Chapitre 25

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  Le lendemain de son retour, Lancelot était resté terré au fond de son lit, emmitouflé dans ses couvertures. Le début du mois d'octobre menait avec lui la pluie, et cette dernière a battu contre la pierre du fort et le verre des fenêtres de la chambre de Lancelot toute la journée durant. Bien trop fatigué et découragé par la météo pour ne serait-ce que sortir du lit, le chevalier a préféré osciller entre tantôt dormir, tantôt regarder les flammes de sa cheminée danser sans réelles convictions. Les rares pensées rationnelles qu'il avait –et qui n'étaient pas dictées par la fièvre résultante de son éprouvant trajet–, demeuraient peuplées des mêmes acteurs et des mêmes décors ; le seigneur Galehaut dans son fort de Soreloise, Arthur et Guenièvre sur les marches du château ou encore ses compagnons chevaliers près des murailles. Parfois, le script différait de celui qu'il avait appris ; en meilleur ou en pire. Il se demandait comment se portait Galehaut, si l'absence du chevalier se faisait déjà ressentir. Est-ce que les villageois festoyaient le récent départ du monstre aux yeux verts ? Galehaut avait-il trouvé un autre homme à accueillir dans ses draps, un autre chevalier à couvrir d'affections ?

Le roi et la reine se languissaient-ils de sa présence à nouveau, guettaient-ils l'ombre de leur Champion sous la porte de leurs appartements ? Gauvain attendait-il son arrivée pour un repas à l'auberge, Agravain se réjouissait-il de son retour, attendait-il, comme Kay certainement, la moindre occasion de le moquer ?

Le soleil commençait à se coucher à l'horizon et la pluie n'était visiblement pas décidé à prendre du repos lorsqu'on toqua à sa porte.

"–Entrez. Avait-il lancé, peut-être pas assez fort pour qu'on l'entende.

La porte pivota sur ses gonds, s'ouvrit à peine. Et la tête d'Aloïs se glissa par la fine ouverture.

–Sire ! Il entra, refermant derrière lui à l'aide de son pied. Il tenait un plateau en bois, rempli de nourriture à première vue. "Vous ne vous êtes pas présenté au déjeuner ni au dîner... Le roi s'inquiétait et messire Gauvain m'a demandé de vos nouvelles. Alors je suis venu vous apporter de quoi manger, au cas où.

Le page semblait nerveux, ce qui fit sourire tendrement Lancelot. Vraiment, cela lui remontait le moral. Il se redressa, balançant ses jambes hors des couvertures pour s'asseoir au bord du lit.

–Merci beaucoup Aloïs, il ne fallait pas tu sais.

–Mais si, c'est mon travail après tout. Répondit-il en déposant le plateau sur la petite table ronde.

Le chevalier haussa les épaules, offrant un sourire reconnaissant malgré tout.

–Vas-y. Tu es congédié pour la soirée.

–Oh, c'est vrai ? Merci !

Le trépignement excité du page lui arracha un léger rire, et il lui fit signe de sortir. Ce qu'Aloïs fit sans plus de cérémonie.

Lancelot se leva, et s'approcha de la table. Tirant le tabouret, il s'y installa, drapant la fourrure posée sur la table sur ses genoux. Le repas apporté était sans aucun doutes les restes du dîner, et consistait en un copieux bol d'avoine sec, un peu de riz cuit, et des carottes. Un autre bol était rempli de lait chaud, dont Lancelot se servit pour hydrater son avoine en le versant dans cette dernière. Une coupe contenait du vin, qui alors ne fit pas long feu : le chevalier s'en désaltéra goulument, avide de la douce brûlure de l'alcool et des merveilles que ce dernier fera quant à son âme en peine.

Les céréales furent ingurgitées en dernier ; alors comme ça, elles le tiendraient rassasié pour la nuit. Il finit le reste de son lait juste avant de retomber au lit, et sombrer dans un sommeil profond et dépourvu de rêve.

Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant