Chapitre 41 : Blessure et cotérisation

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La jeune femme déposa le sac sur le bureau. Son bras en écharpe n'enlevant rien à son élégance, elle passa sa main libre dans ses cheveux regardant l'homme face à elle avec un certain mépris.

« Vous direz au Maitre que les choses ont été faites comme il le souhaitait. » Le secrétaire leva les yeux sur elle tout en vérifiant le contenu du sac.
« Je lui transmettrait. Il vous recevra dès qu'il le pourra. » Elle balaya cette remarque d'un geste de la main.
« Je sais, ce n'est pas nouveau. La fille a été blessée. » Une lueur de panique brilla dans le regard morne de l'homme.
« Que... Comment ? Est-elle... Morte ? » Un soupir échappa à la femme qui se laissa tomber dans un fauteuil.
« Non. Mais cela aurait pu, dite au maitre que la prochaine fois, s'il veut la garder en vie, mieux vaut qu'il ne me colle pas des amateurs sur le dos. » Elle renifla de dédain tout en se relevant. « Et je vais bien, merci de vous en inquiéter. » L'homme se contenta d'un haussement d'épaule, ce qu'elle faisait n'était pas ses affaires. Il regarda un instant le sac avant de l'ouvrir.
« Aviez-vous autre chose à me dire ? »

La femme prit la direction de la sortie sans prendre la peine de répondre.

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Son corps se consumait de l'intérieur. Chaque partie de son corps la brulait. Aveline remua faiblement. Quelque chose se posa sur son ventre, plus brulant encore que sa peau, son hurlement se perdit dans sa gorge. C'était beaucoup trop. Elle ne pouvait pas le supporter. Il ne fallut que ça pour qu'elle replonge dans le sommeil.

Elle frissonna alors qu'elle peinait à ouvrir les yeux. Elle se sentait fiévreuse, son corps était ankylosé et elle ne sentait que vaguement ses membres. Ses doigts palpèrent l'endroit où son ventre était douloureux, lorsqu'elle toucha sa peau boursoufflée elle manqua de laisser échapper un cri. La douleur n'était pas un cauchemar mais une réalité. Une main prit doucement la sienne.

« Aveline ? » Elle distinguer la voix sans réellement l'entendre. On lui passa un linge humide sur le front. C'était frais. C'était bon. Difficilement elle parvint à ouvrir les yeux.
« De... De l'eau... » La chaleur était si insupportable qu'elle lui donnait des frissons. Une main passa dans son dos pour l'aider à se redresser légèrement. Le liquide lui fit du bien, sa gorge s'apaisa, mais la douleur de son corps resta la même.
« Ca va aller. » On la rallongea, elle ne s'en plaignit pas. La jeune femme parvint à distinguer les traits de Seth lorsqu'elle tourna la tête vers lui.
« Que s'est-il passé ? » Il se contenta d'un sourire en lui caressant la joue.
« Pour le moment tu as besoin de repos. » Les doigts du seigneur remontèrent jusqu'à son front, il dégagea quelque mèches de son visage en souriant. Elle hocha la tête. Elle n'avait déjà plus la force de parler.

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Le sol était glacé. C'est la première remarque qui vint à l'esprit d'Aveline lorsqu'elle posa un pied par terre. Cela faisait déjà une semaine qu'elle était alitée et elle ne le supportait plus. Seth venait lui tenir compagnie chaque jour. Au départ leurs conversations étaient brèves car la jeune femme tombait de sommeil. Cependant au fil des jours elle se sentait mieux recouvrant ses forces petit à petit. Cette fois ci elle avait obtenu de rester seule dans sa chambre, prétextant qu'elle ne parvenait pas à se calmer lorsqu'elle était entourée de servantes. S'accrochant au baldaquin du lit elle se hissa sur ses jambes. La douleur irradia son bassin et son ventre, des larmes perlèrent à ses paupières, tout cela était insoutenable. Elle se rassit quand des étoiles dansèrent devant ses yeux. Seth profita de ce moment-là pour entrer un plateau à la main. Il fondit presque instantanément sur elle.

« Tu ne devrais pas essayer de te lever. » Il était étrange que quelques jours passés ensemble aient réussi à les faire se tutoyer là où quelques années n'avaient pas suffi. Il la fit se rasseoir contre les oreillers lui arrachant une grimace.
« Je n'en peux plus de rester là. » Tourner en rond dans une chambre était loin d'être agréable, plus encore lorsque l'on se retrouvait obligée d'être clouée au lit.
« Il faudrait déjà que tu puisse te lever sans tourner de l'œil. » D'agacement elle croisa les bras sur sa poitrine, ce simple geste lui donna l'impression qu'on la déchirait en deux.
« Les élections sont en cours... Tu vas bientôt devoir partir. » Et elle serait seule dans cette demeure où les servantes la dévisageaient avec mépris. Elle avait de toute manière en tête de lui demander de faire venir Garrett. Il devait très certainement être inquiète et se faire un sang d'encre pour elle.
« Ils ont annulés à cause de ce qui est arrivé. Nous resterons ici un mois, ou plus selon ton état. » D'un geste tendre il lui caressa le front, elle grimaça alors qu'il effleurait une égratignure.
« Mourir aurait été plus simple. » Elle se renfrogna s'enfonçant dans ses oreillers.
« Tu n'as jamais fait dans la simplicité. » Un sourire se dessina sur les traits de Seth arrachant à Aveline un soupir.
« Ce n'est pas amusant ! » Il haussa les épaules, toujours aussi moqueur.
« Ce qui va arriver maintenant ne l'est pas beaucoup plus. » Il désigna les onguents et bandages qui reposaient sur la table de chevet. « Retire ta tunique. » La jeune femme le regarda en arquant un sourcil. Elle portait désormais un fin pantalon de toile et une tunique lorsqu'elle dormait, cela avait été plus pratique lorsqu'il avait fallu la soigner sans blesser son honneur. Quoi qu'elle aurait préféré qu'il soit la seule chose blessée chez elle.
« C'est demandé avec tant de désir. » Il la dévisagea un instant lui faisant lever les yeux au ciel.
« Une dame ne fait pas ce genre de remarque. »

Parfois il se montrait sous son jour de grand-frère protecteur. Or elle n'avait pas besoin de cela. La jeune femme haussa les épaule tout en remontant sa tunique jusqu'à sa poitrine. Autant qu'elle put elle se redressa pour laisser à Seth le loisir de lui retirer son bandage poisseux de sang. Sa blessure s'était rouverte malgré le fait qu'elle ait été cautérisée avec un fer chauffé à blanc. Aveline ne se souvenait pas de quand on le lui avait fait, mais elle se doutait que les choses étaient mieux ainsi, la douleur l'aurait fait tourner de l'œil de toute manière. Elle se rallongea pour que le seigneur puisse nettoyer sa plaie doucement, il y appliqua un onguent froid qui lui donna la chair de poule lorsqu'il toucha sa peau.

« Encore combien de temps avant que l'on cesse de faire ça ? » Une grimace déforma ses traits alors qu'elle se relevait pour la seconde fois tenant sa tunique en haut, Seth noua le bandage essayant d'user de délicatesse.
« Quelques jours, peut-être moins si le guérisseur décide de cautériser une nouvelle fois. » Finalement, elle préférait nettement les bandages et onguents. Elle remit sa tunique en se blottissant sous les couvertures. « Maintenant, il faut que tu manges. » Aveline regarda le plateau d'un œil distrait. Elle n'avait pas faim. Manger, plus que tout autre chose était un calvaire.
« Quand est ce que Garrett nous rejoindra ? » Cette question avait le don de refroidir Seth, et c'est pour cela qu'elle la posait avec tant d'innocence.
« Tu sais parfaitement qu'il ne peut pas venir ici, cela ne ferait qu'alimenter les rumeurs. Tu le reverras quand nous rentrerons. » Il lui posa le plateau sur les genoux avant de se relever.
« Je n'ai pas faim. » Il arqua un sourcil moqueur.
« Mais tu ne peux pas te débarrasser du plateau seule, donc, il faudra que tu manges. » Aveline fit claquer sa langue, elle détestait quand il jouait à ça.
« Je peux aussi le laisser pourrir là. » Seth haussa les épaules tout sourire.
« Ce n'est pas mon problème Duchesse. » Elle manqua de hurler lorsqu'il sortit, la laissant seule. Elle détestait être blessée, plus encore lorsque cela la contraignait à rester alitée.

*
* *

Son hurlement déchira l'air. Elle hurla toutes les insultes qui lui venaient en tête alors que son corps était pris de soubresauts incontrôlables. La douleur irradiait dans son ventre, la brulure sur sa peau lui était insoutenable. Elle cambra le bas de son corps pour que le guérisseur retire le fer de sa chair, mais Seth la maintenait fermement. Aveline sentait sa crispation mais elle ne comptait pas lui rendre la tâche aisée. Quand ils relâchèrent leur vigilance elle envoya son genou rencontrer les côtes du guérisseur qui recula d'un coup, déstabilisé.

« Aveline ! » Seth la grondait comme si elle était une enfant, mais elle était bien capable de se gérer elle-même. Si elle avait pu choisir, personne n'aurait touché ainsi à sa plaie. Le guérisseur les fixa un instant.
« C'est terminé. » La jeune femme se calma. « Il faudra que vous restiez couchée quelques temps encore, que votre blessure ne se rouvre pas. » Le seigneur la relâcha lentement comme si elle allait le rouer de coups pour s'enfuir, chose qu'elle aurait pu faire si son corps ne la faisait pas autant souffrir.
« Nous y veillerons. Merci. » Il s'éloigna pour glisser quelques pièces dans la main de l'homme qui s'éclipsa presque aussitôt, Aveline n'avait pas dû lui faire la meilleure impression qui soit. Seth se tourna vers elle dès que l'homme eu disparu. « Il faisait cela pour t'aider. » Elle se débattait pour se mettre sous les couvertures.
« Je ne voulais pas. » Elle avait même catégoriquement refusé cette cautérisation, mais personne ne l'avait écoutée. Seth l'aida à se couvrir.
« Ta plaie pouvait s'infecter de nouveau. » Evidemment, néanmoins cela restait beaucoup trop douloureux. Il replaça une de ses mèches de cheveux. « Tu pourras bientôt te lever si tu restes tranquille encore quelques jours. » De toute manière elle ne se sentait plus la force de bouger, se débattre avait été assez éprouvant. Dans un bâillement elle ferma les yeux tournant le dos à Seth qu'elle entendit soupirer derrière elle. Il sortit en refermant la porte et elle se laissa aller au sommeil.

Aveline, L'éveil du FauconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant