𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗𝐕𝐈𝐈𝐈

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𝚁𝙾𝚂𝙴


A travers la vitre, j'observe les couleurs du printemps s'installer progressivement. Ma saison favorite, et pourtant, je déteste l'un de ses mois.

Dans neuf jours c'est mon anniversaire.

Une des raisons qui me pousse à haïr le mois d'avril, et surtout le neuf avril. Cette date évoque les prémices de ma descente aux enfers. Parce que c'est ce même jour où William a découvert la vérité. Ce même jour où j'ai été arraché à tout ce que j'avais de plus précieux. L'amour des autres.

Je n'ai qu'une hâte ; que ce mois finisse.

Un soupir se dérobe de mes lèvres alors que je tourne le regard vers Arès à ma droite. Silencieux, il reste concentré sur la route devant lui. On a très peu échangé depuis que nous sommes rentrés du club, il y a une semaine.

Il était très occupé par ses autres contrats. Et même ce matin, il n'a quitté sa chambre que lorsqu'on devait enfin partir. Le dîner avec sa famille à l'air de l'angoisser. J'ignore le degré de complicité qu'il a avec ses parents, et peut être qu'il est comme moi ? Mais j'en doute.

Peut-être qu'il s'entend bien avec sa mère et ses frères et sœurs. J'en sais rien.

Je ne sais rien de lui et ça a le don de m'agacer.

Mon regard se baisse sur ce que je porte. Il a insisté pour que je mette une robe à manches longues et qui tombe à mes pieds. Je n'ai pas bataillé très longtemps. Son ton était ferme et dur, je n'ai pas pu le contredire.

Quoi qu'il en soit, c'est joli, donc ça ne m'a pas dérangé plus que ça. C'est plutôt la manière de me le dire. Il était comme au tout début. Froid et distant. Je vais finir par croire qu'il est lunatique. Ces humeurs sont aux antipodes, hier encore, il montrait un peu de bonne volonté et n'était pas aussi grincheux.

Je n'arrive pas à le suivre. J'ai ce sentiment d'angoisse qui se ressert tel un étau autour de ma gorge, et cette question revient ; m'aurait-il ignoré comme il le fait maintenant si nous nous étions embrassés l'autre soir ?

Sûrement, tu es une erreur, Rose.

Mes ongles se plantent dans la chair de mes avant-bras par dessus le tissu noir corbeau de mes manches qui les recouvrent. Et moi qui pensais m'être débarrassé de cette maudite voix, j'avais tort.

Elle adore s'immiscer dans mon esprit lorsque les doutes m'assènent et que mon moral retombe à zéro tel un boomerang qui nous frappe en plein visage alors que nous pensions l'avoir lancé assez loin pour qu'il ne reviennent jamais. Et mon seul remède contre cette affliction est de me faire mal pour penser à autre chose. Même si ce n'est rien au début, elle finit toujours par se nourrir de mes plus grandes peurs.

La main du mercenaire se pose sur mon bras que je griffais, m'extirpant du supplice qui sévit mes pensées.

— Qu'est-ce que t'as ? demande sa voix, plus douce que la dernière fois qu'il m'a adressé la parole.

— Rien, ça va.

Je tente de retirer sa main mais il refuse de coopérer.

— Menteuse, m'accuse-t-il. Tu penses à quoi pour que ça t'angoisse autant ?

Je fronce les sourcils avant de daigner lui accorder un regard. Il lit vraiment en moi comme dans un livre ouvert écrit en lettre capitale. Comment est-ce qu'il fait bon sang ?

Et puis, si je lui disais que c'est à lui que je pense, ça sera probablement bizarre.

— Je-... C'est ce repas avec ta famille, mens-je.

ROSE | 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant