Chapitre 18 : Capes Rouges

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Lorsqu'Aveline ouvrit un œil sa tête heurta le banc en bois sur lequel elle était allongée. Les heurts et son corps qui se secouait à chaque secousse lui firent comprendre qu'elle était en mouvement, surement dans un fiacre. Elle tenta de relever sa tête douloureuse mais une main gantée se posa sur sa joue, elle voulut reculer mais heurta l'habitacle. La main descendit le long de son cou. Une légère pression. Elle retomba dans son coma.

*

* *

C'est sa toux qui la réveilla la seconde fois. Son corps lui semblait affreusement lourd et sa tête était toujours aussi douloureuse ? Que c'était-il passé ? Elle avait rêvé ? Surement. Encore un de ces cauchemars. Ses doigts effleurèrent un tissu rêche et inconfortable. Aveline fronça les sourcils. Clignant des yeux elle tourna la tête. Définitivement elle n'était pas chez elle. Mais alors ce qu'elle avait vécu... Non. Impossible. Les larmes lui montèrent aux yeux. L'odeur de la chaire calcinée lui revint. Le corps pendu d'Alana, ses yeux vide, son teint livide, les marques de coups. Et sa grand-mère... Elle serra fort ses paupières. Elle ne pouvait pas pleurer. Elle ne voulait pas. Si elle pleurait elle admettait la mort. C'était impensable.

« Tu es déjà réveillée. » Ce n'était pas une question. Aveline ouvrit les yeux. Un homme se tenait là un plateau entre les mains. « Enfin, ce n'est pas trop tôt, cela devenait lassant de te voir dormir. » Il avait un air hautain et satisfait, son regard bleu clair la fixait un peu trop et son sourire suffisant était horripilant. Pourtant il semblait avoir un peu plus de trente ans, n'était-t-on pas censé devenir plus sage à cet âge ?

« Qui êtes-vous ? Où suis-je ? J'exige des réponses ! » Elle repoussa vivement la couverture, son désespoir laissant place à la colère. Lorsqu'elle se campa sur ses jambes elle chancela et dû se rasseoir pour ne pas paraitre ridicule.

« Du calme Princesse. Bien que j'apprécie grandement le spectacle je tiens à te faire remarquer que ta chemise de nuit est légèrement transparente –peut-être pas assez à mon goût... » Aveline s'empourpra, saisissant la couverture elle la colla contre elle. Son regard exprimait toute sa colère. « Je suis venue en paix t'apporter à manger. » Preuve de bonne foi il posa le plateau sur le tabouret prêt du lit.

« Répondez-moi. » Aboya la jeune femme. Etre en colère l'empêchait de penser. Ne pas penser lui évitait de se rendre compte de la réalité.

« Tu es chez les Capes Rouges Princesse, et je suis Gaëtan. Maitre d'armes aguerrit, siégeant au conseil, et l'heureux compagnon de toutes les dames se sentant seules. » Aveline haussa un sourcil, comment un imbécile pareil pouvait-il être un guerrier ? Plus important, que faisait-elle là ?

« Je dois retourner au palais. Je n'ai rien à faire ici. » Il la regarda, cette fois elle lut de la pitié dans son regard, ce qui était plus énervant encore.

« Ils te tueront. Si tu retournes là-bas. » Elle le fusilla du regard. « Ils ont déjà tués ta Grand-Mère et ta sœur. » Un coup de couteau dans le cœur. Elle serra la couverture entre ses doigts dont les jointures devinrent blanches.

« Arrêtez ! Ne dites pas cela c'est faux ! » Aveline hurla à s'en déchirer la gorge. Gaëtan la fixa, visiblement adoucit.

« Elles sont mortes... » S'il l'avait dit d'une manière douce, ses mots n'en restait pas moins comme mille aiguilles qu'on lui plantait une à une dans le cœur.

« Taisez-vous ! C'est faux ! Elles ne sont... Pas ce mot ! » Les larmes perlèrent à ses yeux. « Elles ne peuvent pas... Je ne veux pas... Non... Arrêtez... » Les larmes roulaient sur ses joues. « Ne me mentez pas... Pas ça... Non... Je...Pas...Veux... »

Sa voix chevrotait. Il vint s'asseoir à côté d'elle. Lorsqu'il referma ses bras autour de la jeune fille elle explosa en larmes. Son corps vibrait entre ses bras alors qu'elle était prise de sanglots qu'elle ne parvenait pas à faire taire. Il la serra un peu plus fort, la laissant faire. Elle s'agrippa à lui. La douleur était si vive qu'un fer chauffé à blanc n'aurait pas pu la faire souffrir davantage. Elle ne pouvait pas y penser. Tout cela, c'était de sa faute. Pourquoi ne pas s'en être prit à elle directement ? Ses sanglots redoublèrent. La vision des cadavres s'imposa à son esprit. Qu'avait-elle donc fait ?

*

* *

Le cœur en miette. Recroquevillée sous sa couverture qui sentait le vieux, Aveline sanglotait encore. Gaëtan l'avait laissée après l'avoir bercée comme une enfant. Il lui avait effleuré le front et murmurer quelques paroles réconfortantes. Mais comment réparer un cœur brisé ? Il ne restait plus rien qu'un creux immense dans sa poitrine, son organe vitale avait été réduit en poussière. Parfois elle serrait fort ses paupières espérant se réveiller dans la douce odeur de lavande de ses draps. A aucun moment cela ne fonctionna. Elle avait aussi relevé la tête par moment croyant entendre le rire d'Alana, mais il n'y avait personne. Lorsqu'elle parvenait à trouver le sommeil seul un monde de cauchemars s'offrait à elle. Les images se superposaient et partout du sang. Sa mère avec un sourire rouge sur le cou. Sa sœur le visage déformé en train de bruler. Les murmures des morts à ses oreilles. Cela devenait insupportable.

« Je t'ai apporté des draps propres. » Elle n'avait même pas entendu la porte s'ouvrir. Se relevant elle découvrit une jeune femme de son âge qui déposait du linge propre sur la une petit chaise, dans un coin.

« Merci. » Ce ne fut qu'un murmure. D'un revers de manche Aveline essuya ses larmes et remonta la couverture sur sa poitrine. La femme avait de longs cheveux blond qu'elle avait attachés en une tresse, sa carrure bien qu'impressionnante était empreinte d'élégance et de douceur. Quoi que les armes qui ornaient sa tenue avaient de quoi dissuader.

« Je suis Cressida. » Un sourire orna ses lèvres. « Comment te sens-tu ? » Aveline repoussa les couvertures. La seule chose qu'elle souhaitait étant de se fourrer dedans en pleurant tout son soûl.

« Comme quelqu'un qui vient de perdre la seule chose qui lui restait. » Cressida ouvrit la petite lucarne pour aérer. La compassion se lisait dans son regard sombre.

« Tu es à l'abri ici, et des que tu voudras sortir tu verras que cet endroit est magnifique. » Elle imaginait plus le palais des Capes Rouges comme un lieu austère et froid. Mais elle devait bien reconnaitre que les gens étaient sympathiques.

« J'ai juste envie de dormir et de ne plus jamais me réveiller. » L'autre s'appuya contre le mur croisant ses jambes devant elle.

« Les blessures cicatrises avec le temps, tout comme le cœur. » Ses doigts effleurèrent le pommeau de son épée. « Parfois, il est plus simple de s'en sortir lorsque l'on a un but. » Ses épaules se haussèrent élégamment. « Que désires-tu le plus en ce moment ? » Aveline n'y avait même pas réfléchit, sauf peut-être ne jamais sortir de ce lit. Elle doutait que cela soit une réponse acceptable. Puis un mot lui vint sans qu'elle y ait pensé avant.

« La vengeance. » Pourquoi ? Parce que sa petite sœur et sa Grand-Mère était morte. Assassinées. Elle serra les poings.

« C'est un début, mais n'oublie jamais que la haine peut aussi te conduire à ta perte. » La haine. Oui, elle gonflait son cœur se mêlant à la tristesse. Amer et dur.

« On a massacré ma famille. » Ce fut sa seule réponse avant que ne se détourne de Cressida. Malgré ce but nouveau qui lui était apparu, elle se sentait toujours aussi abattue, le cœur rongé par les remords.

« Je sais. Mais toi tu es là, et il faudra que tu réapprennes à vivre. »

Cressida avait raison, mais Aveline n'était pas encore prête à l'admettre. Elle regarda la jeune femme s'en aller, prenant soin de fermer la porte derrière elle, puis elle referma la fenêtre. Une fois seule elle décida de changer les draps, cela se révéla plus simple qu'elle ne l'aurait cru, si bien qu'elle eut vite terminé. Enfilant la chemise de nuit propre, elle se glissa de nouveau dans sous la couverture qu'elle remonta jusqu'à son nez. Ses rêves seraient encore teintés de rouge. Son cœur enflerait encore sous le poids de la culpabilité. Et elle ne reviendrait jamais. Mais un mot s'imposait à chaque fois à son esprit. Trois syllabes qu'elle alignait mentalement. Un petit mot si insignifiant qu'on ne lui prêtait que peu d'importance, mais un mot qui allait changer sa vie, et cela sans possibilité de retour. Vengeance.

Aveline, L'éveil du FauconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant