6. Monsieur Le Chat

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Derrière la touffe d'herbes folles qui projetait ses tiges vers le ciel, Monsieur Le Chat se cachait. Avec son gros ventre bien rebondi, un pelage tigré roux et orange, il guettait le bosquet fleuri. Aplati contre le sol, seule sa large tête émergeait pour surveiller les arbustes qui dévalaient la butte. De temps en temps, ses griffes émergeaient de ses épaisses pattes de feux.

La vie de Monsieur Le Chat ressemblait à un Paradis, des gamelles toujours pleines, des colocataires sympathiques toujours prêts à le caresser, une maison de rêve avec des coussins partout pour se reposer à l'envi et surtout un jardin où de nombreuses distractions étaient à sa disposition.

Le jeu préféré du gros matou restait la chasse aux petits oiseaux, pas pour se nourrir, uniquement pour le plaisir. Il se mettait à l'affut derrière un buisson, ou un massif de fleur. Il observait la folle existence des volatiles. Puis d'un seul bond, il créait la panique au sein du peuple des piafs. Les plumes arrachées volaient dans tous les sens. Les familles étaient éparpillées aux quatre vent et les plus faibles avaient la frayeur de leur vie.

En effet, Monsieur Le Chat prenait plaisir à torturer les habitants du jardin. En véritable Tyran, il régnait en Maître sur son territoire. Les musaraignes s'enfuyaient dès qu'il apparaissait. Les taupes se terraient au fond de leur terrier. Les porc-et-piques se mettaient en boule et servaient de ballon pour le divertissement du gros félin, un amusement qui montrait son ennui. Cette récréation ne ressemblait plus à l'instinct du chasseur, mais au lent délabrement de sa condition de Chat.

Un jour où le matou était en déplacement chez le vétérinaire, les citoyens du Jardin se réunirent. Ils discutèrent sur les possibilités de lutter contre ce dictateur. Certains invoquaient qu'ils étaient trop faibles pour rivaliser contre cette force. D'autres avançaient que c'était la nature des choses qu'il était vain d'en changer les règles.

Enfin, le lièvre de Mars fit la remarque que la vie de Monsieur Le Chat n'avait rien de naturel. Les oiseaux construisent des nids, les lapins des terriers, les félins n'habitent pas des châteaux. Ils n'ont pas des domestiques pour leur servir à manger. Et qu'ils ne sont pas Roi en leur pays. Il ajouta qu'il fallait s'unir pour défendre notre existence, l'existence de tous. Après bien des palabres, les citoyens du Jardin élaborèrent un plan.

Monsieur Le Chat revint de chez le médecin et il se précipita dans le Jardin. De sa cachette, il observa les oiseaux qui s'affairaient dans les buissons. Lorsqu'il s'élança vers les volatiles, il eut une désagréable surprise. L'arbuste se mit à mouvoir. Un monstre de branchages, de griffes et de feuilles menaça le félin de le déchirer. Pris de panique, le matou s'enfuyait vers la maison la queue entre les jambes. Depuis ce jour, il ne remit plus jamais les pattes dans le Jardin.

Les habitants apprirent que contre un danger il vaut mieux s'unir.

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