𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝐗𝐗𝐈𝐈𝐈

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𝚁𝙾𝚂𝙴


— Et donc qu'est-ce que vous faisiez tous les deux, au beau milieu de la nuit, dans la piscine ? m'interroge la voix aiguë de Chavy.

Je me mords la lèvre, continuant à chercher la poêle dans le placard sous l'évier. Ryan n'a pas su garder sa langue et à tout cracher à Chavy dès qu'il en avait l'occasion.

— Mmh, il m'apprenait à nager, mens-je, incapable de lui dire la vérité.

Elle pouffe de rire, incrédule.

— Un cours de natation en pleine nuit ? Tu te moques de moi ?

Je me redresse et lui tends la poêle qu'elle attendait. A l'aide de mon pied, je referme les portes du placard avant de m'adosser contre le plan de travail en marbre gris.

— Pas du tout, il m'apprenait à nager mais... à sa manière, réitéré-je, plongeant mes yeux dans ses iris bruns dans l'espoir qu'elle me croit.

Chavy me tourne le dos, ce satané sourire malicieux toujours collé à ses lèvres vernis de son éternel gloss rouge cerise — que je lui vole de temps à autre.

— Du coup tu sais nager ?

— Ce n'est pas le meilleur des professeurs.

Son rire gracieux fuse, alors que je fourre mes mains dans les poches de mon jean.

— Ça sera répété et amplifié, m'avertit-elle.

Je hausse les épaules et lance d'une voix indifférente :

— Je t'en prie.

Qu'il se vexe ou non m'est égal. Il m'ignore depuis hier soir, depuis que j'ai enfilé le peignoir qu'il m'a amené jusqu'au bord du bassin. Lui qui d'habitude ne se gêne pas pour me reluquer, n'a pas daigné m'offrir un seul regard, comme s'il regrettait ses actes pourtant consentis. Ses yeux fuyants l'erreur qu'il a commise. Ou plutôt, l'erreur que je suis.

Son attention me réconforte. J'ai le sentiment d'exister, d'être comme tout le monde. Pour une fois dans ma vie, j'ai confiance en moi et j'aime... mon corps.

Ce même corps que j'ai tant haï durant des années et des années. Aujourd'hui je l'aime comme il est. Peu importe si je perds encore plus de poids, ou que j'en gagne, je ne peux pas le blâmer pour ça. Je suis jolie à ma manière et chaque femme dans ce monde à une beauté singuelière, qui n'appartient qu'à elle, ce qui fait tout notre charme. Malheureusement, les idéaux posés par les hommes poussent à la compétition et aux querelles dérisoires entre les femmes. A celle qui rentrera le mieux dans la case, celle qui se délaissera pour plaire. Ce phénomène sévit dans les quatres coins du monde, et diffère selon les cultures et les époques. Mais le but reste le même: créer un idéal de beauté.

Je mentirai si je disais que je n'ai jamais essayé de me plier en quatre pour rentrer dans le moule. Les commentaires désobligeants de mes frères et soeur s'infiltraient dans mon esprit déjà en lambeau, puis, doucement leurs mots aussi tranchant qu'une lame aiguisée me lacéraient chaque cellule que mon corps produisait dans le simple but de me détruire, de détruire mon estime de moi-même. En vain j'ai cherché à leur ressembler, juste pour être normal.

Juste pour rentrer dans les cases.

Mais j'ai fini par comprendre que leur ressembler n'altérera en aucun cas la haine viscérale qu'ils me vouent. L'origine est plus profonde qu'une simple différence physique.

J'ai réussi à me tirer de ce cercle vicieux et ce n'est pas grâce à Arès. Loin de là.

Chavy est la source de cette libération. Ses compliments aident mon estime de moi à accepter la vision des autres. La mienne est biaisée par les moqueries continuelles qui accablaient ma raison, au point de devenir irrationnelle.

ROSE | 1 & 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant