Chapitre 3

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Leur arrivée à Camelot fût plutôt calme. Dès que leurs chevaux se présentèrent au loin, on entendit des écuyers crier du haut des remparts. Des forts « Ouvrez les portes » se firent percevoir, et des chevaux furent aussitôt attelés pour ouvrir les lourdes portes de bois.

Lancelot regardait la haute muraille qui se dressait devant lui avec admiration. Plus impressionnante encore que dans ses rêves les plus fous, la grande Camelot se présentait à lui dans toute sa splendeur. Au coucher du soleil, l'astre brûlant éclairait de ses derniers rayons devant eux, descendant bientôt derrière les hauts murs de pierre.La neige brillait encore au sol, l'air était froid et des flocons tombaient encore, s'accrochant aux boucles humides de Lancelot et plaquant des mèches brunes sur son front.

Le peuple acclamait aux remparts, et leur bruit submergea Lancelot subitement. Ils criaient, applaudissaient encore et toujours, se faisaient écho en exclamations de joie bruyantes et autres ovations.

Il ne comprenait rien, regardait autour de lui avec une confusion visible. Pourquoi les citoyens s'inclinaient-ils devant eux, suivaient leurs chevaux jusqu'aux écuries ? Lancelot suivait la dame en silence, le chevalier marchant toujours à ses côtés, silencieux. Il inclinait la nuque de temps à autre dans des salutations muettes, les yeux baissés.

Lancelot scannait les environs, avisait les paysans qui acclamaient leur passage, remerciant le ciel, certains les mains liées, agenouillés.

Mais des regards austères lui étaient adressés. A sa vue, des femmes saisissent la main de leurs enfants, les arrachant à leur bulle d'admiration afin de le serrer plus près. Lancelot voyait la peur dans leurs yeux, méfiance de l'inconnu, de l'étranger. Parfois, il voyait la curiosité au fond des pupilles qui le fixaient, qui essayaient de l'épingler afin de le décortiquer et l'étudier comme s'il était laide bestiole, bête inconnue, barbare des terres lointaines.

Il n'y prêta que trop peu d'attention. Les portes se refermaient derrière eux, et Lancelot prit le temps d'apprécier les alentours. Alors qu'ils fendaient la foule et que le peuple s'écartait à leur passage, un chemin de terre battue se dévoilait sous les sabots de leurs montures. Les murailles étaient si hautes qu'elles semblaient gratter les cieux, et Lancelot se demandait comment cet enchevêtrement de pierres pouvait tenir pour former un tel édifice. 

Quand leurs chevaux furent attachés par les écuyers, Lancelot posa pied à terre . Aussitôt, il se sentit acculé. Deux hommes foncèrent sur lui, le déshabillant de ses vêtements offert par la dame, pour le laisser seulement en guenilles.

Avant qu'il n'eut le temps de grelotter de froid, une lourde et chaude cape fut enroulée autour de lui, la fourrure brune pesant sur ses épaules avant qu'il ne puisse s'en rendre compte. Une voix se démarqua cependant parmi le brouhaha incessant de la cour.

" –Apportez à boire et à manger à cet homme. Avait ordonné la dame d'une voix ferme et forte, et Lancelot se tourna aussitôt dans sa direction.

La réponse qui suivit lui glaça le sang et raidit tout les os de son corps.

" –Oui, ma reine"

"Ma reine" ? Lancelot se sentait subitement malade. Ses yeux faisaient des allers-retours entre la dame et le page qui lui avait répondu. Alors, elle qui lui avait caché son identité pendant tant de jours, deignant à Lancelot ne serait-ce qu'un prénom, était une reine ? La reine. L'estimée et belle Guenièvre de Carmélide, dont on parle partout, le nom qui sortait de toutes les bouches que Lancelot avait interrogé au sujet de Camelot.

Cette reine, il l'avait devant les yeux depuis des jours, elle l'avait sauvé d'une mort certaine. Le monde de Lancelot tournait. Et quand les yeux de la souveraine rencontrèrent les siens, il crut qu'il allait s'évanouir à nouveau. Ces yeux-là étaient teintés d'inquiétude et d'une certaine peur dont Lancelot n'arrivait pas à en déceler la cause.

Le monde autour d'eux semblait avoir disparu, remplacé par un bourdonnement de fond à peine perceptible. Les gens qui se bousculaient à leurs côtés ressemblaient dans la vision périphérique de Lancelot à une tâche uniforme, floue et multicolore, qui se mouvait avec lenteur. Rien n'existait plus, seulement la reine devant lui, sa chevelure blonde qui volait avec grâce au vent qui balayait son visage, ses yeux d'un bleu profond dans lequel Lancelot se noyait petit à petit. Et alors qu'il s'apprêtait à fendre la foule pour rejoindre sa dame, il fut doucement retenu, une main se posa à plat sur son torse et Lancelot fut accueilli par un jeune homme roux d'une quinzaine d'années.

" –Messire, je suis Aloïs, on m'a chargé de vous escorter jusqu'aux infirmeries." Avait-il dit, et sa voix juvénile était teintée d'un léger accent romain qui se perdait néanmoins entre les sons profonds d'une mélodie bretonne. Sans un mot, Lancelot emboîta le pas du jeune homme.

Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant