Chapitre 9

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Les rayons du soleil se déversent dans ma chambre et viennent doucement chauffer ma joue gauche. Après la scène de ce matin je suis rentré directement au dortoir, je n'avais plus le cœur à me balader. Je me suis affalé sur mon bureau comme une larve. La joue droite collée à sa surface dure, je me contente d'observer l'extérieur par la fenêtre sans rien faire. J'essaie de me persuader que tout va bien. Espérant peut-être que si je n'y pense pas la situation s'arrangera d'elle-même. Au final, je ne sais même pas pourquoi monsieur Gill m'a fait venir ce matin, il n'a pas eu le temps de me le dire avant que ça ne dégénère. Je soupire bruyamment et me redresse. Mon dos craque et mes articulations protestent. J'ai dû rester dans cette position plus longtemps que je ne le pensais. Je m'étire et fais jouer mes muscles afin de me dégourdir un peu. Ça ne sert à rien de s'apitoyer sur son sort. Je ne vais pas passer ma journée cloîtré ici à attendre je ne sais quoi. Finalement, je me motive et décide de me tenir à mon plan initial, c'est-à-dire, aller visiter les endroits du campus que je n'ai pas encore vu.

Je jette un coup d'œil à mon téléphone. Il est quatorze heures, j'ai quasiment passé cinq heures à broyer du noir. Juste géniale... J'enfile une veste et cherche mes chaussures des yeux. Il y en a une près de ma table de chevet mais l'autre à visiblement disparue. J'essaye de me remémorer ce que j'en ai fait, puis finalement ça me reviens. Tout à l'heure en rentrant, je les ai balancées n'importe comment sous le coup de la colère. Je m'agenouille est entreprend de regarder sous le lit. En effet, ma chaussure est là-dessous. Bien entendu, elle est trop loin pour que je l'attrape. Comme le lit est collé au mur d'un côté, je ne peux pas faire le tour pour la récupérer. Évidemment, je n'ai aucun objet assez long pour me permettre de l'atteindre. Merveilleux ! Je n'ai plus qu'à faire le ver de terre et à me tortiller en rampant sous le matelas pour l'attraper. Des fois je me collerais des gifles. Après de longues et humiliantes minutes a gigoté et à faire l'asticot, je finis par l'avoir. Je lui jette un regard des plus meurtrier avant de l'enfiler rapidement.

Je récupère mes clés et mon plan puis me diriges vers la porte. Je m'arrête net en voyant un papier sur le seuil. Quelqu'un a glissé un mot sous ma porte. Comme j'étais tournée vers la fenêtre pendant tout ce temps, je n'avais pas remarqué. Je me dépêche de l'attraper et d'en prendre connaissance. Il est de monsieur Gill. Ce dernier me fait savoir que la rentrée et l'évaluation des rangs auront lieu demain matin dans une des arènes de combats du campus. La numéros trois si j'ai bien compris. Il me dit aussi qu'un uniforme me sera livré dans la soirée en précisant que son port est obligatoire au sein de l'établissement. Son mot est très sec et je peux sentir qu'il n'a pas encore digéré notre altercation de ce matin. Cependant, je trouve ça totalement stupide de sa part de réagir ainsi. Il a quoi, cinq ans ? Sérieusement un mot glissé sous la porte. Il aurait pu tout simplement frapper et m'expliquer cela de vive voix. J'utilisais cette technique avec ma mère pour me faire pardonner lorsque je faisais des bêtises étant petite. Alors sois j'étais très mature pour mon âge, soit c'est lui qui utilise des stratagèmes de petite fille pour communiquer lorsqu'il est contrarié. Je ne sais pas si je dois rire ou êtres dépités. Il a un tel orgueil qu'il ne veut pas s'abaisser à me parler, on arrive à un niveau de gaminerie encore jamais atteint. Enfin bref, je ne compte certainement pas aller le voir pour lui demander des explications. D'ailleurs, en revenant, je mettrais une serviette au pied de ma porte de manière à ce que ses mots ne puissent plus rentrer dans ma chambre. S'il veut me dire quelque chose, il n'aura qu'à frapper comme tout le monde. Il veut jouer à celui qui est le plus gamin ?! Très bien, on va jouer. Malheureusement, il risque de tomber sur un os, je suis bien pire que lui quand je m'y mets.

Une fois dehors, je passe d'abord par le secrétariat pour déposer mon dossier d'inscription. Je l'ai rempli du mieux que j'ai pu. Étant donné que je n'ai pas pu demander d'explication à monsieur Gill pour les parties que je ne comprenais pas, il n'est pas complet. Tant pis pour eux, ils devront s'en contenter. Comme il n'y a toujours personne à l'accueil, je le dépose simplement sur le bureau de la réceptionniste, puis pars en repérage pour demain. Il ne s'agit pas d'arriver en retard pour le test. À l'aide de mon plan je me mets donc à la recherche de l'arène numéro trois que je trouve au bout de quelques minutes. Elle n'est pas très loin du château et le chemin est indiqué clairement par des panneaux. Je ne m'attarde pas et fais demi-tour. 

Après avoir passé un moment à marcher sans vraiment de destination précise en tête. J'aperçois un saule pleureur un peu à l'écart du chemin, il y a un banc en bois juste en dessous. L'endroit a l'air désert, je décide donc de m'y installer. Il fait beau, le soleil brille et la brise est agréable. Si je ne venais pas de passer une des pire journée de ma vie, je pense que j'apprécierais le moment. Si je récapitule ma situation. Toute mon existence a basculé en quelques heures, sans que je ne me rende véritablement compte de ce qui était en train de m'arriver. D'abord l'aigle, le collier, mon ravalement de façade puis cette tornade et enfin monsieur Gill et cette école de fou. Je ne contrôle plus rien, j'ai l'impression de regarder un film où je joue moi-même le personnage principal. De ne plus être maîtresse de ma vie. C'est assez effrayant. Je n'aime pas du tout cette sensation. Je me sens seule, perdue et prisonnière de cet endroit. Au final ma petite vie banale et bien rangée me convenais parfaitement. 

Je décide d'appeler ma mère, ça me fera du bien, j'ai besoin d'entendre sa voix. Elle décroche quasiment aussi tôt et je fais de mon mieux pour prendre mon ton le plus joyeux. Je ne veux pas l'inquiéter. Elle est ravie de m'entendre et sa bonne humeur me fait du bien. Je lui demande de me raconter sa journée n'ayant aucune envie de parler de la mienne. Elle s'empresse de le faire et de me raconter les derniers potins qui circulent dans le voisinage. Ça me fait rire, elle a toujours eu un don pour être au courant de tout avant tout le monde. Qui aurait cru que la vie de mes voisins était si palpitante. Si on l'écoute, elle peut carrément nous pondre un feuilleton. Apparemment, hier soir, elle aurait aperçu Denis notre voisin d'en face rentrer avec une étrangère : attention, je cite « à la jupe outrageusement courte » alors que sa femme et en voyage d'affaires. Hmm intéressant, visiblement madame a du soucis à se faire. À lala sacré Denis. Et comme, toujours selon ma mère, « ce n'est certainement pas l'intelligence ou la beauté qui l'étouffe, il y a fort à parier que cette gente demoiselle était une gigolette ». Je me marre tellement que les larmes me montent aux yeux. Je ne savais pas que le mot gigolo existait au féminin. Je ris comme une baleine. En plus, elle a l'air tellement offusqué en m'en parlant, c'est hilarant. Elle va avoir du mal à s'en remettre visiblement. Finalement au bout d'un certain temps à parler de tout et de rien, on finit par se dire au revoir. Je lui répète que je l'aime et qu'elle me manque puis raccroche sur cette petite note d'amour. Je me sens beaucoup mieux, ma situation est toujours aussi pourrie, mais j'ai beaucoup moins envie de me jeter dans l'étang en face de l'internat. Ce qui, avouons-le, est un point positif. Je crois que j'arrive enfin à prendre un peu de recul sur tout ça. 

Toujours sur mon banc, j'observe les alentours, il y a énormément de fleurs dispersées en tout lieu. C'est vraiment un cadre magnifique, je ne peux pas le nier. Malheureusement, ce décor idyllique cache un système d'enseignement ignoble. Je n'arrive plus à apprécier le paysage à sa juste valeur. La seule chose que je vois, c'est le contraste entre ce lieu sublime et la laideur de la mentalité qui l'habite. J'ai réfléchi un moment, là, assise sur mon banc au milieu de nulle part. À ma conversation de ce matin avec monsieur Gill. J'ai beau tourné le problème dans tous les sens cette histoire de rang et de privilège me dérange au plus haut point. Le souci, c'est que je ne vois pas du tout quelle méthode adoptée pour faire évoluer la mentalité de cette école. À mon échelle, je ne peux rien faire, personne ne m'écoutera. Si ça se trouve même les bas rangs s'accommodent de la situation et je suis la seule que cela dérange. Je n'en ai aucune idée. Si je veux faire bouger les choses, il va pourtant falloir que je trouve des gens qui soient de mon avis. Seule je ne risque pas de changer quoi que ce soit, je le sais très bien. Pourtant, je refuse de subir ma scolarité à Lacia sans essayer de faire quelque chose à ce sujet. Je ne serais pas heureuse, que je sois de haut rangs ou non, ça j'en suis sure. Ce système me dérange trop. Finalement, j'ai pris une décision, même si je ne sais pas encore comment, je vais faire bouger les choses ! Je n'ai aucune idée de par où commencer ou de quel moyen utiliser pour y parvenir, mais je vais essayer. J'ai un nouveau caractère autant en profiter non ? De toute façon que je réussisse ou pas ce test, que je sois avec les forts ou bien les faibles, je ne changerais pas d'avis : il est hors de question que j'accepte ce système.



















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