La vie (Oneiros 1)

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Un souffle câlin caressait les branches frémissantes lors du passage du vent tiède. Entre les dents de la montagne, les premières raies du soleil lançaient leur dard sur le sommet des sapins. Des milliers de diamants perlaient sur la pelouse verte et grasse. Quelques timides chants d'oiseaux déroulaient leur mélodie entre les arbres éveillés en ce début de matinée.

Le faisceau solaire pointa sa lueur sur la joue de l'adolescent endormi au pied de l'arbre. La peau halée respirait les rayons lumineux. Le derme satiné reflétait des vapeurs claires et pastel comme des volutes de soie. Puis les yeux s'ouvrirent. Le regard bleu profond souriait au lever de l'astre du jour. Son compagnon s'éveilla aussi.

Comme un seul homme, ils se levèrent. En piaillant de joie, ils gambadèrent à vive allure dans le pré qui montait vers les massifs. Les enjambées volaient au-dessus des herbes encore humides. Les deux garçons effectuaient des embardées, puis reprenaient leur course vers le sommet du champ. Maintenant, le jour emplissait le paysage de sa douce lumière.

Essoufflés, ils stoppèrent à l'abri de la canopée d'un vaste chêne. Là, ils s'immobilisèrent. Puis leurs mains s'agitèrent par saccades selon un rythme intérieur. Ils pliaient les coudes, les levaient au ciel puis les laissaient tomber vers le sol. Ensuite, leurs épaules se soudèrent, dos à dos, en continuant leur danse. La transe se poursuivit avec un balancement le long du bras d'un côté puis de l'autre lors d'un basculement lent et harmonieux. A chaque retournement, leurs yeux se rencontraient et se riaient. Enfin, ils terminèrent leur jeu et recommencèrent à gravir la montagne en marchant paisiblement.

Une bruine humidifia les corps luisants des deux adolescents. Puis, elle fut suivie d'une pluie fine mouillant les cheveux longs où perlaient des gouttes d'eau au bout des mèches. Un gros orage se profila à l'horizon ; alors les garçons se réfugièrent dans une cavité contre la paroi qui conduisait à une petite grotte.

Les ailes de la nuit recouvrirent rapidement le paysage. Les réfugiés se blottirent l'un contre l'autre pour sentir plus de chaleur et pour pallier à la baisse de la température. Dehors, l'ondée redoublait d'intensité. Soudainement un miaulement déchira l'ombre silencieuse. Alors l'un des adolescents émit une sorte de ronronnement, murmurant une douce mélodie féline. Il sentit le poil humide de la tête de l'animal se frotter contre sa joue. Puis d'un seul coup la bête s'effondra contre la paroi près des garçons. Sa présence offrit une délicieuse chaleur qui endormit la compagnie bercée par la mélopée des gouttes d'eau.

Les rayons solaires saluèrent les dormeurs à travers la fente de la grotte. Tous se réveillèrent, choyés par les langues chaleureuses de l'astre matinal. Les deux adolescents remercièrent le grand matou et caressèrent le poil derrière ses oreilles pointues. Le ronronnant de contentement du félin emplit la caverne de sa mélodie envoutante.

Puis il fallut se séparer. Les garçons gravirent le sentier qui conduisait vers les sommets de la montagne et le gros chat chemina vers la vallée. L'un des adolescents se retourna, l'animal stoppa et émit un miaulement, puis chacun marcha vers sa destination.

Après une épopée de quinze jours, les voici à la cime du mont, transis, fatigués et émerveillés. Assis sur le roc, ils admirèrent l'incroyable panorama qui s'étalait devant eux ; des rochers à perte de vue, des nuages accrochés aux pics. L'expérience époustouflante les souda à jamais.

Avant que la nuit ne tombasse, l'un des garçons se jeta sur le dos de l'autre puis ils s'élancèrent par-dessus la falaise. Portant son ami sur ses épaules, écartant les bras comme des ailes, l'adolescent se mit à planer dans les airs. Ils atterrirent au bord d'une clairière où ils s'endormirent. La rivière chanta sa romance cristalline le long de la nuit berçant les deux adolescents dans leur sommeil empli de songes. Les étoiles poursuivirent leur sentier sombre dans la Voie Lactée jusqu'au lever du jour.

Aupetit matin, les deux garçons s'avancèrent vers l'entrée du village. Main dansla main, ils marchèrent de concert. Les villageois créèrent une allée d'honneuret jetèrent des pétales de fleurs lors de leur passage. Le chemin les conduisitvers leur nouvelle demeure. Puis ils franchirent ensemble le seuil de leurmaison et ainsi prirent place au sein de la communauté.

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