Chapitre 23

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  Un grand brasier se consumait dans la cheminée lorsque Lancelot pénétra dans les appartements du roi. La grande table avait été dressée soigneusement, grandement même, et le couple royal y était attablé.

"–Lancelot ! Nous sommes heureux de te voir te convier à nous. Arthur a chanté dès les portes refermées derrière le chevalier. Lancelot s'inclina, souriant "Vos majestés.

Dans le cadre privé des quartiers impériaux, le baise-main n'était pas une obligation. Au contraire, Arthur avait tendance à le mépriser même, répétant sans cesse que son statut ne lui octroyait en aucun cas un droit de domination sur ses plus proches amis. Devant la cour, oui, pour la forme et leur façade à tous. Mais sinon, dans le confort de leur groupe, jamais rien. Arthur, lui était toujours bien moins réservé que sa compagne à son égard et c'était quelque chose que le chevalier avait toujours aimé. Avant son arrivée à Camelot pour la première fois, il s'était fait une idée précise du souverain ; grand, fier et ferme, immense dans son autorité, froid et distant. Un homme d'un certain âge, sans doute. Aux cheveux gris, presque blancs, sage par sa vieillesse. Quelle agréable surprise ça avait été quand il s'était trouvé tiré dans une amitié fusionnelle avec un homme de trois années son aîné, jovial, généreux et plein de bonté !

Lancelot le savait, le jeune roi s'est toujours montré d'une humilité déroutante, ce qui pouvait laisser penser qu'Hector en était à l'origine –quoique le tempérament de Kay laissait cette constatation à discuter.

Lancelot s'attablait sans plus de discussion, souriait aimablement à ses hôtes.

–C'est un bonheur de vous revoir à nouveau.

Deux garçons déboulèrent soudainement, portant des plats garnis de différents mets. Le chevalier ne sut pas ce qu'on lui servait, trop absorbé par les deux seigneurs éclatants. Les lèvres d'Arthur bougeaient, certainement il lui parlait, mais il n'entendait rien, pas plus que les paroles des serveurs. Devant lui, comme deux songes, deux nuages de fumée, les deux personnes qu'il chérissait le plus au monde. Soudain, le manque qu'il avait ressenti envers eux durant tous ces mois le frappait de plein fouet.

–...lot ? Lancelot ?

Il sursauta. C'était le roi qui lui parlait, et qui le tirait de sa torpeur, certainement enquit du soudain mutisme de son ami.

Lancelot baissa la tête, surpris de la chaleur sur ses mains jusqu'alors jamais ressentie. Et c'était normal, car le roi et la reine, tous les deux, avaient glissé une main sur celles de Lancelot. Il lui semblaient même que c'était simultanément qu'ils l'avaient fait, comme dans un même geste d'inquiétude, comme s'ils étaient en parfait symbiose quant à leur Champion.

L'affection soudaine le fit rougir sans qu'il puisse y faire quelque chose, et il marmonna un moment avant de répondre, prit de court.

–Pardonnez-moi, j'étais distrait.

Des doigts se resserrent sur les siens, lesquels, il était trop ébranlé pour le constater.

–Mon pauvre ami, tu dois être épuisé. Peut-être aurions-nous dut te laisser au repos. Genièvre lui souriait.

Il s'était tourné vers la reine et fut frappé par la grâce qui émanait d'elle, saisi par la douceur et la bienveillance sincère qu'elle emportait partout avec elle et qui les seyait tant. Il lui rendit son sourire, les yeux baissés par soumission.

–Merci ma reine, mais ne vous inquiétez pas.

–Alors ! Parles-nous de Soreloise. Nous avons tant de questions !

–C'est une grande plaine froide et lugubre. Les forêts sont immenses cependant et c'est un bonheur d'y chevaucher. Les villageois... Eh bien, je pense qu'ils voyaient leur souverain revenir conquérant. Et tout à leur honneur, j'imagine. Tant pis pour eux. –Lancelot haussait les épaules, dosant ses paroles, de peur de trop en dire– Ils ne m'appréciaient guère si ce n'était ceux du château qui, je le soupçonne, ont été ou forcés à le faire, ou alors ont joué les hypocrites.

Requiem AeternamOù les histoires vivent. Découvrez maintenant