Chapitre 10

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La paix à Camelot après l'arrivée de Lancelot ne fut cependant pas éternelle. Un matin, alors que le couple royal et leur champion s'étaient retrouvés dans les appartements du souverain afin de s'entretenir, un messager fit son apparition, affolé, escorté par Sire Gauvain et Sire Keu. Il était dépêché par la Dame des Marches, pour faire savoir au roi que Galehaut de Soreloise, le roi non couronné et fils de la Belle Géante, était entré sur sa terre et s'en était entièrement rendu maître, à l'exception de deux places fortes éloignées.

Tout le royaume redoutait et attendait cette nouvelle. Comme on attend l'annonce de la mort d'un malade, c'était une question qui brûlait les lèvres de tous et pourtant on n'osait y penser, comme si cela pourrait alors en repousser l'arrivée.

Un silence assourdissant s'était abattu sur la pièce, Arthur avait posé sa plume dont l'encre tâchait à présent le parchemin d'une flaque de jais.
" –C'est pourquoi elle vous demande de venir défendre un pays qui est de votre mouvance, car, sans votre aide, elle ne pourra plus tenir longtemps.

Arthur restait perplexe, l'échine redressée, les yeux dans le vague. A ses côtés, Guenièvre avait une main délicate posée sur un des avant-bras du roi, qui finit par prendre la parole.

–J'irai au plus tôt. Répondit-il, résultant de murmures préssés venant des deux sire à la porte. "S'agit-il d'une armée nombreuse ?

–Oui, au moins cent milles cavaliers. Le jeune messager semblait bien nerveux.

–Dites à celle qui vous a envoyé, mon ami, que, dès ce soir ou demain, je marche contre ce Galehaut.

Gauvain avance d'un pas, passant la porte :

" –Ne faites pas cela, seigneur, lui objecte-t-il, attendez d'avoir rassemblé vos gens. Il est venu en force alors que vous n'avez avec vous que vos familiers. Vous ne devez pas vous exposer ainsi.

Le roi s'est levé, la voix haute et dure, plaquant une paume contre le bois massif de la table.

–A dieu ne plaise que, de mon vivant, je me tienne à l'abri dès lors qu'on envahit ma terre !"

Lancelot demeurait silencieux, ses yeux plongés dans ceux inquiets de la reine.

Le lendemain matin, ils se mirent en route. Arthur avait fait ses adieux à sa femme, promettant un retour, et Lancelot avait ployé l'échine devant elle en lui baisant la main. En retour, elle lui avait offert un sourire qui lui avait fait oublier tous les risques qu'il s'apprêtait à encourir. "En son honneur", se disait-il.

L'appréhension le gagnait à mesure qu'ils se rapprochaient de l'endroit où ils devaient se rendre. Cela faisait des semaines, des mois qu'il rêvait aux combats, au sang, au champ de bataille. Tout était allé si vite, cependant. Au bord du lac, les minutes et les heures passaient tranquillement, se transformaient en heures si lentement, et il les passait à rêver à un futur incertain dans une société encore inconnue, fantasmant le monde hors de la forêt, loin du lac.

Et depuis son arrivée à Camelot, les heures semblaient jours, les jours des semaines. Et le voilà, prêt à combattre, se donner corps et âme en pâture à des ennemis pour et en l'honneur de ce royaume qui l'a accueilli à bras ouverts, après à peine quelques mois rythmés par les rencontres, les passions nouvelles et les découvertes de toute tailles.

Ils chevauchèrent jusqu'aux abords du château où se trouvait la dame. L'armée d'Arthur installa son campement non loin de la bâtisse . Elle comprenait sept milles cavaliers, pas plus, mais le roi avait fait convoquer les siens d'un bout à l'autre du royaume : tous les hommes en état de combattre devaient venir, fantassins, pages, écuyers, en passant par les nobles ou les vassaux, finissant par cavaliers comme les seigneurs. Et ils devaient amener avec eux le plus de gens possibles.

Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant