Aveline, L'éveil du Faucon

Chapitre 31 : Une mission, un retour

Son dos la faisait souffrir presque autant que ses mains, depuis le début de l'après-midi elle et Garrett nettoyaient la salle à manger. Aveline se redressa tout en s'étirant, ce travail était éreintant. Elle y réfléchirait maintenant à deux fois avant de frapper. Le jeune homme quant à lui se laissa choir sur le sol fraichement lavé.

« Ca va me donner plus d'ampoules que mes premiers entrainements à l'épée. » Elle ne pouvait pas lui donner tort, elle-même observa ses mains déjà rouges.
« Au moins nous en avons terminé. » Elle regarda par la fenêtre, le soleil était en train de décliner. Un soupir passa ses lèvres bientôt la salle serait de nouveau remplie. Elle s'approcha de Garrett tout en lui tendant la main.
« Debout ou tu ne vas pas tarder à te faire piétiner par une horde de Capes Rouges affamés. » Il la regarda quelques instants avant de prendre sa main. Il la serra dans la sienne, et un sourire moqueur orna ses lèvres avant qu'il ne la fasse basculer sur lui étouffant par la suite une exclamation de douleur.
« Idiot ! » Il avait encore des ecchymoses suite à son récent combat, et qu'une jeune femme qui était loin d'être fluette vous tombe dessus n'était pas le meilleur moyen de guérir.
« Je voulais tenter le romantisme mais.... Avy, j'ai mal, tu pourrais te relever ? » Elle obtempéra de bon cœur avant de rire. Garrett se releva aussi les côtes douloureuses.
« La prochaine fois que tu tentes quelque chose comme ça, réfléchis. » Il leva les yeux au ciel. Aveline ramena ses cheveux en arrière.
« Tu devrais aller te reposer, je te rapporterais de quoi manger. » Il l'attira contre lui allant jouer avec l'une de ses mèches de cheveux.
« Tu pourrais venir te reposer avec moi... » Ses doigts glissèrent le long du cou de la jeune femme.
« Tu te plains à chaque fois que je t'effleure. Alors non, vas-y tout seul je viendrais te voir dans la soirée. » Elle l'embrassa furtivement avant de lui faire signe d'y aller. Garrett soupira, résigné et levant les yeux au ciel. Les autres n'allaient pas tarder à arriver, aussi elle rangea les seaux et les balais, avant d'attendre le repas.

*
* *

Aveline déposa le plateau sur le bureau. Garrett était allongé et avait commencé à se plaindre dès qu'elle était entrée.

« Il n'y a que des choses que tu aimes. » Elle lui apporta une assiette et un verre alors qu'il se redressait en grimaçant.
« Merci. Je ne pensais pas que quelques coups pouvaient faire aussi mal. » Il dévora tout ce qu'elle lui avait laissé. Il semblait aimer l'attention. Ils regardèrent Gaëtan entrer, frapper n'était pas dans ses habitudes malheureusement.
« J'ai quelque chose à vous annoncer. » Voix grave, air sérieux. Quelque chose n'allait pas, les deux amants avaient dû arriver à la même conclusion car ils échangèrent un regard.
« Qu'y-a-t-il ? » Le maitre d'arme tira une chaise pour s'asseoir tout en se grattant le menton. Il semblait songeur.
« Quelqu'un a soumis un requête de mission au conseil. » Il fronça légèrement les sourcils.
« Ça signifie que Garrett va partir ? Ce serait plutôt une bonne nouvelle.» Ils c'étaient déjà préparés à ce que cela arrive, et puis il reviendrait toujours chez les Capes Rouge.
« Toi Aveline. Quelqu'un à demander à t'avoir en mission. » Elle croisa les bras sur sa poitrine.
« Hors de question ! » Garrett avait parlé le premier. « Elle n'est pas prête à assumer une mission, ce serait du suicide de l'envoyer sur le terrain seule. » Pour une fois elle ne pouvait qu'être d'accord.
« Je ne dirais pas le contraire. Mais nous ne pouvons pas refuser, il s'agit de celui qui a versé l'argent pour la mettre à l'abri. » Il semblait tout aussi contrarié qu'eux. « Mais j'ai demandé à ce que tu l'accompagne. » Au moins une bonne nouvelle.
« Et à quel titre ? Cela ne doit pas figurer dans le contrat. » Elle n'y connaissait pas grand-chose sur le fonctionnement de tout cela, mais elle n'appréciait pas qu'on ne lui demande pas son avis.
« Disons que j'ai réussi à obtenir que tu devienne son maitre. Je sais tu n'es pas censé pouvoir accéder à ce statut, mais quelqu'un doit protéger Aveline, et son entrainement est presque achevé. » Garrett semblait s'être adoucit avec la nouvelle. Gaëtan inspira. « Aveline, tu retournes au palais. Et pas en tant que bibliothécaire... » Cette fois elle se tendit. Merveilleuse idée que de la lancer à coups de pieds dans la fosse aux lions.
« Je n'irais pas. Je ne suis pas encore folle. » Et même si maintenant elle savait plus ou moins se battre, elle ne tenterait certainement pas d'aller dire bonjour à ceux qui cherchaient à la tuer.
« Tu n'as pas le choix. Tu y seras en tant que fiancée d'un seigneur, tu devras le protéger, et Garrett veillera sur toi. Apparemment l'affaire de la trahison a été enterrée, ou modifiée je ne sais pas, mais tu n'es plus recherchée. » Elle avait un mauvais pressentiment quant à quitter ce cocon protecteur. Malgré tous les combattants qu'il abritait, et le fait qu'ils étaient tous affreusement dangereux, il s'agissait d'une grande famille. « Ma chère, à partir de maintenant tu es de nouveau Duchesse. » Elle n'aimait définitivement l'idée.
« Donc, si je comprends bien, tu l'envoie se faire tuer. C'est la meilleure idée que tu n'aies jamais eu ! » L'ironie de Garrett ne parvint même pas à détendre Aveline.
« Ça ne me plait pas non plus. Je n'ai pas mon mot à dire Garrett, et si nous refusons d'obtempérer, on la mettra dehors de force, et je ne tiens pas particulièrement à voir ça. » La plupart des gens se plaisaient à raconter qu'on avait toujours le choix. Visiblement cela n'était qu'un vague mensonge, mais elle l'avait déjà compris lorsqu'elle était plus jeune. Simplement le sort semblait s'acharner contre elle.
« Et sais-tu qui joue le rôle du merveilleux fiancé qui m'envoie me faire trancher la gorge ? » Gaëtan esquissa un sourire, elle, cela ne la faisait pas du tout rire, bien au contraire.
« Non. Nous ne savons pas qui, ni comment, ni pourquoi. Juste qu'il t'a choisie et qu'il ne s'est pas opposé à ce que Garrett soit à tes côtés. » Le maitre d'arme lui prit la main. « Aveline, ce n'est que l'affaire de quelques mois. Ensuite tu pourras revenir ici, achever ta formation et faire ce que bon te semble. » Elle se dégagea. Elle voulait rester là, à l'abri, avec des gens qui comptaient.
« Elle ne devrait même pas avoir à partir. » Etrangement Garrett semblait plus calme malgré la colère qui perçait sa voix : il n'avait encore rien cassé.
« Pourtant c'est le cas, et vous vous en aller demain, alors préparez vos affaires. » Si tôt ? C'était un peu tard pour les prévenir.
« Mais j'ai encore mal ! » Gaëtan esquissa un nouveau sourire.
« Tu t'en remettra ! » Il se releva. « En attendant profitez aussi de cette nuit... Je sens que vous n'allez pas avoir beaucoup de temps pour vous. » C'était même certain. Quoi que l'on en dise le palais était toujours agité, même pour les nobles. Elle regretterait sans doute le calme de sa bibliothèque. Gaëtan s'éclipsa comme il était venu. Aveline sursauta lorsque les doigts de Garrett caressèrent sa joue.
« Je ne laisserais pas ces gens te faire du mal. » Il l'attira contre lui. Elle se laissa faire tout en prenant garde à ne pas appuyer sur ses bleus.
« Je sais. » Il lui embrassa le front. Elle était effrayée par ce qui l'attendait.

*
* *

Leur nuit n'avait pas été très longue. Garrett avait mal aux côtes et Aveline trop angoissée pour fermer l'œil. En silence ils préparaient leur chevaux, Gaëtan n'était pas là, à supposer qu'il vienne. La jeune femme avait revêtue une tenue qu'on lui avait fournie, à partir de maintenant elle était visiblement de nouveau Duchesse. On lui avait, heureusement épargné la robe, néanmoins sa tenue d'équitation n'était faite que de vêtements aux tissus riches. Elle n'aimait pas cela.
« Vous ne comptiez pas partir sans me dire au revoir tout de même ! » C'était sûrement la première fois qu'Aveline le voyait sourire sans motivation. Il tenait quelque chose à la main, enveloppé sous un linge. Que préparait-il encore ?
« Nous pensions que tu avais trop peur de pleurer comme un enfant en nous voyant nous en aller ! » Le maitre décocha un coup de poing dans l'épaule de son ancien élève.
« Ce n'est pas comme si je vous disais adieu. » Il tendit le drap à Aveline. « Ce n'était pas pour tout de suite, mais c'est maintenant que tu en auras besoin. » Elle le prit tout en déballant l'objet. Un magnifique arc sculpté accompagné de flèches. Elle l'observa, surprise et heureuse. Les larmes lui montèrent aux yeux à l'instant même où elle se jetait sur Gaëtan pour le serrer dans ses bras. « Garrett, je crois que je viens de te voler ta fiancée. » Elle entendit le jeune homme rire derrière elle.
« C'est la plus belle chose que l'on m'ait jamais offerte... » Il lui rendit son étreinte.
« N'aies confiance en personne, à part Garrett. Et surtout, surtout, ne les laisse pas te changer. » Elle hocha doucement la tête alors qu'elle s'éloignait. En arrivant elle n'aurait jamais pensé que repartir lui ferait tant de mal. Des adieux, encore et toujours. Ce fut au tour de l'ancien élève de se retrouver dans les bras du maitre d'armes. « Veille sur elle, mais n'oublie pas de prendre soin de toi. Gère ta colère Garrett, et tu seras l'un des meilleurs. » Ils se donnèrent quelques tapes dans le dos, arrachant des grimaces au plus jeune. Finalement Gaëtan leur tendit une carte. « Votre itinéraire, j'ai confiance en Aveline pour arriver à destination. Des hommes de main du Seigneur vous attendent là où il y a la première croix. Si vous n'y arrivez pas avant la nuit ils partiront à votre recherche. » Dans un élan paternel il leur embrassa le front. « Soyez prudents. »
« Ne t'inquiète pas, il ne nous arrivera rien. » Garrett avait pris un ton rassurant et un sourire chaleureux. Pourtant Aveline sentit que lui aussi n'aimait pas l'idée de quitter cet endroit, pas dans ces conditions.
« Allez-y, sinon nous allons rester là longtemps... »

Ils rirent tous les trois. Les larmes aux yeux. Aveline sentit que quelque chose se déchiraient en elle, elle se répétait que tout irait bien, mais elle n'y croyait pas. Elle se mit en selle imitée par Garrett et prit la carte en main, son nouvel arc à l'épaule.
Duchesse. Cela avait soudain un gout amer. Comme si ce n'était plus elle, mais une autre. Bibliothécaire n'allait pas non plus. Tout ce qu'elle avait été autrefois semblait maintenant lointain. Elle avait changé en un peu plus d'un an. Elle faisait partit d'un nouveau monde qui semblait lui refermer ces portes comme il les lui avait ouvertes. Subitement.