Sous les étoiles scintillantes, le murmure du vent flottait dans les branches de la vaste forêt. La Voie Lactée déversait son écume de lait dans le ciel sombre percé de pointes lumineuses. L'air cristallin emplissait la vallée de son souffle nocturne. Lentement au-dessus des monts enneigés se dressait un fin croissant de lune timide. Au loin, le chuchotement d'une rivière vive dévalait joyeusement le lit pierreux.
« Grande-Ma, peux-tu me conter le Grand Chant des Temps Immémoriaux. »
« Petit, tu devrais te reposer la nuit vient de commencer. »
« Grande-Ma, je n'ai pas encore sommeil. »
Le silence emplit quelque instant la vallée puis un doux murmure se leva.
« Bon, je vais te narrer une partie de notre Histoire. Il a fallu des millénaires pour écrire cette épopée. Nombreux anciens ont consacré leur existence à se remémorer ce passé. Une myriade de cycles pour que le chant soit complet.
Tout débuta, il y a des millénaires. Comment cela est arrivé, nous ne le comprenons pas vraiment. Tout ce que nous savons, c'est que cette époque est chère à nos cœurs car elle nous guide à présent afin de ne pas refaire les erreurs du passé. Naturellement, l'Histoire des Hommes débuta longtemps avant ces événements. Des millions d'années s'écoulèrent avant qu'un phénomène nouveau arriva. La découverte du feu fut un des plus importants éléments de l'Humanité.
Cependant, ce qui changea l'histoire des Hommes demeura l'invention du stockage. Du grenier découla tout le reste. Il permit de rassembler en un seul endroit une quantité de plus en plus importante de nourriture. En plus, il concentra entre les mains d'une poignée d'individus une grande puissance. Cette innovation permit d'augmenter la population qui abandonna le nomadisme pour se sédentariser, et sa concentration développa une nouvelle structure : la cité.
L'organisation politique découla de la création de la ville. L'agglomération de plus en plus d'entités urbaines engendra des empires. Ces derniers s'étendirent, prospérèrent puis s'effondrèrent. La technique se développa et ces royaumes devinrent de plus en plus sophistiqués. Au fil du temps, les cités s'étendirent absorbant de plus en plus de richesses, de terrains et de ressources.
L'Homme était devenu une entité assez curieuse. En ce temps-là, les échanges s'effectuaient avec un intermédiaire appelé monnaie. Pour manger, pour boire, pour dormir, pour marcher, il fallait en avoir. Il y avait un prix pour toute chose et ceux qui en possédaient assez achetaient beaucoup et ceux qui en étaient dépourvus mourraient. Chose assez curieuse que l'argent ! Une sorte de divinité probablement, nous n'en avons pas la certitude.
A cette époque, les Hommes avaient une tradition étrange au solstice d'hiver. Ils sacrifiaient un pin. Au début, ils coupaient un sapin qu'ils honoraient dans un temple dédié à la Grande-Mère. Puis avec le temps, chaque homme en désirait un dans son foyer. En quand venait l'hiver, des millions de sapin étaient sacrifiés à ce rite... »
Brrr, brrr frissonna Petit.
« Puis les arbres artificiels remplacèrent cette tradition barbare. »
« Dis Grand-Ma, coupa Petit. Ceci est une légende. Personne de sain d'esprit ne couperait autant d'êtres vivants ! C'est de la cruauté ! »
« N'aies crainte ! Les hommes ont disparu de la surface terrestre. »
« Comment cela ? » demanda Petit.
« Les activités humaines dégradèrent de plus en plus la Terre. La pollution souilla les airs, les mers et les sols. La nourriture se raréfia entrainant la mort de millions de personnes. Les maladies emportèrent une autre partie. Puis lorsque les animaux et les poissons commencèrent à disparaître, ils entrainèrent l'humanité dans leur chute. A cause de l'atmosphère toxique, presque toutes les espèces disparurent, sauf quelques insectes et végétaux qui survécurent à cette extinction.
Des milliers de cycles solaires furent nécessaires pour que les plantes épurent l'air. Finalement, nous autres les arbres recouvrîmes le sol de nos racines, de nos troncs et de nos branches. Nous devînmes l'espèce dominante de la Terre. Nous chérissons et honorons l'humanité en notre sein. Les Géants Anciens, les Grands Sequoias survivants du changement climatique, nous transmirent l'épopée des Hommes. Cette histoire nous sert à nous remémorer les erreurs du passé et à ne pas les commettre. »
« Nous chérissons et honorons... » murmura Petit.
« Dors bien, Petit arbre... et fais de grand songe » déclara Grande-Ma.
De nouveau le calme des prairies pénétra jusqu'à Grande-Ma veillant sur les siens et elle entendit bruire la forêt sous l'immensité du Ciel. Le sommeil profond des végétaux embaumait d'une brume féérique le sol humide.
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Contes et Nouvelles de la Terre
FantasyPublication de contes d'un autres au-delà. Toute ressemblance avec notre propre univers serait fortuite, pure coïncidence. Quoique !