Au commencement était le songe, et le songe était la vie !
Et la vie s'appuyait sur le songe et se déployait dans l'Univers.
Le songe d'horizons nouveaux.
L'homme, les bras écartés telles des ailes, s'élançait du sommet d'un promontoire qui dominait des canyons et le vaste paysage verdoyant. Le vent lui caressait la peau, gonflait sa chemise légère et le claquement du tissu rythmait la chute.
Singulièrement le corps pesait comme une bulle, flottant sur les airs, planant tel un oiseau au-dessus de la terre. Etonnement il possédait un certain poids qui l'attirait vers le sol. L'aéronaute éprouvait une sensation de liberté, comme si le poids de la chair avait disparu, comme si son esprit se libérait des contraintes physiques.
Et l'homme planait entre les parois d'un canyon. Sa main droite frôlait la roche et ses ongles griffaient le roc friable, la poussière s'envolant à son passage. Puis la pression de l'air qui se faisait plus dense l'attirait vers le fond du vallon. Le défilé débouchait sur une vaste vallée. Une lumière spectrale émanait des pierres de telle sorte que les ombres semblaient effacées.
Lentement, le corps se détendait et faisait une pirouette dans les airs pour se poser sur la première marche d'un long escalier se perdant vers l'infini. De chaque côté sur le sol s'ensablaient des miroirs de toutes formes et de toutes grandeurs. Des ombres se projetaient sur leurs surfaces.
Alors l'homme se penchait sur la première psyché et y observait la naissance d'un enfant. En détaillant bien la scène, il reconnaissait sous les traits tirés de la femme, sa propre mère. Elle paraissait épuisée et il comprenait qu'il assistait à sa propre naissance. Il se voyait jouant dans un bac à sable avec d'autres enfants dont il ne se souvenait pas. Il observait sa mère telle qu'il ne la connaissait pas.
En montant quelques marches, l'homme apercevait d'autres reflets de son existence. Lorsqu'il atteignait son adolescence, il découvrait des scènes de sa vie qu'il n'avait jamais vécues. Fasciné, il regardait d'autres histoires de lui, des chemins qu'il n'avait pas empruntés. Tous les choix écartés s'étalaient devant lui, en autant de nœuds que de choix réalisables le long de sa destinée, échoués tels des navires sur le sable du temps, abandonnés mais toujours en attente.
Dans cette vallée, les milliards de miroirs représentaient tous les potentiels que promettait son existence et qu'il n'avait jamais expérimenté. Et chacun d'eux dévoilait d'autres possibles qui débouchaient vers d'autres choix. Toute cette infinité de contingences enfuie dans les méandres du temps donnait le vertige.
L'homme contemplait avec attention chacune des vies non-réalisées puis il s'apercevait qu'à chaque fois qu'il gravissait un échelon il en acquérait la trame automatiquement. Alors il grimpait avec frénésie l'escalier incorporant chaque existence abandonnée à cause de ses choix. Puis, il enjambait deux marches à la fois, puis il essayait d'en franchir trois. Infinies semblaient ces milliards de milliards de vies qui ne furent pas la sienne.
Pendant sa course déchaînée, il trébuchait, épuisé par tant d'existences. Les larmes perlaient sur ses joues.
Tic-Tac, Tic-Tac, Tic-Tac formaient l'horloge de l'existence, naître, vivre, et mourir.
Tic-Tac, Tic-Tac, Tic-Tac formaient l'horloge de l'existence, naître, vivre, et mourir.
Tic-Tac, Tic-Tac, Tic-Tac formaient l'horloge de l'existence, naître, vivre, et mourir.
Furieux, l'homme s'insurgeait « naître, vivre et mourir. Qu'est-ce que cela veut dire ? » Puis il s'effondrait. Après il se relevait et il répondait à sa propre question « les humains ne savent pas ce qu'est être vivant ». Alors, il reprenait l'escalade des existences non réalisées et tout lui fut clair. Il était lui, mais aussi cet escalier, l'ensemble des miroirs. Oui ! il était tout ce qui existait, du moindre microbe jusqu'aux galaxies, et tous les univers réalisés ou non réalisés.
Il se sentait la pierre, les herbes qui poussaient autour de celle-ci et le vent qui caressait les brins verts. Il entendait le chant inconsolable des misères humaines, la détresse des animaux chassés, la joie des oiseaux amoureux. Et il comprenait que tout cela était lui, qu'il s'appelait lui-même en voulant attirer son attention sur ce qu'est : exister.
L'homme faisait l'expérience de la vie en dehors des contraintes du temps. Il n'échappait pas à la temporalité mais il ne vivait plus dans l'espace restreint de l'ici et maintenant, il discernait toutes les étendues du temps. Il ne vivait plus seulement sa petite vie étriquée mais il rayonnait dans toutes les dimensions à la fois. Il se sentait pour la première fois unifié, car tout est UN.
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Contes et Nouvelles de la Terre
FantasyPublication de contes d'un autres au-delà. Toute ressemblance avec notre propre univers serait fortuite, pure coïncidence. Quoique !