Chapitre 7

12 1 1
                                    


 La vie à Camelot changeait radicalement de celle de Lac.

Tout d'abord, il avait acquis ses propres appartements. Rapidement promu au titre de Champion de la reine, il avait donc monté rapidement les échelons de la chevalerie au sein du royaume grâce à des aptitudes de combat exceptionnelles. Dans le château, ses appartements se trouvaient juste en dessous de ceux du roi et de la reine. Ainsi il pouvait aller et venir à sa guise au sein de la grande bâtisse fortifiée.
Au début, il craignait sans cesse de se perdre dans le château, et avait mémorisé avec minutie chaque tapisserie qui menait à sa chambre depuis les grandes portes. Même si les forêts et les brouillards permanents de l'Île Sacrée étaient tout aussi effrayants, un nouveau lieu de vie était toujours intimidant.

Mais il prit éventuellement goût à la vie de château, après tout n'avait-il pas été élevé pour ça, en dépit de ses origines ? Sa mère lui avait dit qu'il serait prospère

Quand l'ennui le prenait alors il trouvait plaisir à se perdre dans les couloirs sombres, fouler les tapis brodés, arpenter les galeries. Parfois on le surprenait à la bibliothèque royale, affalé de travers sur un divan, les jambes posées sur les accoudoirs et un livre ouvert reposant sur son torse, pauvre témoin de sa paresse.

S' il y allait seul, il lui arrivait aussi de rejoindre le roi. Alors les deux hommes passaient des journées entières à converser, lire et débattre. Malgré le peu d'habileté de Lancelot à conduire une savante discussion, Arthur trouvait toujours quoi dire. Le souverain semblait se soucier de chacun de ses avis, quémandant son opinion sur des hautes affaires royales. Pour un homme étranger dont on ne pouvait décider s'il devait partir ou rester, Lancelot proposait qu'on lui bâtisse une habitation sur la frontière. Lorsqu'un vassal trop gourmand se plaignait de maigres revenus, il suggérait qu'on sépare ses terres en deux et alors, il pourrait se réjouir de recevoir plus d'or qu'il n'en avait besoin.

Il soumettait d'absurdes lois et propositions sans réel but autre que celui de s'enquérir des sourires amusés du roi qu'il tentait vainement de dissimuler.

Et parfois, Lancelot se permettait de douter quant aux prophéties et aux légendes qui concernaient son roi. Ce même roi qui l'avait accueilli avec des paroles douces et engageantes, ces mêmes paroles qui avaient la capacité de lever des armées entières, les pousserait à le suivre au bout du monde. Il se permettait d'être dubitatif quand à l'ascension au trône d'Arthur, s'était longtemps interrogé à comment toute la terre de Grande-Bretagne et celle d'Avalon avaient adhéré à cette histoire fantastique, l'histoire du jeune élu des dieux, celle du Haut-Roi glorieux et né pour diriger.

Mais, oh, il avait vite compris. Avec un tel sourire, son charme affable, ces mots et sa bonté, il aurait pu faire avaler à n'importe qui n'importe quel conte ou rêve fantasque.

Un jour même, Arthur l'avait qualifié de "frère d'une autre mère" . Lancelot ne s'était jamais senti autant important de toute sa vie. Lui qui avait toujours vécu reclus et protégé par une aimante mère qui finit par le jeter dans la gueule du loup, lui qui n'avait connu autre amour que celui qu'on doit à ses parents, on le percevait comme un frère ?
Quand le jeune chevalier était fougueux, impulsif alors le roi était là pour le réguler, calmer ses émois, le raisonner avec de belles paroles qui n'appartiennent qu'aux hommes sages. Quand le souverain doutait, alors son bon ami était là pour le redresser.

Et depuis il n'avait cessé de se rapprocher du souverain, un lien indéfectible se créant entre eux, doucement mais sûrement construit par l'amour pur et sincère.

Et puis il y avait la reine. La reine Guenièvre, douce et gentille souveraine qui demeurait réservée comme elle se devait d'être, toujours enroulée dans son envoûtante étoffe de bonté. Et même si elle n'était pas aussi ouverte avec Lancelot que le roi ne l'était, leur relation gardait cependant de tout autant d'intimité. Où Arthur était fraternel alors Guenièvre était amicale. Doucereuse et délicate.

Il n'était pas rare qu'on aperçoive la souveraine et son champion se balader ensemble au bord des étangs qu'on trouvait à quelques minutes de marche du château ou dans les jardins royaux, des sourires joyeux ornant leurs lèvres.

Lancelot mentirait s' il disait ne pas apprécier la reine. Il l'aimait. Oh, qu'il l'aimait. Elle était tendre et bonne. Plus en proie et exposée aux racontars que son époux ne le serait jamais, elle donnait cette impression d'inaccessibilité, une créature aussi belle que lointaine, qu'on ne peut jamais atteindre. Elle aurait pu sembler superficielle aux yeux des commères et des charlatans.

Mais derrière cette façade d'obligeance et de bienveillance dans laquelle certains voient la naiveté de la jeunesse, elle était une femme forte, une puissante souveraine. Tout à l'image de son époux, elle adressait toujours des mots courtois, doux, et pleins du charme de ceux qui connaissent leur place et leur rang mais n'ont aucunement besoin d'en user pour se faire apprécier.

Il se rappelait encore du sourire de la reine lorsqu'il avait gagné ses premières joutes, quand elle lui avait confié être impressionnée de ses talents quand elle lui avait offert son mouchoir de soie.

Ce mouchoir, il l'avait gardé précieusement. Plié avec soin un tiroir de sa table de nuit, il le chérissait comme le plus précieux des bijoux et pour rien au monde il ne l'abandonnerait.


Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant