Chapitre 8

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Lancelot se souvenait aussi de la première fois où il avait trouvé réconfort dans les bras de Guenièvre ;

C'était le soir de Yule où la lune était pleine, Lancelot était seul, assis en face du brasier brûlant dans la cheminée de sa chambre. Tard dans la nuit, le rideau fermé n'empêchait pas l'air glacial de pénétrer dans la pièce. Les flammes dansaient avec fureur, attisées par l'arbuste récemment offert à leur supplice.

Tôt dans la journée, Aloïs est venu le voir, un petit arbre dans les bras. C'était un jeune sapin, décoré de fraîche pomme de pins, enroulé de fines brindilles et d'une longue délicate guirlande de pâquerette.

Il avait été donné à Lancelot, et le garçon avait précisé que la reine elle-même avait confectionné le joli ornement de fleurs.

Depuis le début du mois de décembre, le château et la Cour entière s'activait à décorer les murs et les rampes d'escaliers. Chaque pièce ou presque était décorée d'un sapin orné, plus ou moins grand selon l'importance de la salle. Au début Lancelot n'avait pas compris la présence de ces arbres et de ces fioritures. Alors devant sa confusion on lui avait expliqué. Le roi, de confession chrétienne, avait ordonné l'embellissement du fort en l'honneur de la fête la plus importante du calendrier catholique, on célébrait la naissance du prophète Jésus, comme l'annoncent les textes sacrés. Rapporté par Rome, Noël, ils l'appelaient. Et c'était justement le grand jour. Il avait demandé à Aloïs si, lui aussi, célébrait cette fête.

"-Non Sire, je ne prends part à de telles festivités que si je n'y suis obligé" Il avait répondu, et difficile de ne pas remarquer l'hostilité de sa réponse à l'égard de la commémoration future. Rien de plus n'avait été dit par l'écuyer à ce sujet, cependant.

Arthur ne l'avait pas forcé à se convertir bien qu'il fut forcé à se plier au baptême lors de son adoubement.

Alors il avait gardé ses croyances que beaucoup appelaient "païennes". Tous savaient à quels types de convictions s'adonnait le champion de la reine et la foi qui l'animait. Personne n'osait en parler tout haut mais Lancelot savait ce que tous en pensait.
Et de son côté l'écuyer du roi se gardait bien de parler mais de temps en temps, sa langue pendue faisait part de ses opinions quant à la religion de son souverain et de Camelot. Même s'il ne l'admettrait jamais devant Arthur, il se moquait bien de son Dieu tout puissant, miséricordieux sauveur des Hommes qui avait assassiné son propre fils. Il ne croyait ni à l'immaculée conception ni aux miracles accomplis par le prophète. Tant de fois il avait craché à Gauvain lorsqu'il tentait de le raisonner, les yeux roulant dans leurs orbites ;

"Un Dieu d'amour ? Oh ! Celui-là même qui a déclaré la guerre à toutes les divinités, celui-là même qui se veut unique et seul destinataire de nos adorations ? Celui-là même qui a tenté de massacrer tous ceux qui ne croient pas en lui ? Puisse le sort m'épargner un tel amour, Gauvain !"

Il trouvait les prêtres trop excessifs, Lancelot n'avait jamais été attiré par leurs litanies. Il trouvait les rituels du dimanche trop contraignants et inutiles. Et avec tout le respect qu'il lui devait, Lancelot s'était souvent trouvé mépriser et bafouer la foi de son ami le plus proche sans aucun remord si ce n'était celui de devoir le garder pour lui.

Plusieurs fois dans la journée, les cloches de l'église avaient retenti. Tout d'abord à 11h du matin, elles sonnaient à la volée pour la messe de la veille de Noël. Lancelot ne s'y était pas rendu. Le couple royal si, Aloïs était certainement reconnaissant envers le champion puisqu'il n'était pas forcé de s'y rendre. Cependant, l'absence de Lancelot avait sans doute fait s'élever les chuchotements dans l'assemblée. Lancelot n'en avait que faire.

Au dîner, Lancelot s'y était rendu. Par simple politesse. Quand il est entré, il s'attendait à moitié à ce que la foudre s'abatte sur lui, qu'on le jette dehors ou qu'on le pointe du doigt en le huant. Après tout, qu'est-ce qu'un paîen ferait au réveillon de Noël ?

Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant