Chapitre 2

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Après environ une heure et demie à dormir comme une marmotte, j'entends ma mère rentrer du travail. La porte d'entrée claque, ses talons griffent le parquet et son parfum envahit peu à peu la maison. Encore à moitié au pays des rêves je me redresse doucement et viens l'enlacer par derrière. Je fourre ma tête dans son cou et respire son odeur à plein poumon. Elle se retourne et dépose un bisou sur ma tempe.

- Coucou maman, ça s'est bien passé au travail aujourd'hui ? Marmonnais-je, d'une petite voix endormie.

- Oui, oui, ça va, j'ai eu beaucoup de patients, mais la journée est passée assez vite. Et toi ? Demande-t-elle en passant sa main dans mes cheveux légèrement ébouriffés à cause de ma micro sieste.

- Ça va, comme d'habitude quoi, une journée de plus au lycée rien de bien palpitant ! J'ai juste fait un petit malaise en rentrant à la maison tout à l'heure.

Je vois ses jolis sourcils se froncer d'inquiétude, avant qu'elle ne puisse ouvrir la bouche, je me dépêche de la rassurer en lui disant que tout vas bien et que je n'ai rien.

- Tu aurais dû m'appeler Iris. Me gronde-t-elle doucement.
- Je n'ai rien maman, je te promets, ça devait juste être un peu d'hypoglycémie, j'ai mangé une barre de céréale en rentrant et regarde je vais beaucoup mieux, il n'y a pas de quoi s'inquiéter.
- Tout de même, je devrais peut-être te prendre la tension. Insiste-t-elle soucieuse.

Je lève les yeux au ciel en rigolant.
- Je ne suis pas une de tes patientes mamans, je vais bien.
Elle sourit et semble se détendre légèrement.
- Tu as raison excuse-moi. Déformation professionnelle, je suppose. Rigole-t-elle finalement.

Ma mère est médecin et a son propre cabinet. C'est un travail très prenant et elle rentre souvent tard, mais c'est une maman géniale. Elle a toujours été là pour moi et me gâte plus que je ne le mérite. Elle tient à la fois le rôle d'épouse, de mère, d'amie et de confidente dans cette maison. Une vraie perle. Nous avons toujours été très proches, je ne lui ai jamais rien caché, elle sait tout de moi. C'est mon pilier, c'est à elle que je me raccroche quand ça ne va pas. Les enfants normaux se détachent de leurs parents et souvent rentre en conflit avec eux au moment de l'adolescence. C'est une histoire d'émancipation ou quelque chose comme ça si je me souviens bien de ce que m'a dit mon psy. Moi au contraire, je me suis encore plus rapproché de mes géniteurs et de ma mère en particulier. Encore une fois au lieu de faire comme tout le monde je fais l'inverse, à croire qu'il y a vraiment un truc qui ne tourne pas rond chez moi. En-tout-cas pour une fois, je ne m'en plains pas, j'adore ma relation avec ma mère et en aucun cas je ne voudrais l'échanger contre les relations conflictuelles, dites « normales » à notre âge, que mes amies ont avec les leurs. Elle est peut-être un brin surprotectrice, mais je l'aime comme ça.

Quand je me suis assurée qu'elle n'a pas besoin de moi, je monte vite faire mes devoirs pendant qu'elle prépare le dîner. Ayant assez vite terminé, je décide d'aller me doucher. En arrivant dans la salle de bain, j'entreprends d'enlever toutes les épingles retenant mon épaisse chevelure dans mon chignon serré. Ainsi libéré elle cascade le long de mon dos s'arrêtant juste au-dessus de mes fesses. Je masse mon crâne endolori puis tout en savourant la sensation d'avoir enfin les cheveux lâchés, je rentre dans la douche et allume le jet d'eau.
Soudain, un bruit sec venant de ma fenêtre attire mon attention. En me penchant un peu je m'aperçois qu'un aigle (oui oui un aigle vous avez bien entendu) donne des petits coups de bec sur la vitre. Je l'observe un instant ébahi puis retourne sous l'eau chaude. Un aigle en France ! On a bien quelques rapaces, c'est vrai, mais des aigles ! Il a dû s'échapper d'un zoo, je ne vois que ça. Le bruit continu pendant un moment puis se stoppe. Quelques secondes plus tard il reprend avec beaucoup plus d'intensité, si bien que je crains que la vitre ne se brise. Surprise, j'attrape une serviette et sors de la douche. Je m'approche rapidement de la fenêtre, l'aigle est toujours là, mais cette fois-ci il a une grosse pierre dans le bec. C'est sans doute pour ça que le son a été amplifié à ce point. Depuis quand les oiseaux se mettent à vouloir casser des vitres ! Je m'avance encore un peu de l'embrasure mais le volatile ne bouge pas. J'ouvre donc tout doucement le battant pour essayer de lui faire peur et de le déloger, mais il ne bronche pas. M'approchant de lui, je remarque qu'il a une chaîne en or autour du cou ainsi qu'un petit parchemin attaché à la patte. Éberluée, je me penche doucement vers lui pas très rassuré, il est énorme et pourrait sans aucun doute me crever les yeux et me lacérer le visage vu la taille de ses serres. Il me fixe sans ciller en penchant légèrement la tête sur le côté, on dirait qu'il se demande ce que j'attends, il n'a pas l'air méchant. Je tends la main lentement puis attrape ces étranges objets, sans que l'oiseau ne bouge d'un poil ou plutôt d'une plume... Bon ok, je me suis inquiété pour rien, il n'est clairement pas sauvage. Je me recule tout de même par précaution.
Sur le parchemin, je peux déchiffrer :

« Cela fait maintenant longtemps que je te connais Iris et je t'apprécie beaucoup alors je t'offre ce petit cadeau qui j'espère te plaira. »

J'ai beau tourner le bout de papier dans tous les sens, je ne vois aucune signature. Ok !! Bon ben, ce n'est pas grave, on fera avec hein ! C'est la première fois de ma vie que j'ai un admirateur alors je ne vais pas me plaindre. De plus, cette chaîne est vraiment très belle. Je ne sais pas si c'est véritablement de l'or, mais en tout cas ça en a la couleur.
Je la prends et la mets, elle est très légère je ne la sens presque pas. Je m'admire un moment dans le miroir mais tout à coup, je sens un étrange picotement au niveau de ma poitrine. Je me gratte mais la sensation ne part pas, au contraire elle s'intensifie. Je commence à me demander ce qu'il se passe quand une lumière aveuglante jaillie du nouveau collier qui repose délicatement entre mes clavicules. La dernière pensée que j'ai avant de sombrer dans le néant est que mon premier admirateur secret aime piéger ses cadeaux, juste génial !!

Je suis réveillée par une douleur aiguë qui apparemment se situe au niveau de ma joue droite. En ouvrant une paupière je constate que je suis allongée sur le carrelage de la salle de bain. Et, apriori, ma mère me met des claques (Je pense pouvoir dire en toute sincérité que ça n'est pas mon meilleur réveil !!). Je saisis sa main au vol avant d'en prendre une autre !

- Euh maman, tu peux arrêter de me mettre des claques s'il te plaît au cas où tu n'aurais pas vu, je suis réveillée !

- Oh pardon ma chérie, mais tu m'as fait une de ces peurs.

Tu m'étonnes John ! Ce n'est pas tous les jours que tu retrouves ta fille évanouie dans la salle de bain ?!

- Iris, mais qu'est-ce qui s'est passé, enfin ?!

- Rien ne t'inquiète pas.

- Ne me dis pas rien, je t'ai retrouvée inconsciente dans la salle de bain, il s'est forcément passé quelque chose ?! Tu as glissé ? Tu t'es entravée ? C'est lié à ton malaise de tout à l'heure ? Tu es malade ?

Voyant qu'elle ne me lâcherait pas tant que je ne lui aurais pas tout dis. J'entreprends de lui raconter ma petite histoire d'aigle domestique. Quand j'ai terminé, elle me demande :

- Montre-le-moi ton collier piégé.

- Euh... Ben... Là. Dis-je en désignant la chaîne encore autour de mon cou

- Où ça là ?

- Ben autour de mon cou, tu ne le vois pas ?

- Ma chérie, tu n'as rien autour du cou.

- Mais si, regarde ! Je prends ma petite chaîne entre mes mains et lui colle sous le nez.

- Écoute ma chérie, je pense que tu as dû te cogner la tête un peu fort. Je t'assure, tu n'as absolument rien autour du cou, réplique-t-elle plus fermement.

Je ne sais pas quoi répondre à ça, j'ai pourtant belle et bien la chaîne autour du cou mais ma mère semble ne vraiment pas la voir. Je ne comprends pas. Je décide de ne pas continuer à batailler pour le moment. De toute façon, ça n'est pas très grave, après tout ce n'est qu'un collier. J'ai peut-être refait un simple malaise...
Finalement, je lui demande de me laisser pour pouvoir enfin prendre ma douche. Elle hésite quelques secondes, puis sort de la salle de bain. Enfin seule, je me glisse sous le jet d'eau chaude et réfléchis à ce qui vient de se passer. C'est vrai que vu de l'extérieur, mon histoire ne doit pas paraître très crédible.
Tout ça m'a épuisée. Je me dépêche de rincer le reste de shampoing qu'il y a encore sur le haut de mon crâne puis sors de la douche. Une fois prête, je descends pour donner un coup de main à ma mère. Pendant que je mets le couvert, je la vois me jeter des petits coups d'œil furtifs, elle doit vraiment me prendre pour une folle.
Nous mangeons en silence étant donné que mon père est en déplacement, il n'y a personne pour faire diversion. Et comme, à mon avis ma génitrice est en train de se demander dans quel asile de fous elle va bien pouvoir m'envoyer, l'ambiance est pour le moins tendue.
Après ce petit repas qu'on pourrait qualifier de plutôt silencieux, je décide d'aller me coucher, fatiguée. J'ai vraiment dû être une sacrée garce dans ma vie antérieure pour avoir un karma pareil !

Je fixe le plafond de ma chambre sans arriver à trouver le sommeil. Pourquoi réagit-elle comme ça ? C'est vrai quoi, même si j'ai tout imaginé ça n'est pas non plus la fin du monde ! Pourtant, j'ai l'impression que quelque chose cloche. Elle n'a pas arrêté de me regarder avec un air totalement désespéré balançant entre l'inquiet et le triste, j'ai même cru voir un éclat de douleur à un moment. Ça ne lui ressemble pas. À l'inverse de moi, quand ma mère a quelque chose à dire, elle le dit, elle ne le garde pas pour elle. J'ai essayé de relancer la conversation sur ce sujet pour qu'on en parle, mais elle c'est complétement renfermer pas moyen de lui tirer un mot. D'habitude je peux tout lui dire, tout lui confier, elle est toujours de bon conseil et est ouverte à n'importe quelle discussion. Là, je ne sais pas ce qui ne va pas mais je vais faire en sorte de le découvrir. Et puis on verra bien ! Ce n'est peut-être qu'une mauvaise phase, elle doit être fatiguée. En attendant, une bonne nuit de sommeil me fera leplus grand bien...

A-3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant