9. Meurtres

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Sous une pluie battante, l'inspecteur Harry se pencha sur le cadavre. L'enfant, de sexe masculin, semblait dormir contre le mur gris. Seul un poignard enfoncé en plein cœur montrait qu'il avait été assassiné. Des gouttelettes d'eau formaient une sorte de masque lumineux sur le visage de la victime. Le policier regarda autour de lui et interrogea un des agents :

« Comment est-il possible qu'il n'y ait pas de témoins du meurtre ? Cette rue est très fréquentée ! »

« En effet. » répondit l'interpellé.

« Que savez-vous sur la victime ? »

L'auxiliaire lui tendit une pochette en plastique transparent qui contenait les effets personnels de la victime. Il n'y avait pas grand-chose : une carte d'identité, un ticket de tram et quelques billets.

« Le garçon s'appelle Luc Looryu, nationalité helvétique, né à Genève. Il habitait notre cité. Par contre, la pièce d'identité doit être fausse. »

« Qu'est-ce qui vous fait penser ceci ? »

« La date de naissance est farfelue, elle indique qu'il serait né dans une semaine, cette année. »

Dubitatif, il vérifia l'information.

« Quel intérêt de créer une fausse carte d'identité en insérant une fausse date de naissance détectable du premier coup d'œil ? »

L'ambulance transporta le corps à la morgue. En attendant l'autopsie, l'inspecteur Harry débuta sa recherche en répertoriant les homonymes. Il fut surpris de trouver une liste de douze noms identiques, tous décédés. Vu que le nom de famille n'était pas commun dans la région, il se renseigna sur les actes de naissance. Il fut assez déconcerté lorsqu'il ne trouva aucune naissance à ce nom.

Comment une personne pouvait-elle décéder et ne pas avoir d'acte de naissance ? Il élargit sa recherche à l'ensemble de la confédération, et ce fut le même résultat. Cette affaire lui apparut un peu étrange. Il consulta alors les décès pour trouver des similitudes. A part une mort naturelle, les onze autres décédèrent de façon violente : un suicide, trois accidents et des meurtres. L'inspecteur se concentra sur les lieux des trépas qui se répartissaient dans l'ensemble du territoire. Le mystère ne voulait pas se laisser apprivoiser. Il se focalisa sur la plus proche destination : le cimetière de Plainpalais, rue des rois à Genève.

Sous un ciel gris et un vent glacial, Harris longeait les allées de tombes à la recherche de son client. Il trouva une tombe défraichie. Il se pencha pour lire l'inscription lapidaire :

« Luc Looryu, mort à l'âge honorable de 103 ans. »

Ces informations ne lui apprenaient pas grand-chose. Il prolongea sa promenade jusqu'à la morgue. Le Docteur Heinz le reçu avec enthousiasme. Ils avaient presque débuté leur carrière à la même date, chacun dans sa spécialité. Le médecin légiste serra la main de l'inspecteur et débita son rapport :

« La victime de sexe masculin a été poignardée d'un seul coup directement dans le cœur. Vu l'angle de l'attaque, le coup a été porté par un homme d'une taille plus grande. Il n'y a pas eu de violence. Le meurtre a été commis sur place vers les 11h30 du matin. »

« Que dit la séquence d'ADN ? »

« Eh bien, j'ai comparé l'échantillon à notre base et nous avons une correspondance. Le résultat est un peu étrange. »

« Que voulez-vous dire ? »

« L'ADN correspond à 100% à une autre victime décédée à Bern l'année passée. Ce qui est peu probable puisque la personne assassinée avait une trentaine d'année. »

« Quel était son nom ? »

« Là aussi, la coïncidence est étonnante, l'homme se nommait Luc Looryu. »

« Cela ne m'étonne pas. J'ai trouvé douze occurrences de ces personnages, tous décédés. Je viens de me rendre sur la tombe d'une personne du même nom, elle serait morte à l'âge de 103 ans. Je vais réclamer un permis d'inhumation pour ce corps afin de comparer l'ADN. »

« Je me tiens prêt pour l'autopsie. »

Quelques jours s'écoulèrent avant le coup de fil du médecin légiste.

« Harry, j'ai le résultat de l'échantillonnage ADN. Il correspond à 100% à celui de la jeune victime et à celui du trentenaire. Je ne sais pas ce qui se passe mais nous avons sur les bras trois personnes avec le même ADN, ce qui est inhabituel. »

« Je vois » répondit l'inspecteur. Il raccrocha le téléphone.

Il s'enfonça profondément dans le fauteuil jetant sa tête en arrière. Ses yeux observèrent le plafond. Pris d'une intuition, il reprit le sachet en plastique et il consulta la carte d'identité. Son regard s'arrêta à la date du jour. Alors, ce soi-disant Luc Looryu doit naître aujourd'hui. Il se leva d'un bond et fit la tournée des maternités de la ville.

Au bout de la cinquième, une infirmière lui annonça bien la naissance d'un garçon à ce nom. Alors l'inspecteur voulut rencontrer la mère. Elle lui répondit que sur les papiers l'enfant était né de parents inconnus. Alors il insista pour voir le bébé. Elle l'accompagna jusqu'à la pouponnière. Elle fut terrassée d'horreur lorsqu'elle aperçut un homme portant un énorme couteau penché sur le nouveau-né. En les voyant surgir, le personnage eut une hésitation, ce qui fut suffisant pour qu'Harry puisse le déséquilibrer et le plaquer à terre. Alors il remarqua que le poignard s'était figé dans le ventre de l'agresseur. Il commanda à l'infirmière d'aller chercher un médecin d'urgence. Puis il se tourna vers l'homme et lui demanda :

« Qui êtes-vous ? »

« Luc Looryu »

« Pourquoi voulez-vous tuer ce bébé ? »

Il répondit cette phrase énigmatique : « Il ne peut y en avoir qu'un. » Sur ce, il mourut.

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