chapitre 28

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| 29 novembre 2005

Pour Noa, la nuit fut longue.

Le Sanctuaire n'était jamais vide - c'était l'inconvénient d'en avoir fait un véritable repère pour toutes les rejetées de la société - et l'absence d'Asuga semblait motiver les filles à vouloir s'approprier le centre de l'attention plutôt qu'à raser les murs comme elles le faisaient en présence de la leader. Positionnée dans un coin de la pièce principale et attentive à toute l'agitation de celles qui étaient désormais ses coéquipières, Noa n'arrivait même pas que se convaincre qu'elle était respectée. Personne ne craignait son regard, elle aurait pu ne pas être à côté d'elles que rien n'aurait changé. Comment veiller sur le Shirohebi et faire ses preuves si tous les membres s'étaient mis d'accord pour ne suivre qu'Asuga en toutes circonstances ? Elle aurait voulu s'imposer, mais si la concurrence était la fille qui avait été capable de s'infiltrer chez des criminels pour fuir son propre frère et les rallier à sa cause, elle doutait d'y parvenir un jour. Elle était à peine capable de supporter les odeurs de toutes les substances consommées ici et dont elle ne voulait pas connaître les noms.

— Vous pensez qu'elle est avec les gars de Roppongi ? lança l'une des délinquantes affalée sur le canapé situé face à Noa, seulement séparé d'elle par une large table basse pleine de bouteilles et de briquets. Et qu'elle...

— Qu'elle se tape les Haitani ? devina Mei, sa cigarette au coin de la bouche tandis qu'elle nettoyait les restes de tabac sur la table en verre. Si tu veux mon avis, y'a que le grand qui l'intéresse. J'étais là quand Tadashi a essayé de le tuer, t'aurais dû voir la gueule d'Asuga. J'arrivais pas à savoir si elle allait buter tout le monde ou se buter elle, plaisanta-t-elle. Ou les deux.

Sceptique quant à sa manière d'aborder le sujet, Noa tourna discrètement la tête vers Toshiko qui lui fit signe de l'ignorer. Ce devait être la routine, alors. Une routine bien étrange pour une fille qui prétendait être l'une des plus loyales à Asuga. Les discours incohérents de certaines étaient compréhensibles, Noa avait pris soin de surveiller celles qui buvaient le plus en cette soirée inédite - l'une des seules initiatives qu'elle avait été capable de prendre. Mais Mei était toujours très lucide, seulement très insensible à en juger par les mots dénués d'empathie qu'elle prononçait à l'égard de sa cheffe.

— Le grand, reprit une autre d'un ton terriblement las qui trahit son état d'ébriété. C'est Ran, c'est ça ?

— Oh, je préfère celui avec les lunettes.

— Sérieux ?

— Faute de goût, là, releva Mei.

— J'ai une amie qui se l'est tapé une fois, renchérit une jeune adulte à qui Noa lança un regard incrédule. Le grand, j'veux dire.

— Vu le profil, j'crois qu'on a toutes une amie qui se l'est fait, rit-elle. Un problème, Toshiko ? Je te vois secouer la tête dans ton coin.

La grande blonde ne cilla pas lorsque tous les regards - pour la plupart fatigués ou bien injectés de sang - se posèrent soudainement sur elle. Le sien ne lâcha le visage moqueur de Mei, à la recherche d'une explication quant à cette attitude mesquine qu'elle n'avait pourtant jamais utilisée contre Asuga. Jusqu'à présent, elle avait toujours été persuadée que Mei, malgré ses manières et son mauvais caractère, était réellement l'un des meilleurs atouts du Shirohebi féminin. Était-ce réellement l'absence exceptionnelle de leur leader qui lui donnait l'impression de se voir pousser des ailes ?

— C'est pas sympa ce que tu fais. Entre nous d'accord, mais tu parles de notre boss là.

— Qu'est-ce qui te choque ? rétorqua la brune. Y a pas de mal à avoir de l'expérience. On pourrait dire la même chose d'Asuga.

𝗕𝗘𝗗 𝗢𝗙 𝗥𝗢𝗦𝗘𝗦 ; tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant