𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐕𝐈𝐈𝐈

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𝚁 𝙾 𝚂 𝙴


Le moteur s'arrête de tourner, réduisant à néant le bruit assourdissant qui trônait à l'intérieur de la voiture tandis que mon regard lorgne les rues éclairées de Mid-Wilshire. D'après ce que m'a dit Arès, Chavy et Aïyana résident dans l'un de ces longs bâtiments en ciment.

Son appel terminé, il m'a tout de suite prévenu qu'il allait m'emmener chez elle puisqu'il doit rejoindre son père. Appuyée contre le bois de ma porte, j'avais les joues encore rouges quand j'ai acquiescé. La situation me gêne au plus haut point. Rien que d'y penser, la chair de poule envahit la peau de mes bras.

Le visage tourné vers le paysage, je détache ma ceinture, prête à sortir. Rester enfermé avec lui ne fait qu'accroître le nœud dans ma poitrine. Mes pensées divaguent et j'ai du mal à garder la sérénité à laquelle je suis habituée.

— Ne sort pas, tonne-t-il, d'une voix grave.

Mes yeux suivent l'origine du son jusqu'à l'apercevoir dans mon champ de vision. Il a glissé une cigarette entre ses lèvres qu'il est en train d'allumer grâce à la flamme de son briquet noir. La fragrance désagréable du tabac se répand rapidement dans la voiture, me procurant une grimace de dégoût.

— Ouvre la fenêtre s'il te plaît, quémandé-je, sur le point de m'étouffer.

Sans répondre, il accepte ma requête et ouvre nos deux fenêtres. Un courant d'air fouette la fumée toxique vers Arès, ce qui empêche l'odeur de venir jusqu'à moi.

En attendant qu'il finissent sa cigarette, j'observe les silhouettes des gens aller et venir, s'arrêter sous un arbre à discuter avec des amis. Parfois, je me demande comment serait ma vie, si elle avait été normale. Si je n'avais pas été la fille d'un homme important — enfin, je ne suis pas réellement sa fille — et qu'il ne m'ait jamais marié contre mon gré pour assouvir ses propres besoins. Je me demande si je serais plus heureuse. Avoir une vie normale, du genre aller à l'école, se faire des amis, faire du sport pour le loisir, avoir une famille saine et pourquoi pas avoir un petit ami aussi ? C'est ce dont je rêve. J'aimerais être l'une de ces héroïnes de séries télé. Celles qui découvrent la beauté de la vie en s'amusant. La mélodie sonne juste, tout semble parfait pour les autres.

Si je renais, j'aimerais renaître dans une famille des plus banales. Peut être que même comme ça, le destin restera immuable. Parce que je suis destinée à souffrir, peu importe le nombre de fois où je renais. Mais j'ai envie d'y croire. Croire que je peux être heureuse dans un autre corps, dans une autre vie.

— Ouvre la boîte à gants, m'ordonne Arès, m'extirpant de ma torpeur, et prend la boîte. C'est pour toi.

Je plisse les sourcils tout en obéissant. Ma main saisit le carton blanc où un téléphone rose pâle est dessiner sur le couvercle tandis que le logo en forme de pomme croqué figure sur chaque face. Les yeux ronds, je lève le regard vers lui.

— C'est... c'est pour moi ?

Il tire une latte avant d'acquiescer silencieusement, observant chacun de mes faits et gestes.

— Mon numéro est déjà enregistré.

— Ceux de Chavy et Ryan aussi ? je demande en retirant le couvercle.

— Non, tu te débrouilleras avec eux.

J'allume l'écran après plusieurs tentatives, une partie de la terre au milieu des étoiles illumine l'écran du téléphone — mon tout premier téléphone. Un sourire étire mes lèvres. J'ai toujours voulu en avoir un. C'est le plus beau cadeau qu'on m'ait jamais offert. Mais je perds très vite mon sourire, j'ignore comment le faire fonctionner. L'allumer était déjà un très gros challenge.

ROSE | 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant