Requiem Aeternam

Chapitre 30

–"Ouvrez les portes !

–Les portes !

–La reine est de retour !

Les sentinelles s'activaient dans les tours lorsque Lancelot et Guenièvre se présentèrent enfin devant les portes de Camelot. On criait le retour de la reine, chantait à la gloire du champion. Il passèrent les portes au galop. Lancelot tenait fermement Guenièvre entre ses bras, alors qu'elle était assise devant lui, les jambes hors de la selle. Sur le chemin, ils avaient dormi dans une auberge, dont laquelle la dame du gérant avait respectueusement fait cadeau d'une de ses robes à Guenièvre afin qu'elle puisse se couvrir.

Lancelot fit accélérer sa monture de plus belle. Il se devait de mener son amante à son roi aussi vite que possible, mais hélas il le savait. Depuis la seconde où ils avaient pénétré dans le royaume, Guenièvre n'était plus à lui. Arthur était son mari légitime, elle était la reine, la reine avant d'être son amour. Le champion fendit la foule, dans la cour principale on criait à nouveau son honneur et sa joie, on l'adulait. Personne ne s'attendait à les voir revenir si tôt, si vite !

Aux portes du palais, les chevaliers encore présents se pressaient. Lancelot descendit en premier de sa monture, puis présenta une main à son aimée. Elle s'en saisit, et à son tour, descendit de cheval. La reine gardait les yeux baissés, comme par peur de regarder le champion. Des écuyers se pressèrent bientôt à désarmer le champion, la reine attendit en silence qu'on ait fini. Puis, ils s'inclinèrent, et devant la cour, Lancelot offrit son bras à Guenièvre.

Ils entrèrent dans le palais, étonnement vide, si ce n'était les quelques domestiques et servantes qui déambulaient dans les couloirs.

–Yvain, Yvain ! Interpella Lancelot à son cousin qui se tourna aussitôt vers lui.

–Sire Lancelot ! Nous vous attendions. Ah, ma reine –Il s'inclina–. Les Dieux vous protègent.

–Allons, Yvain mon cousin, savez-vous où est le roi ?

–Le roi est dans la salle de la Table Ronde, Lancelot. Il s'entretient avec des seigneurs, quant à l'enlèvement de la reine. Comme il sera heureux de vous voir, tous les deux !

Lancelot remercia Yvain prestement, et se dirigea avec Guenièvre vers la salle désignée. Ils restèrent silencieux, mais les regards qu'ils se lançaient ne trompaient personne. Bientôt les voici devant la porte, tous deux soudainement apeurés, timides. Comme s'ils redoutaient qu'alors leur union serait dévoilée au grand jour, écrite sur les lèvres, sur leurs visages.

Le champion poussa la porte. Soudainement, les discussions animées de la pièce s'arrêtèrent. Tous se tournèrent vers les nouveaux arrivants, les intrus. Sur les visages de l'assemblée on lisait le choc, la surprise, même parfois le bonheur. Le Haut-Roi fut le premier à se lever, abandonna sa chaise d'un bon. Sans qu'on puisse le voir vraiment tant il fut rapide, il se jeta sur la reine, le serrant contre lui avec une tendresse équivalente à sa joie. Il riait tendrement, la souleva même contre lui, ses bras enroulés autour de sa taille. Guenièvre, riveta ses bras autour de son cou et l'étreint à son tour. Arthur la fit tourner dans ses bras, et il fut tourné dos à Lancelot, la reine faisant face au champion.

Il ne put détacher ses yeux de son amante. Elle pleurait à nouveau, détachée de sa dure noblesse, visiblement assaillie à nouveau par toutes les douloureuses émotions qu'elle avait pu ressentir. Puis elle leva les yeux, rencontra le regard de Lancelot. Et ils se regardèrent, sans pouvoir détourner les yeux. Le champion fut soudain en proie à une grande tristesse. Ici, de retour à Camelot, il était de nouveau retenu par ces chaînes qui le forçaient loin de son amour. Peut-être cette situation était plus douloureuse que celle d'aimer dans l'unilatéralité. Guenièvre lui offrir un sourire plein de grâce et de bonté, puis elle vint chuchoter quelque chose à l'oreille de son époux, gardant un œil sur le champion. Il sembla à Lancelot qu'Arthur rit, d'un éclat cristallin, ce genre de rire qui n'est produit que par la joie sincère.