Chapitre 17

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  Cette nuit-là, Lancelot s'est réveillé en hurlant. Ce n'était pas inhabituel, bien sûr. N'importe quel autre soldat ferait de même. Il était difficile de garder un sommeil imperturbé avec ce à quoi ils faisaient tous face ; les tueries de masses, les massacres et les horreurs de la guerre ne laissait aucune âme en paix, et même celle du plus courageux d'entre tous.

Mais cette fois, ce n'était pas un de ces cauchemars, pas une de ces nuits. Les sanglots entravaient sa trachée et les larmes coulaient déjà sur ses joues quand il se réveilla, se redressant avec des soupirs frénétiques.

C'était la peur qui alimentait ses cris d'effroi, l'angoisse. Il craignait encore de revoir les images d'horreur s' il fermait ses paupières à nouveau, car c'était là des songes épouvantables. Le roi Galehaut, allongé sur son lit, les bras croisés seulement pour serrer contre son torse inerte son épée. Ses cheveux, démunis de tout leur éclat et sa peau grise, encore plus pâle qu'à son habitude. Le seigneur Galehaut, mort, tué par Lancelot ne savait quoi.

Et il savait que la simple invention d'un tel événement par son esprit épuisé ne devrait pas le mettre dans un tel état mais les soubresauts qui le secouaient de haut en bas le confortaient pitoyablement dans son affliction. Et s'il devait être honnête avec lui-même, il savait obstinément que les informations données par sa mère quelques heures auparavant n'avaient aidé en rien au calme de son sommeil.

Il était persuadé qu'il devait rester dans ses draps, calmer ses angoisses infondées par le sommeil. Mais pourtant le voilà, au creux de la nuit,le voilà en train de s'aventurer dans l'aile droite du château jusque là jamais explorée. Il ne savait pas vraiment ce qu'il faisait, à vrai dire. Il se raccrochait à l'excuse volatile de s'assurer la bonne santé du roi, stupidement inquiété à l'idée d'une vision. Il ne voulait pas trop y réfléchir non plus, sinon il partirait aussitôt.

Plus il marchait, moins il marchait vite. D'ailleurs il été persuadé qu'à chaque mouvement, son prochain pas le ramènerait en arrière immédiatement. Et en courant, poursuivi par un fantôme seulement enroulé dans les draps blancs de sa crainte.

Il marchait sur la pointe des pieds, essayant de faire le moins de bruits possible. Réellement, il essayait. Même s' il s'apprêtait forcément à se heurter aux gardes, il s'obstinait à se terrer dans un supposé silence.

Enfin il arriva devant la porte des appartements du souverain. Et gardée comme celle des Enfers elle l'était. Deux gardes en guise de Cerbère, deux immenses battants de bois brut et sculptés en guise d'Hadès.

Les deux soldats n'avaient pas l'air plus aimables que le chien polycéphale, tout bien réfléchi c'était à propos.

"–Messires, je dois m'entretenir avec le roi.

Sa voix était plus tremblante qu'il ne l'aurait voulu, il se mordillait inconsciemment la lèvre, ses doigts volant à nouveau pour ratisser la marque sur la peau de son poignet.

Les gardes échangèrent un regard, l'un d'eux ne fit aucuns efforts pour cacher son rictus méprisant.

–Et pour quelle raison devriez-vous réveiller le roi à une heure si tardive, messire chevalier ?

–Aucune raison qui ne vous regarde, sans vouloir vous offenser.

Le porte s'ouvrit brusquement. La poignée s'enclanchait d'un coup sec et la porte pivota sur ses gonds dans un bruit sourd qui finit de faire frissonner Lancelot.

–Laissez-le entrer messieurs.

La figure merveilleuse du roi lui fit face, et Lancelot se surprit à le trouver toujours aussi beau bien que les traits visibles d'un assoupissement peu lointain. Il était en vie ! Lancelot se trouva bien idiot à se réjouir d'une évidence, mais il avait eut trop de crainte pour s'en soucier.

Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant