Chapitre 17 : Avertissement

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La sécurité avait été renforcée, apparemment les soulèvements se multipliaient. Aveline ne se faisait toujours pas à la surveillance constante, à vrai dire cela lui faisait froid dans le dos. Plus pour sa sœur et sa Grand-Mère que pour elle-même, dans sa bibliothèque elle ne craignait pas grand-chose. Quatre à quatre elle monta les escaliers des serviteurs, elle était en retard, les calèches de marchands qui encombraient la ville l'avait ralentie. Elle sursauta lorsque quelqu'un lui saisit le bras. Ses yeux se levèrent sur Seth qui l'emmenait à l' opposer de sa bibliothèque. Et en prime il la tenait bien trop fort.

« Vous me faites mal. » Il l'entraina dans un renfoncement du couloir. Visiblement il était inquiet, pourquoi ? Elle n'en savait rien, et si c'était au sujet du royaume, elle n'était certaine de pouvoir aider.

« Aveline, vous devez m'écouter. » Ce n'était pas comme s'il lui laissait réellement le choix. « Vous devez vous en aller, partir d'ici, de la capitale. » Il devait être très fatigué, ou alors il c'était cogné la tête contre un mur.

« Pourquoi ferais-je ça ? Je vais me marier. » Et elle pourrait venir habiter au palais avec sa sœur et sa grand-mère.

« Parce que vous êtes en danger. Je ne vous dis pas ça pour gâcher votre vie, mais pour la préserver. Quelqu'un cherche à vous nuire, je ne saurais pas vous en dire plus. En restant ici vous n'êtes pas en sécurité, mariée ou pas. » Soit il tentait de ruiner son mariage, soit il était sérieux. Tout du moins il croyait ce qu'il disait, c'était le plus déstabilisant.

« Comment pouvez-vous en être aussi sûr ? Je ne suis qu'une bibliothécaire, certes je vais épouser Mahe, mais je ne vois pas en quoi j'ai fait quelque chose qui puisse m'attirer des ennuis. » Seth la prit par les épaules, ses yeux plongeants dans les siens.

« Ce n'a rien à voir avec votre mariage ou votre position, c'est autre chose. Je ne peux pas vous l'expliquer maintenant mais croyez-moi, vous devez partir maintenant. Quelqu'un complote dans votre dos. » C'était insensé, elle n'avait rien de particulier. A part peut-être son titre de duchesse, et encore. Elle lui sourit.

« Je peux prendre soin de moi, je doute réellement que quelqu'un souhaite me faire du mal comme vous le laisser entendre. » Elle crut qu'il allait lui déboiter les épaules tant il la serrait fort.

« Je vous en prie, vous devez vous en aller. Je ne peux plus vous protéger, pas de ces gens-là. » Et elle n'avait certainement pas besoin d'aide, ou d'une quelconque protection.

« Et moi je vous prie de cesser, je vous apprécie, cependant je suis encore assez grande pour prendre mes propres décisions. » Elle se dégagea assez violement. Seth la regarda un instant visiblement contrarié.

« Dommage que vous preniez les mauvaises. » Aveline se redressa, les poings serrés. Elle ne supportait pas qu'on lui fasse la leçon.

« Je dois y aller, j'ai du travail et je suis déjà en retard. »

Tournant les talons elle se dirigea vers la bibliothèque. Elle était tentée de jeter un regard en arrière pour voir s'il la suivait ou autre chose, elle n'en fit rien. Elle avait besoin de calme pour réfléchir.

*

* *

La nuit n'était pas encore tombée lorsqu'Aveline referma la porte de la bibliothèque. L'été avait ses bons côtés. Ereintée mais satisfaite la jeune femme prit le chemin du retour. Elle remarqua que les serviteurs murmuraient, plusieurs fois elle tendit l'oreille pour percevoir des bribes. Apparemment les capes rouges faisaient une descente en ville pour condamner des traitres. Avec tout ça on lui demanderait surement de se présenter et de répondre à un tas de questions. Elle soupira par avance. Mary et Aël travaillait encore, si bien qu'elle n'eut pas le loisir de les saluer, dans les jours à venir elle n'aurait peut-être plus de réelle possibilité de leur accorder autant de temps qu'elle pouvait le faire maintenant. Aveline haussa un sourcil en avançant dans les rues désertes et étrangement tranquilles, ce ne fut qu'en sentant une odeur âcre qu'elle releva la tête. Des volutes de fumée s'emparaient du ciel le teintant de noir. Son cœur accéléra la cadence, la fumée venait de sa petite rue, qui donc pouvait bien être le traitre ? La peur s'insinua en elle, circulant dans ses veines comme un poison amer. Sans comprendre pourquoi Aveline se mit à courir. La peur lui étreignait les tripes. Un mauvais pressentiment. Non, il n'y avait rien à craindre. On la protégeait. Les avertissements de Seth lui revinrent en tête en même temps qu'une petite voix lui murmurant qu'elle aurait dû écouter. Impossible, il ne pouvait que se tromper. Il prenait trop à cœur son envie de la protéger, tout simplement.

Elle s'arrêta ne parvenant plus à respirer. Plus que deux ruelles à traverser avant de rejoindre sa maisonnette. Sa grand-mère lui ferait un sourire triste en lui annonçant qu'une connaissance avait trahit les Dirigeants, et sa petite sœur serait sagement en train de relire ses leçons attendant que l'on prépare le diner. Il n'y avait absolument aucune raison de paniquer. C'est donc lentement et en mesurant chaque pas qu'Aveline se rapprocha de la rue.

Son corps tout entier se figea. Ses muscles refusant tout autant de répondre que son esprit. La maison était léchée par les flammes, dévastée. Amassés autour les gens se délectait de ce spectacle, trop heureux d'assister à une exécution. Un souvenir revint en mémoire à Aveline, un coup de poing dans l'estomac. Un homme terne. Fatigué. Maigre. Torturé. S'avance sur l'estrade. S'agenouille. Il murmure. Vêtu de noir le bourreau s'approche. Ensuite du rouge. Rien que du rouge. Cette fois ce n'est pas le cas. Pas de rouge. Pas de sang. Mais des flammes. Une odeur infecte qui se répand dans l'air. Une odeur de chaire brulée. Aveline aperçoit les corps. Pendus au petit balcon de la maison dont bientôt il ne restera que des ruines. Le bas des corps brule lentement, les flammes semblent s'en délecter. La bibliothécaire reste là. Figée. Horrifiée. Terroriser. Elle veut courir vers les décombres. Décrocher les corps. Elle veut bouger. Faire quelque chose. Pleurer. Elle n'y arrive pas. Elle ne veut pas. Elle ne peut pas. Non. Un cauchemar. Un mauvais rêve. Elle va se réveiller. Sa bouche s'ouvre. Aucun son ne sort. Elle fait un pas en avant. Elle veut hurler. Juste un mot. Un nom. Elle veut juste crier. Alana. Elle en a besoin.

Pas la réalité.

Cauchemar.

Non.

Impossible.

Cruel.

Mort.

Elle tend la main. Prête à avancer. On la tire en arrière. Un bras lui ceinture les bras le long du corps. Une main se pose sur son visage. Elle se débat faiblement. Sans savoir quoi ressentir. Une odeur douce parvient à ses narines. Elle se détend. Son corps s'affaisse. Elle ferme les yeux.

Rêve.

Réalité.

Cauchemar.

Mort.

Aveline, L'éveil du FauconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant