Chapitre 9

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 –"Mon roi, nous devons le prendre par surprise si nous voulons le vaincre !

–S'en est assez, Agravain.

Toute la Table Ronde avait tremblé lorsque le roi avait réprimandé le jeune prince des Orcades, et Lancelot aurait juré qu'il avait pu voir Gauvain donner un coup sous la table à son frère.


La nouvelle était arrivée tôt le matin-même. Le royaume de Logres était envahi. Et pas pour n'importe qui, par le roi Galehaut. Le messager avait spécifié que l'assaillant laissait quelques mois au roi Arthur pour se préparer à la bataille, mais n'avait donné aucune information sur le jour précis où cette dernière allait commencer.

Alors aussitôt, Arthur avait réuni tout ses chevaliers autour de la Table Ronde pour une réunion.

Agravain, l'Orgueilleux, n'en démordait pas : il fallait attaquer en surprise et au plus vite. Cependant personne ne le soutenait. Seul Lancelot, mentalement, aurait pu être de son avis si seulement il n'éprouvait pas une si grande animosité envers le jeune frère de Gauvain.

Léodagan, beau-père d'Arthur et de séjour à Camelot pour une courte période de temps, s'alliait avec Keu et Gauvain dans l'idée de suivre les ordres du seigneur des Iles Lointaines et de se préparer en conséquences avant l'attaque.

Dagonet, principal conseiller du roi était aussi de cet avis. Tous semblaient se réjouir du fait qu'Hector, le père adoptif du roi, faisaitr également pencher la balance de leur côté.

Tout les autres restaient terrés dans leur mutisme, certains réflichissaient bonnement, tel que Perceval qui semblait étudier la chose avec beaucoup de concentration, examinant une idée qui, comme d'habitude, échappait à tous.

–Hector a raison... Si nous voulons être victorieux alors nous devons nous préparer à la bataille. Le seigneur Galehaut n'est pas un adversaire comme un autre.

C'était Perceval qui avait parlé, Juste Perceval, Bon Perceval, Pieux Perceval, l'incarnation même de la naïveté juvénile enroulée dans une lange de bravoure.

Et il n'avait pas tort. Lancelot avait toujours entendu parler du roi Galehaut comme s'il était une sorte de divinité. Toujours son nom était à demi chuchoté, on baissait la tête lorsqu'on le mentionnait, comme si on redoutait ce qu'il arriverait.

Il avait toujours entendu parler du roi Galehaut comme on entend parler de la peste, comme la famine et comme les tempêtes ; un fléau envoyé par les dieux pour tempérer et punir les habitants de sa création. Fils de la Belle Géante des Iles Lointaines, un homme redoutable, roi non couronné qui conquit terres et royaumes à la seule aide de son épée et son destrier.


–Et toi, Lancelot ? Qu'en penses-tu ?

Tiré de ses pensées par l'impériale voix de son souverain, Lancelot redevint alerte en un rien de temps. A vrai dire, il n'en pensait pas beaucoup. Si il allait à l'encontre de l'avis général, ne serait-il pas moqué ? Keu se ferait une joie de le pointer du doigt, faire glisser une cinglante remarque dans sa prochaine phrase.

D'ailleurs, ce dernier semblait à l'affut du moindre mot qui pourrait sortir de sa bouche.

Il ne pouvait pas non plus rester neutre, il était le champion et le chevalier le plus proche du roi.

–Je pense, à votre humble honneur mon seigneur, que nous devrions rassembler les troupes nécessaires afin de nous assurer la victoire. Bien que, avec vous, nous ne pouvons que remporter.

Bien. Ni trop ni trop peu. Saupoudré des mots qu'il savait gonfleraient l'égo de son roi. Le sénéchal détournait le regard, Lancelot était vainqueur.
Ne l'avait-il pas toujours été ? Il était celui assit à la droite du roi. Il était le meilleur d'entre tous, et avait le privilège de prendre place sur le Siège Périlleux.

On lui avait apprit dès son arrivée que seul le plus valeureux et dévoué d'entre eux pourrait s'y asseoir. Et si on s'y installait sans en être digne, le malheureux se retrouvait aspiré par le fauteuil, englouti dans des abysses dont personne ne ressort jamais.

Au début, même si angoissé, Lancelot se targuait de pouvoir s'y asseoir. Après tout, n'était-il pas déjà le champion ? Le meilleur d'entre eux, selon Arthur lui-même ? Il était évident qu'il méritait sa place.

C'était le soulagement général dans la pièce quand il y prit place, et qu'il y resta, intact. Tout le monde avait retenu sa respiration pour finalement s'autoriser un soupir de délivrance.

–Je vous l'avais dit ! Scandait le roi avec plaisir, bien que l'apaisement soudain de ses traits ne laissait place à aucun doute quant à sa précédente angoisse.

Keu semblait dévasté, et Gauvain offrait à Lancelot un sourire sincère. Le champion était fier et il était difficile de cacher son sourire quand on l'acclamait ainsi.

Malgré toute attente, le poids de sa destinée était une charge bienvenue sur ses épaules. Il avait été choisi. Alors sa mère ne lui avait jamais menti ?

C'était définitif ; il était bel et bien celui qui ramènerait le Graal au souverain, apporterait bonheur, immortalité et prospérité à Camelot et au règne d'Arthur.

Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant