CHAPITRE I

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« Tu es une erreur. »

r o s e

Mon corps est froid,
et mon ventre hurle de faim.

Mes bras s'enroulent autour de mes jambes et j'ai les paupières closes pour ne pas voir les monstres qui se forment dans la pénombre. J'ai tellement peur.

Mais si je résiste, encore un peu, maman m'aimera à nouveau. Elle m'aimera pour toujours. Elle m'aimera.

Encore un peu, juste un petit effort et tout sera bientôt fini.

Le son de mon ventre, qui crie famine, envahit la pièce et pour la première fois depuis que je suis enfermée ici, je relève la tête vers la porte qui laisse échapper un filet de lumière. Des ombres sillonnent la pièce, m'obligeant à me réfugier à nouveau dans mes bras.

— Maman, viens s'il te plaît..., murmuré-je, s'il te plaît, maman...

Sa voix pleine d'amour se joue en boucle dans ma tête.

Ma rose...Ma rose. Ma rose ?

C'est un lointain souvenir, trop loin pour que je puisse l'effleurer une dernière fois. Parce qu'il s'envole, s'éloigne, disparaît dans le ciel dont je ne vois plus la couleur. Et qu'est-ce que la couleur quand mes derniers jours se résument à une nuance de noir et de gris. Lorsque tout ce qui me reste à vivre, ce sont des souvenirs qui s'écrasent et s'effacent dans ma mémoire.

— Reviens maman...s'il te plait...je veux vivre.

Mes murmures s'effilochent dans l'air glacial de la pièce. Personne ne m'entend. Personne. J'en viens à me demander si je ne suis pas déjà morte, si j'existe toujours. Et alors que mes espoirs s'évanouissent, le tintement de la serrure qui s'ouvre fait éclore mon cœur fané.

Mes yeux se referment brutalement lorsque jaillit de l'ampoule une lumière étincelante. Je m'habitue à l'éclairage et je peux enfin balader mon regard à travers la pièce sans être effrayé par les ombres qui l'habitent. Mon cœur rate un battement. Peut-être deux. Ou même trois.

Pour la première fois depuis des jours, je sens mon corps vivre. Le sang qui se déferle dans mes veines réchauffe mon corps, créant mille et une explosions dans mon estomac.

Le fantôme qui hante mes pensées et mes souvenirs est là devant moi. Devant mes yeux. A quelques mètres. Un infime sourire étire les commissures de mes lèvres gercées. Son regard dans le mien, elle avance d'un pas. Puis deux. Et quand elle distingue mon sourire à travers les larmes qui lui bouche la vue, elle s'écroule au sol, la respiration haletante et des sanglots qui s'échappent ici et là. Et comme mes souvenirs, ils résonnent très fort, tournant en boucle avant de s'écraser et s'effacer dans les airs.

Parce que même les sons qui déchirent l'âme sont éphémères.

Tout finit par s'envoler, s'éloigner, disparaître dans le ciel gris. Devenant un lointain souvenir qu'on ne peut effleurer du bout des doigts.

Ma voix tranche l'air alors que je l'appelle.

— Maman... ?

Elle ne me répond pas, préférant continuer à  agoniser dans ses pleurs de plus en plus intense. Comme si je n'existais pas, que le monde autour d'elle disparaissait. Alors je réessaye. Encore. Jusqu'à ce qu'elle se souvienne de moi, qu'elle se souvienne que j'existe dans son monde.

— Maman... Maman ?

Ses iris brune croisent les miennes et ses sanglots recouvrent la pièce à nouveau.

ROSE | 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant