Chapitre 2

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L'heure avance, mon insomniaque se lève et me salue presque comme toujours.

— Merci ! dit-il en poussant la porte.

Presque comme toujours. Il ne m'avait jamais parlé en s'en allant. Baissant la tête, je regarde mon inconnue lire, tapoter l'écran de ses doigts sur des chapitres avant de baisser le couvercle, de se redresser et de poser l'ordinateur sur la tablette. S'accoudant au comptoir, elle pose ses mains dans ses paumes en coupe.

— J'aime votre imagination. Vous avez bien rendu l'atmosphère de Berlin et l'occultisme qui y régnait, il y a de petites erreurs ici et là, je vous les corrigerai. Pourquoi les vampires sont-ils à l'image de ce que Bram Stoker en a fait ? C'est une règle tacite ? L'ail, le pieu, la lumière du soleil ? Les dents sont-elles comme des pailles ? Je n'ai jamais compris comment un vampire pouvait boire du sang avec ces deux trous.

— C'est l'image que le public en a, oui, c'est un peu canon, comme vous le dites. Les gens s'attendent à ce que les vampires soient vulnérable à l'ail, qu'ils ne peuvent entrer quelque part s'ils n'y ont pas été invité, ils dorment dans des cercueils ou suspendu au plafond comme des chauves-souris, ils n'ont pas de reflets dans un miroirs, les rayons du soleil sont mortels.

— Vous devriez innover, c'est ridicule, et s'il vous plait ne faites pas en sorte qu'ils brillent dans le noir. Ce sont des créatures de la nuit, pas des phares.

— Qui êtes-vous ? Vous vous y connaissez bien en histoire et manifestement en vampires. Vous écrivez vous aussi ?

— Il est tard, je dois y aller avant que votre collègue n'arrive, dit-elle sans répondre à mes questions. Merci pour ce soir.

— C'est quand vous voulez, si vous avez besoin d'une cachette, vous savez où me trouver, souriais-je.

— Vous m'invitez à entrer ? demande-t-elle en me faisant un clin d'œil, avant de franchir la porte, me faisant sourire.

Je finis de tout préparer en repensant à l'étrange soirée que je viens de vivre. Qui est cet homme qui la recherche. Clairement pas un policier en tout cas. Et elle, qui est-elle ? Ce soir nous avons eu la plus longue conversation que nous n'avons jamais eu, avec de véritables et longues phrases. Elle est manifestement intéressée par les vampires.

C'est vrai qu'elle a un petit côté gothique dans son look, piercing et tatouages en moins, me dis-je en saluant mon collègue qui arrive. Je range mes affaires et le salue afin de rentrer chez moi. Je salue l'homme qui tient le kiosque à journaux un peu plus haut, les affaires sont de moins en moins bonnes, le marché des magazines est en baisse, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne mette la clé sous la porte, je le soutien à ma manière, lui achetant un journal chaque jour, et des magazines quand la couverture m'attire et que je pense pouvoir en tirer quelque chose. Je reste à discuter un moment, l'aidant à déballer sa livraison de journaux puis je poursuis ma route, sentant la fatigue me gagner. Je vis à l'inverse du monde, rentrant chez moi quand les autres en sortent. Je ne connais pas la sensation d'être entassé dans un bus ou le métro, il n'y a personne quand je prends le transport en commun, principalement l'hiver, le reste du temps, je préfère marcher pour m'oxygéner et m'inspirer. Attendant mon signal pour traverser une rue, je me retourne alors qu'un vieil instinct hérité de mes ancêtres, probablement quand ils se faisaient courser par des tigres à dent de sabre ou des ours alors qu'ils se cherchaient quelque chose à manger, me prévient que l'on m'observe. Je regarde les deux personnes qui attendent aussi pour traverser, avant de fouiller la rue du regard, mais je ne vois rien.

Je devrais prendre une pause d'écriture, mon cerveau commence à imaginer des choses, me dis-je en baillant.

Bien que je vive seul, je ne supporte pas le désordre. Mes chaussures sont rangées dans un placard, mes vêtements aussi. Même si personne ne vient jamais chez moi, la salle de bain est propre, il n'y a même pas une trace de dentifrice dans le lavabo. Je sors de la douche, en caleçon, mon pyjama, et vais fermer les rideaux quand j'ai encore cette impression désagréable. Le front contre la fenêtre, j'étudie chaque passant, chaque fenêtre du bâtiment en face. Le lampadaire au coin de la rue ! Mon sixième sens m'envoie une information que mon cerveau fatigué prend trop de temps à traiter, et quand mes yeux se posent sur le lampadaire du coin de la rue, il n'y a personne.

VampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant