chapitre 33

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| 1er décembre 2005

— T'es sûre de pouvoir conduire ?

Épuisée alors qu'elles n'avaient parcouru que le chemin menant à la moto - soit une minuscule partie de ce qu'elles devraient faire pour rentrer à l'appartement, Asuga reprit son souffle en s'appuyant contre son véhicule. Chaque respiration était un supplice qu'elle ne parvenait plus à dissimuler et Noa n'était plus si certaine d'être plus rassurée de savoir que Tadashi était mort qu'elle n'était inquiète quant au retour qui les attendait. La veste de la jeune leader était coupée à plusieurs endroits et pleine de sang au point où aucune des deux n'aurait su dire à qui il appartenait. Ce qui inquiétait le plus Noa demeurait cette entaille plus longue et profonde que les autres qui longeait le flanc d'Asuga juste sous ses côtes, et ce coup à la tête qui la faisait encore souffrir bien qu'elle n'en disait rien. Même la pluie ne laverait pas les tâches rougeâtres perdues dans sa chevelure rose.

— J'ai pas le choix, répondit-elle. Il faut qu'on se tire d'ici. Monte, on fera au moins une partie de la route comme ça.

Noa obéit malgré tout le souci qu'elle se faisait pour son amie, tenant tant bien que mal son casque contre elle puisque la plaie encore béante de sa joue ne lui permettait pas de l'enfiler. Asuga se garda bien de révéler à quel point elle se sentait faible, personne n'avait besoin de savoir qu'elle doutait même de parvenir à passer la nuit. Elle conduisit du mieux qu'elle put, un moment du moins - durant une douzaine de minutes qui furent sûrement les plus longues de sa vie. La route devant elle était floue et les commandes rendues humides par la pluie n'aidèrent en rien l'équilibre qu'elle peinait à trouver. Loin d'être crédule au point de croire qu'Asuga tenait le coup, Noa remarqua en un rien de temps la perte de sang conséquente qui provenait de sa blessure la plus importante et qu'elle rendait plus grave encore à force de bouger. Elle devait en être consciente elle-même puisqu'elle s'arrêta peu de temps après sur le côté de la route.

— Aide-moi à pousser la moto.

— Pourquoi on appelle pas Mei, ou Toshiko, ou n'importe quelle autre fille du Shirohebi ? Sérieusement, tu tiens à peine debout et t'es aussi pâle qu'un cadavre, on devrait...

D'une poigne ferme - dans la mesure du possible - Asuga attrapa la brune par le col de sa veste et planta son regard à peine vivant dans le sien.

— On a tué quelqu'un, articula-t-elle difficilement. On n'a pas le temps de se poser et d'attendre de l'aide... Tu comprends ?

Plus pour éviter de l'épuiser plus que nécessaire que par docilité, Noa acquiesça. Elle prit place de l'autre côté du véhicule sans un mot et avança avec l'impression de mener la randonnée la plus difficile de son entière existence. Si, quelques heures plus tôt, elles étaient restées assises sur le carrelage de la cuisine à discuter de leurs malheurs dans le noir, les choses auraient été différentes. À la place, elles s'étaient trouvées au mauvais endroit au mauvais moment et avaient respectivement fini défigurée et au bord de la mort. Un bon moyen de se remettre de l'abandon de Daitan, sans doute.

Lorsque la pluie se calma un peu, Noa tourna la tête pour surveiller l'état de son amie. Elle était plus pâle encore que quelques minutes auparavant, toujours aussi ensanglantée et de toute évidence trop affaiblie pour marcher jusqu'à sa résidence. La vérité était qu'elle peinait même à garder les yeux ouverts. Pour toutes ces raisons, Noa ne fut pas surprise de la voir perdre peu à peu sa prise sur la moto jusqu'à disparaître de son champ de vision et s'écrouler sur le trottoir.

Un juron échappa à la plus jeune qui s'empressa de déplier la béquille du véhicule pour se ruer vers Asuga. Le visage déformé par la douleur, elle luttait contre elle-même pour ne pas perdre connaissance et se redresser au plus vite, ce qu'elle était évidemment incapable de faire seule. Noa posa ses mains sur ses épaules pour l'aider malgré la grimace qu'elle ne put réprimer en bougeant son poignet blessé, alors Asuga se raccrocha au bras de son unique amie à son tour et lui adressa une véritable supplication silencieuse à travers ce regard azuré habituellement si vif et curieux.

𝗕𝗘𝗗 𝗢𝗙 𝗥𝗢𝗦𝗘𝗦 ; tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant