chapitre 46

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| 27 février 2006

— Attends, il faut que tu me racontes encore une fois. Je vais l'écrire pour me rappeler.

De l'autre côté de la table, Noa pinça les lèvres et fit mine de touiller son thé pour ne pas voir son amie manipuler maladroitement ses affaires.

Cinq jours s'étaient écoulés depuis l'affrontement du port de Yokohama, un seul depuis la sortie de l'hôpital. Et si Noa se faisait petit à petit aux taches de bleu et de violet sur le visage d'Asuga, ce qu'elle avait sous les yeux maintenant, elle n'était pas prête à l'accepter.

— Je l'avais pas déjà écrit, si ? s'enquit la plus âgée qui avait dû mal interpréter son silence. Désolée, j'imagine qu'on a déjà eu la conversation.

De sa seule main qui n'était pas enfermée dans un plâtre, Asuga extirpa enfin un petit carnet de son sac. Ses doigts tremblèrent sur le papier lorsqu'elle l'ouvrit et l'applatit sur la table mais elle prétendit ne pas le remarquer. Noa se força à la regarder retirer le capuchon de son stylo avec ses dents et songea qu'au moins, les muscles de son visage semblaient s'être totalement détendus. Quelques jours plus tôt, elles avaient bien cru toutes les deux qu'il resterait à moitié paralysé pour toujours. Personne ne saurait jamais rien du torrent de larmes que Noa avait versé dans le couloir de l'hôpital après sa première visite, mais si elle accordait rien qu'une seconde de trop au souvenir de son amie échouée sur ce lit tout blanc, frêle et seule, la bile lui remontait aussitôt dans la gorge.

— Noa, dis-moi.

L'adolescente retarda la conversation d'une longue gorgée de thé, le nez assez loin dans sa tasse pour s'imprégner de son odeur fruitée et ainsi faire disparaitre celle des compresses et du désinfectant qui refusait de la quitter.

— Tu es sûre de pouvoir écrire ? dit-elle enfin.

— C'est moi qui pose les questions. Allez, réexplique-moi l'essentiel. Je sens que ça va mieux mais tout reste flou.

— C'était le plan de Ran, répondit Noa pour ce qui devait être la troisième fois de la semaine. Il voulait qu'on parte avant que la police arrive.

— À cause de Kisaki, c'est ça ? Il avait un flingue.

— Oui, reconnut-elle en faisant de son mieux pour ne pas sonner trop amère. D'après ce qu'on m'a dit, le Tenjiku a perdu après l'arrivée de Mikey, et puis c'est parti en vrille. Kisaki a tué Izana avant de mourir.

À ces mots, Asuga se redressa et tapota pensivement le bout de son stylo contre la table en bois. Le bruit répétitif de ce tic nerveux se perdit dans le brouhaha chaleureux du café où elles s'étaient installées pour discuter. Noa y avait traîné son amie en remarquant l'éclairage tamisé et s'en félicitait maintenant que les lunettes de soleil d'Asuga se trouvaient posées entre elles plutôt que sur son nez - ce qui n'était pas arrivé depuis son premier réveil. Au début, les migraines à répétition et l'hypersensibilité au bruit et à la lumière l'avaient même forcée à plonger sa chambre d'hôpital dans le noir des jours durant.

Le silence s'éternisa et Noa se prépara à perdre son attention ou à une nouvelle question à laquelle elle aurait déjà répondu, parce que c'était devenu la suite logique de tout échange entre elles depuis l'incident. Elle avait progressé depuis son réveil et se persuadait encore qu'elle pouvait encore faire comme si de rien n'était, mais Noa n'était pas dupe : son cerveau avait pris un sacré coup et il lui faudrait encore des jours, des semaines, peut-être des mois, pour le réhabituer à enregistrer des informations et les mémoriser.

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