chapitre 3

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⠀| 29 juin 2005

La nuit s'était déjà emparée de Tokyo lorsqu'Asuga fut invitée à quitter l'appartement des frères Haitani. Qu'ils ne se méfient pas de lui montrer où se trouvait précisément leur résidence l'étonna, pourtant certaine qu'ils n'étaient pas du genre à omettre le détail de leur propre sécurité, mais elle n'en dit rien et se contenta de suivre le duo à travers les rues animées de Roppongi. Vêtue de son mini-short, de ses grosses bottes et d'un sweat trop long qui n'était même pas à elle, Asuga n'était dans son élément qu'une fois le soleil couché, quand les excentriques en son genre étaient de sortie. De toute évidence, elle ne craignait ni les regards intéressés, ni ceux qui la jugeaient un peu trop.

Elle fut néanmoins forcée de constater que, ce soir-là, les regards dans sa direction se firent rares. Plus le trio s'enfonçait dans le côté malfamé du district, plus les têtes se baissaient sur son passage. Asuga s'en trouva amusée. Respectivement placés devant et derrière elle comme pour l'empêcher de s'enfuir, les deux frères ne prêtaient aucune attention aux délinquants qui animaient pourtant leur territoire au quotidien. Ils avançaient comme les rois qu'ils étaient, conscients qu'ils étaient les véritables propriétaires de tout ce qui les entourait et que leur simple nom faisait trembler les amateurs.

— Je sais que vous voulez pas me dire où on va, mais est-ce que je peux au moins savoir si c'est loin ?

— T'as peur ?

L'intervention de Ran la surprit malgré elle. Asuga se retourna vivement, une main plaquée dans sa nuque, à l'endroit précis où elle avait perçu son souffle s'échouer lorsqu'il s'était penché vers elle pour la provoquer. Sa réaction lui arracha un énième sourire satisfait, et Asuga eut la soudaine envie de le faire disparaître d'un coup de semelle.

— Il faudrait que je sache précisément ce qui m'attend pour en avoir peur, tu crois pas ? fit-elle remarquer avec ironie.

Sous la lumière des néons et des panneaux publicitaires colorés, le rose de ses cheveux devint pétant et le bleu de ses yeux en amandes parut plus intense encore. Son visage était encore tuméfié mais il retrouvait peu à peu son état normal et, par extension, le charme de la jeune femme se dévoilait. Il aurait été difficile d'expliquer ce qui la rendait si unique dans le flot d'humains qui l'entourait. Étonnamment, cette impression n'avait rien à voir avec son apparence excentrique ; tout se jouait dans le contraste entre les traits simples de son visage et son attitude imprévisible. Asuga dégageait une aura particulière, c'était un fait, mais il était encore incapable de mettre les mots corrects dessus.

— Tu veux pas essayer de deviner ce qu'on te prépare ? la taquina Ran.

— Qu'est-ce que je gagne si je trouve la bonne réponse ?

— Ce que tu veux.

S'il l'avait mieux connue à l'époque, peut-être aurait-il pu éviter la création de ce petit jeu infernal qui durerait bien trop longtemps à son goût. La manière dont les prunelles saphir d'Asuga s'illuminèrent aurait sûrement dû lui mettre la puce à l'oreille, mais il n'avait jusque-là jamais connu de fille aussi dangereuse que celle-ci et fit - pour la première fois - l'erreur de la sous-estimer.

— Dites-le si je dérange, surtout.

Les mains enfoncées dans les poches de sa veste, Rindo désigna avec ennui le peu de chemin qu'il leur restait à parcourir. Son aîné, qui avait relevé les yeux vers lui, ne vit pas le sourire sincèrement amusé qu'Asuga esquissa. Quand il reporta son attention sur elle, après avoir fait signe à son frère de patienter une seconde, elle avait déjà retrouvé son faux sérieux.

𝗕𝗘𝗗 𝗢𝗙 𝗥𝗢𝗦𝗘𝗦 ; tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant