installa à son bureau tirant sur son corset, même en tant que domestique elle était obligée d'avoir une tenue contraignante, seule différence avec son bref passage à la cour, les tissus étaient beaucoup moins délicats.

Une pile de livre atterrit devant elle faisant trembler son encrier. Ses yeux se levèrent vers l'importun, un jeune gringalet se tenait là, un sourire radieux aux lèvres. Il s'agissait d'un valet, au vu du peu de délicatesse dont il faisait preuve envers ces ouvrages.

« Auras-tu besoin d'autre chose pour ton Seigneur ? » Elle posa sa plume près de son parchemin. Ses doigts étaient tâchés d'encre.

« Ouais, il m'a donné une liste. Et Mary t'fais dire de venir manger avec nous pour le déjeuner. Elle trouve qu'tu manges pas assez. » Aveline leva les yeux au ciel, puis esquissa un sourire.

« Je termine ce que j'ai à faire et je vous rejoins. Promis. » Satisfait le garçon prit le chemin de la sortie. « Aël ! La liste. »

Il se gratta la tête et lui tendit le papier. Il était beaucoup trop tête en l'air pour son bien. Aveline jeta un œil à ce qui était écrit avant de retourner à son dur labeur.

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Aveline, L'éveil du FauconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant