Chapitre 25

18 5 0
                                    

Arrivé à la lisière de la forêt, j'aperçois une ombre dans les buissons. Je m'avance prudemment ne sachant pas à quoi m'attendre. Malheureusement, le sol est couvert de brindilles et de feuilles mortes ce qui ne facilite pas mon approche silencieuse. Je me fais repérer immédiatement. Une paire d'oreilles noires et velues se dressent au-dessus de la verdure et se tournent dans ma direction. Je recule légèrement pour faire demi-tour, espérant ne pas avoir dérangé un animal sauvage. C'est peine perdue, je suis grillé. Dès que je fais mine de bouger, il se met à grogner. Maintenant qu'il m'a repéré, je le sens scruter le moindre de mes gestes. Il n'est pas près de relâcher son attention. Je m'immobilise donc, ne sachant pas quoi faire d'autre. Pendant quelques secondes, rien ne se passe, puis la verdure se met à bouger et quelques instants plus tard un grand loup noir fait son apparition. Il a les babines retroussé, le poile tout hérissé et grogne fortement en ma direction. Je le reconnais immédiatement, c'est le familier du garçon d'hier soir. J'ai l'air de l'avoir dérangé. Je me fige, soudain apeuré. Est-ce que cet espèce de cinglé à lancer son loup à ma poursuite pour se venger ? Je ne sais pas quoi faire, je suis complètement seule et je n'ai aucune idée de l'attitude appropriée à avoir en présence d'un loup en colère. Je regarde rapidement autour de moi, mais son propriétaire n'a pas l'air d'être dans les parages. Pendant que je réfléchis à une solution pour me sortir de là, le loup se rapprocher de moi. Je panique totalement.

- Tout doux le toutou. Dis-je d'une voix tremblante. Je sais que j'ai embêté ton maître hier soir, mais ce n'est pas une raison pour me manger d'accord.

À ses mots, le loup cesse de grogner et s'assoit en face de moi en penchant la tête sur le côté comme s'il essayait de comprendre mes paroles. Voyant que mes mots semblent l'avoir calmé un peu, j'enchaine.

- Tu sais, je ne suis pas méchante comme fille. Et puis c'est lui qui a commencé. Je te signale que par sa faute, j'ai un énorme bleu sur les fesses.

Le loup continue de m'observer d'un air intrigué. Ses yeux bleus me fixent avec intelligence et j'ai vraiment l'impression qu'il comprend ce que je lui dis.

- Ce n'est pas de ma faute si on s'est rentré dedans. Et puis, il n'a pas été très gentil avec moi non plus. Donc on a qu'à dire qu'on est exæquo. Chacun à sa part de responsabilité. Je ne compte pas le recroiser donc ça ne sert à rien de me manger, tu ne crois pas ? Si tu ne me fais pas de mal, je promets de ne plus l'embêter. Tant dit quoi ? C'est bien comme compromis non ?

Le loup penche la tête de plus bel me fixant toujours aussi intensément. Soudain, il se lève et recommence à avancer vers moi. Je recule précipitamment morte de peur. Il n'a plus l'air agressif, mais il reste sacrément gros et imposant et comme je ne sais pas ce qu'il compte faire, je préfère prendre mes distances. Malheureusement, mon pied rencontre un obstacle et je m'écroule de tout mon long sur le dos. En quelques secondes je sens son ombre au-dessus de moi. Je n'ose plus faire le moindre geste. Sa gueule se rapproche dangereusement de ma gorge. Je sens son souffle sur ma peau et un long frisson de terreur me parcourt. Je ferme les yeux de toutes mes forces morte de peur. J'attends, mais rien ne se passe. J'ouvre prudemment un œil et vois qu'il est simplement en train de me renifler. Je me détends légèrement, il ne semble pas vouloir me bouffer. Je reste tout de même sur mes gardes et me contente de patienter le temps qu'il finisse. Au bout d'un certain temps, il se recule me laissant juste assez d'espace pour me redresser. Je m'assois donc le plus doucement possible, prenant bien soin de ne faire aucun geste brusque. Sa tête est à moins de trente centimètres de la mienne. C'est vraiment impressionnant. Je n'avais jamais vu un loup d'aussi près.

- Tu es très beau. Dis-je doucement. Tu ne comptes pas me faire de mal pas vrai ?

Il me fixe longuement puis se contente de se coucher nonchalamment devant moi comme pour me signifier que je n'ai plus rien à craindre. La pression se relâche enfin. Je prends une grande inspiration essayant de calmer les battements de mon cœur du mieux que je peux. Je sens mes yeux me picoter. Je suis au bord des larmes. J'ai vraiment eu très peur, maintenant que l'adrénaline et redescendu et que je sais qu'il ne va rien m'arriver, je craque. Les larmes dévalent mes joues silencieusement et je retiens mes sanglots du mieux que je peux pour ne pas alerter le loup. Il redresse pourtant la tête et me fixe de nouveau. Il semble un peu perdu face à mon état. Je renifle bruyamment et essaye de lui sourire.

- Tout va bien. Dis-je en sanglotant. Tu m'as fait un peu peur, c'est tout.

Il semble tout penaud, c'est fou comme ses expressions sont humaines parfois. Il a les oreilles basses et couine comme s'il avait fait une bêtise. Il se redresse lentement et vient poser sa tête sur mes genoux comme pour me réconforter. Je n'ose pas bouger. Dans tous les livre que j'ai lu, toucher le familier de quelqu'un d'autre est strictement interdit et est très mal vu. Je ne crois pas que le fait que l'animal initie le contact change quelque chose. Je ne sais pas comment réagir. Le loup couine de plus bel et viens sécher mes larmes à grand coup de langue. Je sursaute, mais me laisse faire. C'est dégueu, mais c'est l'intention qui compte. Son attitude me fait sourire, il ne ressemble plus du tout un loup sauvage, on dirait un gros chien affectueux. Il a vraiment l'air de s'en vouloir de m'avoir fait pleurer. Il est passé de prédateur sanguinaire à peluche docile en quelques instants. Je le repousse doucement ne tenant pas à avoir le visage complétement couvert de bave.

- Arrête. Dis-je en rigolant. C'est bon, je ne pleure plus. Ça ne sert à rien de me bavouiller dessus. Tu peux ranger ta langue.

Il s'arrête immédiatement et me regarde de nouveau en penchant la tête sur le côté. Il semble comprendre que je vais mieux, car ses oreilles se redressent et sa queue s'agite doucement. Je tends la main pour le caresser.

- Merci de ne pas m'avoir croqué. Dis-je tout en lui grattant derrière l'oreille. Tu es un gentil loup.

Il semble d'accord avec moi et aboi joyeusement. Je rigole et continue de le papouiller. Je me suis inquiété pour rien, il n'est pas du tout méchant juste un peu intimidant. Au bout d'un certain temps, je décide de me relever, il faut bien que j'aille manger et que je me prépare pour mes cours de l'après-midi. Je ne peux pas rester ici toute la journée. Il grogne un peu pour la forme, mais s'écarte pour me laisser me redresser.

- Je vais devoir m'en aller. Dis-je doucement. Tu devrais aller retrouver ton maître maintenant, il doit te chercher, tu sais.

Le loup se contente de me fixer sans bouger. Il n'a pas l'air de vouloir me laisser. Je soupire puis décide de tout simplement me diriger vers le réfectoire sans lui prêter attention. Il finira bien par retourner voir son maître, ça ne sert à rien que je m'inquiète. De plus, ce n'est pas comme s'il était perdu ou sans défense. Il ne risque absolument rien. Je pars donc d'un pas décider. Ce n'est pas tout ça, mais l'entraînement sa creuse. J'ai sacrément faim. Si je traîne encore, je risque d'arriver trop tard pour pouvoir manger. Du coin de l'œil, je vois que le loup me suit de près. Je ne sais pas quoi faire pour m'en débarrasser. Il est très mignon, mais je ne peux pas me pointer au self avec lui. Les familiers ne sont pas autorisés chez les bas rangs. De plus, ce n'est même pas mon familier, je ne sais pas pourquoi il me suit comme ça. Le truc, c'est que ça m'étonnerait qu'il s'arrête gentiment si quelqu'un essaye de l'empêcher de rentrer dans le bâtiment. Depuis que j'ai pleuré, j'ai l'impression qu'il s'est mis en tête de me servir de garde du corps. C'est très gentil de sa part, mais ça va devenir compliqué à gérer pour moi. Il ne manquerais plus que l'autre fada se pointe et me vois en compagnie de son loup. Déjà qu'il ne m'aime pas beaucoup ça ne risque pas d'améliorer notre relation. Le lien entre un mage et son familier est sacré, je ne devrais pas pouvoir m'approcher de sons loup quand il n'est pas là et encore moins le toucher. Et d'ailleurs, le loup ne devrait pas se comporter comme ça avec moi non plus. Je ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe, mais je ne veux pas m'attirer d'ennuis avec un haut rang.

- Écoute loulou, tu es très mignon, tu m'as bien protégé, mais il faut partir maintenant. Tu n'es pas mon familier, tu comprends. Tu ne peux pas rester avec moi comme ça. Je vais avoir des problèmes si quelqu'un te reconnaît. Dis-je en me baissant à sa hauteur.

Il ne moufte toujours pas et continue de me coller aux basques. Je commence à désespérer quand soudain, il se fige. Il semble écouter quelque chose avec attention. Il s'ébroue, me regarde un instant, puis fait demi-tour en direction de la forêt. Je ne comprends absolument pas ce qui vient de se passer, mais ça m'arrange. Je le regarde disparaître derrière les arbres puis me détourne à mon tour. Je me dépêche de gagner le réfectoire très déstabilisé par cette rencontre. Je ne sais pas vraiment ce qu'il vient de m'arriver. J'essaye de ne pas trop y penser et me contente d'aller manger. Quelque chose me dit qu'on se reverra...

A-3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant