40· Unsuccessfully coping with the natural beauty of infidelity

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Do you believe in forever?
I don't even believe in tomorrow
The only things that last forever
Are memories and sorrow"

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Tout le monde se trouvant autour du cercueil jette à son tour une rose sur le couvercle. Encore trois personnes et ce sera à moi d'y déposer une fleur. Mes mains tremblent et je sais, encore une fois, que le froid n'y est pour rien. Je m'approche de la sépulture et la profondeur me donne le vertige. Ofelia est là dedans. Enfermée dans cette boite. Dans sa robe blanche tachée de son propre sang. Et personne ne le sait. Mes yeux se ferment et ma main lâche la rose. J'ai la sensation que mon corps se balance vers l'avant, comme attiré par le fond pour la rejoindre. Mais je lutte. Nous n'appartenons plus au même monde, elle et moi. 

Jamais plus.   

Au bruit du contact de cette dernière contre le cercueil, je comprends que je dois me déplacer afin de laisser ma place à la personne derrière moi. C'est terminé. Je me décale sur le côté et ma vision se trouble faiblement. Je reprends place à côté d'Edgar. Le corbeau n'a pas bougé depuis le début de la cérémonie. Son accoutumance à ce genre de situation est plus qu'évidente. Je perçois cependant une certaine tension visible sur son visage crispé. Ce n'est pas une journée de travail comme les autres pour lui. Nous enterrons mon amie. Celle qu'il a tenté d'aider et de sauver deux fois. Mais il n'a pas réussi, tout comme moi, il a échoué.
Ses bras rigides s'enroulent autour de mon corps, me plaquant contre son torse.
Je suis fier de toi, tu vois tout s'est bien passé, me murmure Edgar aussi doucement que possible.

Je resserre ma prise sur sa main posée sur mon ventre pour toute réponse. Mes yeux croisent ceux de ma mère se tenant de l'autre côté du cercueil. Son regard se durcit en voyant que j'ai capté son attention. Je ne comprendrais jamais son besoin de me dénigrer et de me rabaisser. Je sais qu'elle n'a pas eu une vie facile, elle a dû élever trois enfants et je sais pertinemment qu'elle ne désirait que mon frère. J'ai grandis avec la sensation qu'elle m'en voulait d'être née. Mais je n'y pouvais rien. Aujourd'hui, je ressens amplement ce sentiment car elle ne se cache plus. Notre dernière conversation en est la preuve. Rien est assez bien pour elle. Ma soeur s'est entiché d'un homme exécrable, n'ayant pas grand respect pour elle, mais il est de grande famille et son apparence porte à croire qu'il est une bonne personne. De ce fait, à ses yeux, il est une bonne personne. Rien qu'à voir le dédain présent dans ses yeux au moment où elle a examiné Edgar, je sais déjà qu'elle le déteste. Et le simple fait que je lui accorde une quelconque importance la débecte.

Le cercueil heurte le sol dans un bruit sourd, marquant la fin de cette journée sordide. Les cris et les pleures de madame Walsh accompagnent le son de la terre retombant sur le bois alors que le cortège s'éloigne de la sépulture. La main d'Edgar agrippe la mienne, et je n'aurais même pas les mots pour exprimer ma reconnaissance envers lui. Sans lui, je ne suis pas certaine d'avoir eu le courage de venir aujourd'hui. Même si je sais que ma perception des choses est erronée, au fond de moi, tout est de ma faute. Si je ne l'avais pas laissée, elle serait encore de ce monde. 

La porte du corbillard se referme et Edgar contourne son véhicule pour y entrer du côté conducteur.
Nous pouvons partir ou tu veux rester un instant de plus Milady?

La main du corbeau presse ma cuisse pour appuyer cette question, tentant de m'encrer dans la réalité.
— Je veux juste rentrer Edgar, je t'en pris.

Ses clefs se glissent dans la fente et il démarre sans un mot. Le chemin jusqu'à Bristol se fait dans un calme paisible, rythmé par le bruit du moteur du corbillard. Je tente, tant bien que mal, de ne pas laisser mes pensées divaguer vers cette journée sordide mais rien que de repenser à mon père et à son excès de violence, j'en ai la nausée.
Eleanor, dis moi juste où tu veux que je te dépose. Tu veux rentrer chez toi ou tu veux venir chez moi une nuit de plus ?

Tu... tu ne veux pas rester avec moi? Mon coeur s'emballe et je panique instantanément à l'idée de rester seule. Pas ce soir. Pas encore. Je ne suis pas prête à affronter une nuit en tête à tête avec mes cauchemars.

Si bien sûr que si Milady, je me dis que simplement que tu apprécierais sûrement de retrouver ton appartement après quelques nuits passé chez moi. Rien de plus.

La main d'Edgar attrape la mienne, son autre paume tenant fermement le volant, caressant le dos de ma main avec son pouce. Sa tendresse m'apaisera toujours. 

Je veux bien, dis-je après un instant de réflexion et de soulagement.

Il est vrai que le lit d'Edgar est amplement plus confortable que le miens. Mais cela ne peux pas me faire de mal de me retrouver dans mon appartement, loin de la clairière où nous avons retrouvés Ofelia sans vie.
Edgar entre dans le quartier de Redland et l'ambiance me redonne un léger sourire. Cela m'avait manqué. La nuit tombe doucement mais cela n'enlève rien au charme des façades dessinées et accompagnés des fleurs colorées plus que naissantes. 
Nous passons la porte de ma résidence, ainsi que celle de mon appartement, complété du bruits des escaliers de bois craquant sous nos semelles. L'odeur de lessive qui règne à l'intérieur de la pièce me réconforte rapidement, aussi apaisant que cela puisse être. Je fermes les fenêtres qui étaient restées ouvertes pour aérer et allumes la bougie aux senteurs de tonka et de vanille se tenant sur la table, le tout sous le regard bienveillant d'Edgar resté dans l'entrée.
Tu ne comptes pas rester? J'ose lui demander légèrement inquiète en le voyant immobile sur le pas de la porte.

Comme tu le souhaites Eleanor, mais je t'avoue avoir un peu faim. Je pensais aller chercher un petit quelque chose à manger avant d'entamer cette soirée. Qu'en penses tu? J me doutes que tu ne dois pas particulièrement être affamé au vu des émotions d'aujourd'hui, mais nous n'avons rien mangé depuis ce matin, je suis entrain de me digérer moi même à l'heure actuelle. 

Du moment que tu restes avec moi...

Je m'approche de lui et mes yeux croisent les siens alors que je me hisse sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa mâchoire. Ses mains agrippent ma taille fermement et son odeur de sauge imprégnée dans ses cheveux me parvient lorsqu'il baisse la tête vers moi.
Des sushis ça te dis? On est passés devant Nomu en arrivant, ça m'a donné envie.

Je hoche la tête pour valider sa proposition et un sourire de dessine sur mon visage en observant le corbeau. Effectivement je n'ai pas réellement envie de manger quelques chose mais je ne dirais pas non à quelques maki. Son calme et sa tendresse m'apaise bien plus que je ne le pensais. J'admire la facilité qu'il a reprendre la vie en cours dans ce genre de moment. Je sais qu'il s'agit de son travail et de son quotidien, mais s'en est pas moins impressionnant. Heureusement que l'un de nous deux garde la face, sans quoi je ne sais pas à quoi aurait ressemblait cette journée chaotique. 
— Je reviens de suite dans ce cas là. Patiente une dizaine de minutes.

Il dépose un dernier baiser sur mon crâne et disparaît dans la cage d'escalier après m'avoir enlacé à nouveau, me laissant seule pour la première fois depuis quelques jours. Mon corps s'affaisse sur mon canapé et les images de la journée recommencent leur film bien bouclé... 
Je me dois d'accepter les choses et je vais finir par le faire, je n'ai pas le choix. Mais pas ce soir. Ni demain. Je vais engloutir des makis et des sashimis, ça ne me fera pas de mal de manger un peu. Comme l'a mentionné Edgar, il n'a rien mangé depuis ce matin, et quand à moi, rien depuis hier midi. Il n'est pas trop tôt pour avaler quelque chose. 

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