Chapitre 35 : Ne faire confiance à personne

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Brosser ses cheveux. S'habiller. Lire. Attendre. S'ennuyer. Brosser ses cheveux. Se mettre au lit. Lire. S'ennuyer. Dormir.

Voilà quoi ressemblait le rythme des journées d'Aveline depuis quelques jours. La vie était fade et elle ne trouvait même pas de plaisir dans la lecture. Seuls ses échanges avec Garrett l'égayaient un peu. Elle croisa son regard alors qu'elle lisait sur le divan du petit salon. Il lui servit un petit sourire en coin dont il avait le secret qu'elle lui rendit volontiers. Le jeune homme n'avait pas osé le lui dire pour le moment, mais il la trouvait triste, elle était en train de se renfermer sur elle-même, comme avant. Regardant autour de lui il vérifia qu'ils étaient seuls pour s'approcher. Il s'accroupit près de l'accoudoir et lui prit doucement la main.

« Si nous allions faire un tour ? » Elle leva les yeux refermant ses doigts sur les siens.

« Nous avons déjà visité le palais plusieurs fois, il est peut être grand mais pas encore assez. » Il esquissa un sourire.

« Je parlais de la Capitale. Je n'y suis jamais allé. » Le regard d'Aveline s'illumina presque instantanément.

« Ils ne nous laisseront pas passer les portes... » Ce qu'elle disait contredisait ce qu'elle pensait. Il pouvait le voir quand elle le regardait ainsi.

« Ton fiancé retourne à sa chambre quand tu dors déjà. Dis aux gardes que tu as une migraine et que tu vas passer l'après-midi au lit. Tu ne veux voir personne avant le diner. » Aveline se redressa un sourire aux lèvres.

« Quant à toi, tu me rejoins dehors en prétextant que je t'ai renvoyé. » Garrett hocha la tête alors que la jeune femme sautait de son canapé.

« Tu comprends vite. » Il se releva tout en étirant ses bras. « Tu ferais mieux d'aller te changer. On se retrouve dehors, je m'occuperais de créer une illusion pour que tu ne sois pas reconnue. » Elle esquissa un sourire tout en allant dans sa chambre. Enfin elle pourrait voir autre chose que des pierres et des gens ennuyeux au possible.

*

* *

La Capitale lui semblait plus agitée que dans son souvenir, les gens se bousculaient, et il devenait vite difficile de respirer dans les artères principales. Néanmoins rien que le fait de pouvoir se promener main dans la main avec Garrett sans être reconnue lui plaisait. Le jeune homme semblait d'ailleurs tout aussi satisfait qu'elle. Aveline s'amusait à lui faire découvrir quelques endroits qu'elle connaissait par cœur. Rien ne semblait avoir changé dans ces rues étroites aux pavés parfois déchaussés. Pourtant, ce n'était plus chez elle. Elle ne percevait plus les choses de la même manière. Garrett lui prit les épaules pour l'attirer contre lui alors qu'ils marchaient entre les étals des marchands. C'était aujourd'hui jour de marché et elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'avant elle-même faisait partit de ces gens qui vendaient leurs services pour presque rien. Ses souvenirs s'agitaient autant que la ville, alors elle recherchait la tendresse de son amant qui semblait avoir compris le trouble qui la gagnait.

« Nous pouvons rentrer si tu veux. » Ce ne fut qu'un murmure qu'elle entendit par-dessus les cris et les rires.

« Non, ça va aller. Ce n'est que de la nostalgie. »

C'était vrai. Cela lui rappelait bon nombre de choses qu'elle avait tenté d'oublier. Peut-être lui fallait-il cela pour comprendre qu'elle n'était plus à sa place ici. Leurs pas les menèrent devant son ancienne maison. Un instant elle s'arrêta. Il n'y avait plus de traces de l'incendie. Tout avait été refait. Comme si rien ne s'était passé. Aveline contempla un instant la bâtisse. Son cœur se serra alors qu'elle revoyait Alana sortir en courant parce qu'elle était en retard, ou sa grand-mère qui saluait leurs voisins. Puis vinrent l'odeur âcre de la chaire brulée. La vision des corps calcinés. Les larmes perlèrent à ses yeux alors que son cœur était pris en étau. Il n'y avait plus rien, mais elle se souvenait de tout. De chaque détail. Elle trembla en proie à des souvenirs qu'elle aurait préféré enfouir. Garrett serra sa main pour la ramener à la réalité. Au travers de son regard embué elle vit qu'ils se déplaçaient. Dans un coin presque désert le jeune homme l'attira contre lui.

Aveline, L'éveil du FauconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant