Le soleil offrait une abondance de rayons sur le jeune homme à la chevelure fine et blonde qui s'envolait sous l'action de la brise estivale. Revêtu d'un boléro en indigo délavé, il arborait une chemise légère avec des papillons multicolores et un pantalon à la teinte vert pastel. Son visage semblait avoir vécu mille aventures, son corps dansait sous sa démarche lente. Il s'avança au poste de douane. Le contrôleur lui réclama ses papiers. L'adolescent formula la réponse suivante :
« Des papiers ! Ce n'est pas nécessaire ! Circulez ! »
Le policier débita la même phrase et le jeune homme passa sans vérification. Il s'intéressa aux panneaux d'affichage. Il repéra le premier vol en partance pour la Capitale. Une annonce fut faite pour indiquer que les derniers voyageurs pour cet avion étaient priés de se présenter rapidement à la porte d'embarquement 3. Shân avança vers l'hôtesse qui lui demanda ses documents de vol. L'adolescent formula la réponse suivante :
« Des documents de vol ! Ce n'est pas nécessaire ! Avancez ! »
Elle débita la même phrase et le jeune homme embarqua dans l'avion. Il se reposa sur un siège vacant en classe business. Il reçut toutes les prestations de qualité dues à cette catégorie. Le vol se déroula sans incident jusqu'à la capitale. Il descendit tranquillement de l'appareil et se dirigea vers les transports en commun. Il s'arrêta devant une carte indiquant les trajets des bus et du métro. Il s'engouffra dans la bouche du métropolitain. A la borne d'entrée, il passa la paume de sa main sur le détecteur et les deux battants le laissèrent passer.
Shân sortit à la station souhaitée. Il monta à la surface et se retrouva en centre d'une grande esplanade. En face de lui se dressaient des gratte-ciels en verre qui défiaient l'azur. Il se retourna et découvrit un petit restaurant avec une terrasse. Il s'installa à une table. Le serveur s'enquit de ses désirs et Shân commanda un encas et une bouteille d'eau minérale. Il déjeuna doucement en contemplant la vie trépidante de la Capitale. Comme le restaurant était plein, un homme demanda s'il pouvait profiter de la place libre à ses côtés. Shân acquiesça. Le convive débita toute sa vie, tous ses malheurs et tous ses déboires. L'adolescent l'écouta avec attention. Lorsque le serveur lui adressa l'addition l'homme proposa de lui offrir son repas. Il accepta. Puis ce fut le moment de la séparation, alors Shân formula la phrase suivante :
« Continuer une existence pareille est-ce vraiment nécessaire ? » Et il ajouta « Vivez ! »
L'homme eut un moment d'hésitation. Il répéta mentalement la question puis il déposa sa mallette professionnelle, sa cravate et sa veste noire dans une poubelle. Il partit le sourire aux lèvres.
Shân se leva puis tira de sa poche un petit appareil photo, une sorte de longue règle fine, large de deux centimètres environ. Il effectua quelques pas, se retourna et prit un cliché du restaurant. Au bout d'une seconde, un tirage papier se mit à sortir de l'instrument. Négligemment, il le déposa sur une table. Étrangement l'impression offrait une vue différente. L'établissement semblait crouler sous le poids de la végétation. Les fenêtres éventrées laissaient dépasser des branches qui envahissaient les salles de leurs longs bras feuillus ; des fleurs multicolores formaient des taches joyeuses contre le mur.
Sans se soucier du cliché, le jeune homme traversa l'esplanade pour entrer à l'intérieur d'un gratte-ciel. La vaste salle d'accueil écrasait les visiteurs par sa hauteur et par son vide. Shân s'approcha d'un portillon qui menait aux ascenseurs. Il posa sa main sur le détecteur de carte magnétique qui ouvrit automatiquement les deux battants. Le vigile eut un moment d'hésitation en essayant d'analyser en vain la scène. A point nommé son attention fut attirée par un autre évènement.
L'élévateur conduisit Shân à l'avant-dernier étage. Il se dirigea de façon naturelle vers le bureau d'accueil. La secrétaire engagea la conversation sans qu'il se présente :
«Vous devez être l'expert. Vous n'êtes pas trop en retard. Le conseil d'administration a déjà commencé la réunion. Je conseille de vous glisser de façon discrète à l'intérieur de la salle, de vous assoir et d'attendre que le président vous interroge. »
L'homme suivit les instructions à la lettre. Les intervenants discutaient de l'opportunité d'exploiter une mine près d'un village montagneux. Ils conféraient sur les moyens d'expulser les villageois afin de rentabiliser au maximum les profits. Ils inventaient des procédures pour que ces expropriations soient les moins coûteuses possibles pour la société. Ils se mirent d'accord de refiler le problème à l'Etat pour chasser les gens de leurs terres. Alors le Président demanda :
« Est-ce que les premières analyses du sol démontrent que le projet est rentable ? Est-ce que la mine est aussi riche que le prévoient les satellites ? Devons-nous lancer cette opération d'exploitation ? »
Le conseil d'administration se retourna vers Shân. Ce dernier formula la réponse suivante :
« Lancer l'exploitation de cette mine ! Ce n'est pas nécessaire ! Le coût est excessivement élevé ! »
Le président débita les mêmes phrases et l'abandon du projet fut prononcé. La réunion fut close et les administrateurs passèrent à d'autres objectifs. Shân reprit la direction des ascenseurs. Au rez-de-chaussée, il fut interpelé par un individu :
« Excusez-moi, je m'appelle Robert Georges. Je suis mandaté pour délivrer une expertise sur une mine près d'un village montagnard. Pouvez-vous m'indiquer où se trouve la réunion ? »
Shân répondit alors :
« Ce n'est pas nécessaire ! La réunion a déjà eu lieu. Le conseil d'administration a décidé d'abandonner le projet. »
« Dommage car la mine était fort rentable. » s'exclama l'expert.
« Dommage que la mine ne soit pas rentable. » rectifia le jeune homme.
L'expert répéta la même phrase avant de sortir du bâtiment.
Lorsque Shân se retrouva à l'extérieur, il prit une nouvelle photo. L'impression montrait une esplanade où les gratte-ciels étaient étripés, les verres brisés. La végétation grimpait le long des parois. Tout semblait à l'abandon. Le jeune homme glissa le tirage dans la mallette du Président qui passait par là.
Au bout d'un jour, le voyageur-errant Shân arriva dans le village près de la montagne. Les villageois attendaient avec anxiété son retour. Alors il déclara :
« J'ai rencontré le Conseil d'Administration de la société. Il abandonne le projet d'exploitation de la mine et les gens ne seront pas expulsés de leur habitation. »
Les ruraux demandèrent de décrire la ville.
« Je n'ai vu que ruines et désolations. Ils vivent dans des conditions inhumaines, pas étonnant qu'ils veulent détruire la nature. »
Les habitants semblaient très surpris. Alors il leur demanda :
« Accéderez-vous à ma requête ? »
« Hélas, ce n'est pas possible ! » répondirent les villageois.
« Prenez soins des forêts, des lacs et de la faune. Et nous serons quitte » déclara l'adolescent.
Puis Shân l'errant reprit son long voyage.
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Contes et Nouvelles de la Terre
FantasyPublication de contes d'un autres au-delà. Toute ressemblance avec notre propre univers serait fortuite, pure coïncidence. Quoique !