𝐋'𝐚𝐦𝐨𝐮𝐫 𝐞𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐥𝐚𝐧𝐠𝐮𝐞𝐬 | 𝐁𝐚𝐣𝐢 𝐱 𝐑𝐞𝐚𝐝𝐞𝐫

Chapitre 44

Point de vue de T/p

J'ai raconté ça dans le plus grand des calmes. En apparence, on pourrait croire que je suis complètement détachée de ce que j'ai pu vivre. Mais en réalité, ça m'a profondément traumatisée. Encore aujourd'hui, il m'arrive d'en faire des cauchemars.

Les garçons ont tous les trois, sans exception, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés. Ils ne s'attendaient absolument pas à une telle histoire. C'est Takemichi qui se lance, au bout de plusieurs minutes de silence.

Takemichi : Pourquoi il ne l'a pas quitté, si ton frère était violent avec lui ?

Moi : C'était plus compliqué que ça. Louison l'aimait, passionnément. Mon frère le manipulait, il le faisait souffrir. Il lui rentrait dans le crâne tous les jours que sans lui, il serait malheureux. Et que tout ce qu'il lui faisait, c'était la preuve qu'il l'aimait aussi.

Je les observe, Baji réfléchit intensément, ça se lit sur son visage. Takemichi est effrayé et nerveux, il sursaute dès que mon chat fait du bruit, comme si c'était Gabriel qui rentrait dans l'appartement. Quant à Chifuyu, il n'est pas dans son assiette. Il doit penser au fait que Justin essaie de le caser avec lui. Il est sûrement terrifié, à l'intérieur.

Moi : Il en a eu un autre juste après Louison. Liam n'a tenu qu'un mois, avant de se faire interner à l'hôpital psychiatrique. Il était devenu fou.

Baji : Et Justin ne disait rien ?

Moi : Il n'était au courant de rien. Et moi... Je n'ai jamais eu le courage de lui dire... J'étais pétrifiée en imaginant la réaction de Gabriel.

Takemichi : T'étais jeune, c'est normal que tu n'aies pas osé...

Je me lève sur le coup. Piquée par une vague de colère, je serre les poings. Le brun s'est aussi mis debout afin de me dissuader de frapper celui qui a pris la parole. Je me rasseois et fais de mon mieux pour ne pas lui crier dessus.

Moi : Un mec est mort parce que je n'ai pas eu les couilles d'en parler !

Baji : T/p. Tu ne savais même pas ce qu'ils faisaient. Tu croyais qu'ils jouaient. Tu n'en avais pas conscience, alors ne commence pas à te rejeter la faute dessus.

Je ferme les paupières un instant, le temps de souffler. J'ai refoulé ces souvenirs depuis mon arrivée au Japon. Ils reviennent tous brusquement, c'est horrible. Toutes ces images, ces voix, toute cette détresse... Je prends une grande inspiration en redressant mon buste contre le dossier.

Moi : J'ai fini par le savoir, au bout du quatrième. Une année s'était écoulée depuis Louison. La porte était entrouverte, j'ai tout vu.

Baji : Tout ? C'est-à-dire ?

Moi : Ne m'oblige pas à détailler.

Baji : Pourquoi tu n'es pas partie ?

Moi : J'étais figée, mes jambes ne voulaient plus bouger. Quand le regard du garçon qui avait le visage en sang a croisé le mien, je me souviens avoir mis mon doigt sur ma bouche pour lui dire de se taire. J'avais peur que Gabriel me repère. Mais il a murmuré mon prénom en me suppliant de l'aider. Je me suis réfugiée dans ma chambre, les écouteurs dans les oreilles pour que mon frère ne me crame pas.

Baji : Il a dû s'en rendre compte, que tu l'avais espionné. Il t'a fait quoi ensuite ?

Moi : À moi ? Rien. Il a cru que le gars délirait, j'ai entendu un cri. Je l'ai aperçu le jour d'après, il avait un plâtre au bras.

Baji : Ça va encore plus loin que ce que j'imaginais...

Moi : Je suis sûre que tu ne pensais pas que j'étais sa complice, en quelque sorte. Alors ? Tu penses toujours que j'étais inconsciente ? Que ce n'était pas aussi de ma faute ?