4· Gravity

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« Well, I've got no more reasons to live
And I've got no more love to give
Tonight's the night
I'll paint the town red
I'll put another whole through my head »

- - -

Arrivées devant notre immeuble, le corbillard se gare quelques secondes après moi sur le parking faiblement illuminé. Le trajet s'est fait en silence, rythmé par les bruits de la respiration irrégulière d'Ofelia. Elle s'est endormie, ou évanouie, je ne serait dire, mais elle à l'air plus paisible dans cet état là. Son visage de poupée lui donnerait presque un air angélique, loin de laisser imaginer l'épave qu'elle est en réalité.  

Edgar s'approche de ma voiture et je coupe le contact dans un soupir. Comment avais-je pu imaginer que cette soirée se finirait autrement, c'est toujours la même rengaine avec Ofelia.

La portière droite de mon véhicule claque et mon regard se pose sur mon sauveur. Son air inquiet m'arrache un pincement au coeur. Il a l'air beaucoup trop investi pour quelqu'un qu'il ne connaît pas.

Je fais le tour du véhicule pour en sortir Ofelia et Edgar ne perd pas de temps. Il soulève mon amie tel une poupée de chiffon en prenant garde de ne pas l'abîmer. Il m'emboîte le pas et nous gagnons l'appartement en un rien de temps. 

Une fois dans son lit à l'étage, je remarque que son téléphone sonne en boucle. La vibration constante aurait dû la réveiller. Après l'avoir sorti de la poche de son jeans, je remarque qu'il s'agit de Max. Il a dû l'appeler au moins une centaine de fois sans compter les messages qu'il lui a laisser. À en voir les notifications, il a l'air en colère. Je ne comprends pas comment elle fait pour supporter le comportement abusif de ce type qui ne lui apporte rien de bon. J'aurais cesser de me laisser faire depuis un bon moment à sa place. Mais dans son petit esprit borné, il est tout ce qu'elle a, du moins c'est ce qu'il essaie de lui faire croire. 

Je finis par me résigner en posant le téléphone sur sa table de nuit après l'avoir éteins. Au moins elle passera une nuit paisible.

De retour dans le séjour, Edgar est en pleine contemplation de ma bibliothèque. Une des seules chose m'appartenant dans cette pièce. Ofelia n'est pas très littéraire et elle trouve ça ringard de faire un étalage de livre. Personnellement j'y vois un aspect très rassurant et agréable d'avoir ma collection aussi souvent sous les yeux.

Les doigts fins du corbeau passent sur la tranche en cuir de mon exemplaire relié d'Alice au Pays des Merveilles. Après un instant de réflexion, il s'en saisit délicatement et feuillète les pages en prenant garde au moindre de ses gestes. Il a comprit l'importance qu'avaient mes livres. Cette simple attention m'émeut. Personne ne s'intéresse jamais à mes ouvrages.

En descendant la dernière marche de l'escalier qui rejoint l'étage, le bois craque, sortant Edgar de son admiration. Il se retourne d'un geste gracieux, mouvant ses cheveux, et son regard de glace me fixe.
— Celui ci tu ne peux pas l'avoir Edgar, je suis navrée. C'est le joyaux de ma collection.

Je tente d'alléger la tension présente entre nous, mais Edgar me fixe toujours. Un sourire s'affiche sur son visage pâle .
— J'ai remarqué qu'il ne comportait pas d'annotations. Il ne m'intéresse plus. Même si je dois reconnaître que cette édition est très jolie. Mais j'ai déjà lu l'histoire plus d'une fois. Et toi? Tu l'as lu j'espère!

Il s'avance vers moi, toujours mon livre à la main.
— Bien sûr pour qui tu me prends...

Je détourne le regard pour ne pas me retrouver à nouveau coincer dans la glace du siens. Désormais, à moins d'un mètre de moi, il me tend l'ouvrage, son sourire toujours présent.
— Dans cas Eleanor, pourquoi un corbeau ressemble t'il à un bureau?

Quoi? Il n'est pas sérieux? Personne n'a la réponse à cette question du chapelier.

Amusé, Edgar presse le livre contre mon torse et je le rattrape avant qu'il ne le laisse tomber. Un clin d'œil ponctue silencieusement son geste avant qu'il gagne la porte d'entrée. Je le suis, ne sachant que trop peu quoi penser de ce moment étrange qui vient de se dérouler. J'ai envie qu'il s'en aille pour aller me coucher, éreinté de cette journée stressante couplée à cette soirée étrange. Sa présence me conforte étrangement, il a l'air différents des personnes de mon entourage, se rapprochant plus de mes valeurs et de ma façon d'être.  

Je lui ouvre la porte en bois, toujours mon livre en main, et il se glisse à travers le chambranle.
— À bientôt je l'espère. Passe une bonne nuit Eleanor.

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