Chapitre 24

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Arthur ne savait pas vraiment quoi penser à présent. Lancelot, traité comme un frère à Soreloise ? Comme un égal ? Il sentait la piqûre familière de la jalousie, douce sensation détestée par tous les grands hommes. Il n'a que lui-même à blâmer après tout, et il devrait se réjouir, non ? Se réjouir que son chevalier n'ait été prisonnier, qu'il n'ait pas souffert pendant son séjour. Mais pourtant il n'y parvenait qu'à moitié. Il ne pouvait s'y résoudre.

Et quand il fut devant le géant, quand son propre royaume fut presque livré à ses pieds, lui qui croulait sous le poids nouveau et écrasant de la responsabilité et de la royauté, lui, modeste fils de paysan qui fut un jour confronté aux horreurs commises par un père inconnu. Lui qui ne savait encore d'où il venait, et qui devait se forger un destin, prendre la relève d'un royaume entier sous le simple diktat d'une prophétie. Il n'avait su tempérer et réduire la peur et l'angoisse qui grandissait à mesure que ses hommes tombaient. Alors il avait accepté l'offre d'une paix bien coûteuse, oh, si coûteuse, mais il s'accrochait fermement à l'espoir de revoir un jour son Champion quand il accepta la proposition de l'adversaire. Et il s'y accrocha de longs jours, longs mois.

Et maintenant, on lui disait que ce roi pour lequel il avait versé tant de sang et de larmes, ce roi qui avait volé ses nuits, ses rêves remplacés par des cauchemars, ce roi qui avait remplacé le souvenir lointain d'un bonheur par une angoisse constante, lui avait volé son Champion. Son confident, la seule personne à qui il eut jamais fait confiance, le seul homme que Dieu eut créé qui fut un jour capable de le comprendre. Arraché, volé et enlevé si rapidement, si cruellement ? Il lui avait pris sa place. Lui aussi pouvait l'emmener à la chasse ! Ne lui avait-il pas demandé conseil,ne l'avait-il pas assez écouté ? Ne lui avait-il pas donné une place privilégiée autour de sa Table Ronde ? Ne lui avait-il pas donné toutes les raisons de rester, de l'aimer ?

La pensée laissait un trou béant dans sa poitrine. Oh, quelle douce peur faisait bouillir son sang dans ses veines ? Allumait la flamme de la jalousie, qui brûlait petit à petit jusqu'à atteindre la folie ? Qu'est-ce que cet autre souverain avait qu'il n'avait pas ? Il cherchait une trace de mensonges dans ces yeux de jade, n'importe quoi. Mais il n'y trouva que sincérité, et quelque chose qui lui rappelait la mélancolie, le déchirement intérieur. Le jeune roi était perdu, rongé par le doute et la culpabilité.

Après le départ de Lancelot, Arthur s'est sans attendre installé à son bureau, dans le seul et unique but de noyer ses doutes et ses angoisses dans le travail. Seulement plus la nuit avançait, plus les noms se brouillaient sur les cartes, les lettres se mélangeaient sur les parchemins.

"–Mon roi travaille trop tard.

Deux mains fines et légères glissaient sur ses épaules, appliquaient une pression bienvenue les muscles endoloris par sa position arquée. Arthur se redressait, tournait la tête pour capturer les lèvres de sa femme dans un baiser avant de se laisser guider au lit, les bougies soufflées faisant écho à ses troubles momentanément oubliés.

Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant