chapitre 24

87 15 15
                                        

| 10 novembre 2005

— Ça fait trois fois que tu m'appelles en cinq jours. Je te savais piqué mais pas à ce point.

— Et trois fois que tu décroches à la première sonnerie, railla la voix de l'autre côté du combiné. On dirait bien que c'est réciproque.

Adossée à la rambarde de son petit balcon, Asuga esquissa un sourire amusé que Ran ne put que deviner. Il avait beau ne pas la voir, il l'imaginait toujours avec beaucoup de justesse. Il discernait dans les quelques secondes de silence entre certaines de ses répliques la manière qu'elle avait de tourner la tête pour recracher la fumée de sa cigarette, savait entendre ses sourires qu'ils furent sincères ou moqueurs et visualisait avec précision ses traits d'un sérieux étonnant lorsque le sujet était important. Elle devait avoir raison ; il était plus que piqué et il commençait à se lasser de ces échanges téléphoniques.

— Bon, dis-moi tout, reprit-elle. C'est juste que je te manque ou t'as d'autres raisons ?

— T'aimerais que je dise que c'est juste pour ça, hein ?

— J'aime les hommes honnêtes, je crois.

— Alors je suis obligé de te dire que j'ai d'autres raisons. Je peux pas t'expliquer maintenant, précisa Ran avant qu'elle ne pose la question. C'est pour ça qu'il faut qu'on se voie.

Cette demande inédite fit tout de suite fuir l'attitude légère et taquine de la jeune femme pour laisser place à la confusion.

— Mhm ? Je croyais que je devais déjà stabiliser la situation du Shirohebi ?

— Ça fait trois mois que ça avance pas, Asuga. Combien de temps encore avant que l'autre enfoiré nous sorte un de ses plans foireux, tu penses ?

Très sérieuse, elle posa sa cigarette brûlée de moitié dans le cendrier et tira sur la fenêtre ouverte pour être sûre que la jeune fille qu'elle avait fraîchement recueillie et qui se trouvait dans son salon n'entendrait pas la suite de la conversation. Asuga était loin d'être bête et elle connaissait son aîné mieux que personne ; quoiqu'il eût dit à Ran le jour de Halloween, ce devait être un élément important dans l'une de ces stratégies que lui seul savait concocter.

— Tu sais quelque chose ?

— Je te l'ai dit, je peux pas t'expliquer maintenant, répéta Ran. Laisse-moi juste quelques jours et je te dirai où on pourra se voir.

— Je sais qu'il t'a parlé, insista-t-elle. Il te voulait quoi ?

Son inquiétude fit naître un rictus satisfait sur les lèvres du jeune homme qu'elle put entendre dans ses prochains mots. Le sujet de Tadashi était pourtant loin d'être de ceux qu'elle souhaitait prendre à la rigolade, peu importe à quel point elle pouvait aimer sa répartie et son arrogance.

— Aurais-je l'honneur d'être devenu l'une des rares faiblesses de la grande Asuga Yano ?

— Je sais où t'habites, Haitani. C'est une menace.

— Une menace plutôt intéressante, si tu veux mon avis.

— Je veux surtout que tu me répètes ce que ce connard t'a dit alors arrête de jouer avec mes nerfs.

— Rien que t'aies besoin de savoir aujourd'hui, reprit-il avec plus de sérieux. Laisse-moi gérer et contente-toi de décrocher quand j'appelle, d'accord ?

Asuga ne put s'empêcher de froncer les sourcils à cette remarque, peu certaine de comprendre la corrélation qui pouvait bien exister entre la fréquence de leurs conversations et ce que Tadashi manigançait.

𝗕𝗘𝗗 𝗢𝗙 𝗥𝗢𝗦𝗘𝗦 ; tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant