chapitre 5

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⠀| 9 et 10 juillet 2005

Asuga n'aurait pas su dire ce que changea cette démonstration de l'application des règles, mais après cela, elle eut l'impression de pouvoir se sentir chez elle dans l'appartement de ceux qui étaient pourtant, en quelque sorte, ses geôliers. Elle eut bien sûr le droit de les accompagner à chacun des règlements de compte suivants. Peut-être trouvaient-ils amusant le fait qu'elle parvenait à effrayer leurs victimes sans même participer physiquement à leurs sanctions. Quoiqu'il en soit, leur trio fonctionnait étonnamment bien et la cohabitation s'avérait être plutôt divertissante.

- Rinrin, laisse une place à la dame.

- Alors que tu m'appelles comme ça ? Va te faire foutre, grogna Rindo qui ne bougea pas d'un millimètre, étalé de tout son long sur le canapé et les yeux rivés à sa console.

Une bière à la main, Asuga se moqua ouvertement du blond tout en se résignant à s'installer sur l'accoudoir du fauteuil où était assis Ran.

- Tu crois pas que c'est à cause des écrans que t'as besoin de lunettes, Rinrin ? le provoqua-t-elle. Et puis t'es un peu vieux pour ça, non ?

Elle n'eut droit qu'à un majeur levé dans sa direction en guise de réponse. Pour Rindo, la présence d'Asuga chez eux équivalait à vivre avec un deuxième Ran, ce qui n'avait rien de souhaitable. Elle avait le même humour, la même manière de tout ironiser, beaucoup des mêmes manies agaçantes et, si se trouver en la présence de l'un d'eux à la fois était supportable, avoir les deux dans la même pièce devenait vite intenable. Rindo en eut une énième confirmation lorsqu'il vit, du coin de l'œil, son ainé passer un bras autour de la taille d'Asuga jusqu'à pouvoir la tirer vers lui. Il ne comprendrait décidément jamais comment qui que ce soit pouvait le prendre au sérieux dans des moments pareils.

- Ton accoudoir avait pas l'air très confortable, se justifia Ran en ignorant le regard empli de jugement de son cadet.

Amusée, Asuga acquiesça et prit le temps d'ouvrir sa canette. Elle dut s'empresser de la porter à ses lèvres pour éviter qu'elle ne déborde, tout ça sous les yeux trop curieux du jeune homme qui ne fit rien pour faire preuve de discrétion en la dévisageant. D'aussi près, il pouvait affirmer que l'odeur fraîche qui émanait de ses cheveux roses était celle de son propre shampoing.

- Et tu te crois plus confortable ?

- Plutôt. T'as toujours rien réclamé alors que t'as gagné la devinette de la dernière fois, fit-il ensuite remarquer.

- Mhm, c'est vrai.

L'air de chercher ce qu'elle voulait, Asuga fit courir son regard azuré le long du visage de son interlocuteur. Elle savait qu'il s'attendait à ce qu'elle pose une question indiscrète, ou bien à ce qu'elle lui réclame un service, de l'argent, quelque chose qui l'aurait sûrement irrité venant de n'importe qui d'autre, mais elle n'avait aucune intention d'être prévisible et il n'avait rien à lui offrir. Alors, contre toute attente, elle porta une main à l'une de ses tresses et esquissa un sourire espiègle.

- Je veux voir à quoi tu ressembles sans ça. Ça te va ? T'as pas le choix, de toute façon, enchaîna-t-elle avant qu'il puisse répondre. C'est le jeu.

Pour la première fois de la soirée, l'enthousiasme atteignit aussi les traits de Rindo, qui se moquait sans retenue de la situation de son frère. Ce dernier se mura dans un silence sceptique et étonnamment nerveux tandis qu'Asuga posait sa bière sur la table pour avoir les mains libres. Elle se fit vite la réflexion que les cheveux de Ran étaient plus doux que ce qu'elle s'était imaginé. Déliant les mèches entre elles avec soin, elle se délecta de cette nervosité qui émanait discrètement du jeune homme. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'une demande aussi simple que celle-ci puisse le surprendre à ce point, mais elle ne le regrettait pas. Quand les deux tresses furent défaites et que Rindo se trouva à deux doigts d'éclater de rire pour de bon, Asuga continua à passer une main dans les parties brunes et blondes de sa chevelure avec un air pensif alors que les yeux du principal concerné ne quittaient pas son visage. Il n'avait plus l'air ironique, ni même arrogant, seulement attentif.

𝗕𝗘𝗗 𝗢𝗙 𝗥𝗢𝗦𝗘𝗦 ; tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant